Salomé | Ça a commencé pendant la campagne de 2012 en fait, c’est là que j’ai voulu m’engager [pour Nicolas Sarkozy, ndlr], mais aussi après la campagne, quand c’était pas le candidat que je voulais (que je n’aime plus maintenant, c’est pas plus mal …). Après, c’était surtout pendant le schisme Fillon/Copé, quand j’ai vu que la droite était toute cassée et que c’était dommage de renvoyer une telle image : c’est pas comme ça qu’on allait pouvoir reconstruire l’alternance. C’est là que j’ai voulu m’engager, pour changer les choses.
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C’est à partir de ce moment-là que tu as commencé à soutenir François Fillon ?
Oui, bon, j’aimais quand même bien Copé aussi. Je suis pas du genre à dire “j’aime pas Copé”, même après l’affaire Bygmalion. Les deux me convenaient très bien, même si je préférais Fillon pour son côté plus présidentiable : il aurait fait un candidat naturel pour la droite et on aurait évité une primaire. Donc c’est pour ça que j’ai voulu m’engager à la base, mais ce que je préférais c’était surtout faire du local.
J’étais à l’UMP au lycée, en fait on servait surtout de main-d’œuvre (mais il y en a besoin !) pour le terrain : traitage, collage, boîtage, porte à porte, réunions publiques, des trucs comme ça. C’était surtout en soutien à des élus. Après, il faut choisir les élus avec lesquels on se sent le plus en phase. Par exemple, moi, je n’ai pas du tout fait de campagne à Lille parce que j’aimais pas trop les candidats là-bas. Du coup j’allais plutôt dans une petite ville juste à côté, qui est ce qu’on appelle une “terre imprenable” puisqu’elle est à gauche depuis toujours. J’aime beaucoup l’élu local qui est là-bas et qui se bat pour récupérer ce terrain là.
Ce qui m’a vraiment convaincue de m’engager, c’est de voir des gens défendre leurs idées, c’est vraiment ça. Par exemple, en 2012 j’aurais voulu que ça soit Sarko qui passe, mais j’étais juste derrière mon écran à dire “ouais il faut que Sarko passe”, mais je faisais rien. Je défendais pas trop mes idées. Donc je trouvais que c’était bien, ces gens qui allaient sur le terrain, qui parlaient…
Et puis j’avais besoin d’étayer mes idées, et c’est pas en restant tout seul qu’on peut le faire, c’est en parlant avec d’autres gens qui ont les mêmes idées, ou le contraire. Je me suis même rendu compte qu’au final j’avais pas vraiment d’idées, et que c’était cool d’aller dans une structure avec des gens super différents. Surtout qu’à l’UMP, c’était l’époque de toutes les motions, ça allait de “la droite sociale” à “la droite forte” en passant par “la droite pop’” ou même “la boîte à idées” (même si c’est un peu bizarre comme nom, mais passons). C’était super bien pour apprendre à discuter de mes propres opinions. C’est important car sans ça j’aurais toujours des idées très vagues
En général, les jeunes votent plutôt à gauche, qu’est-ce qui t’as menée à faire partie de cette tranche de la jeunesse qui vote à droite ?
Je pense que c’est avant tout une question de valeurs, comme celle de l’ordre parce que je suis quelqu’un qui aime l’ordre. La sécurité aussi, je viens d’un quartier de Lille pas très facile et j’aimerais bien pouvoir rentrer le soir à l’heure que je veux, habillée comme je veux, sans qu’on vienne m’embêter tout le temps. C’est vraiment la différence que je vois avec une ville de droite comme Saint-Germain-en-Laye – qui pour le coup est peut-être un peu trop à droite [rires] – où je peux presque être raccompagnée par une patrouille de police quand je rentre parce que je suis seule dehors. Dans une ville comme Lille, j’ai plutôt envie de courir. Je ne me sens pas en insécurité au point de pas sortir, mais j’aimerais ne pas avoir à me poser la question.
Donc la sécurité, l’ordre, et puis parce que j’ai une grande admiration pour le gaullisme et ses valeurs, dont je me sens vraiment proche et que je trouve plus représentés à droite. Je pense que Fillon est celui qui les incarne le plus. C’est pas un gaulliste à 100 %, y en a pas aujourd’hui : le seul qui était gaulliste à 100 % c’est De Gaulle et il est mort [rires].
“Sur la sécurité, c’est le programme de droite basique, je pense que ça servira. Quand il y a beaucoup de police on se sent plus en sécurité”
Qu’est-ce qui t’a séduite dans le programme de François Fillon ? Ou chez sa personne ? Ou les deux ?
C’est un mélange des deux, même si c’est vraiment le programme qui l’a emporté. Dans la personne, c’est la droiture et l’honnêteté, le côté franc, et de dire : “Mon programme il est difficile, mais je vous le dis direct comme ça vous serez pas surpris.“ Et aussi le fait qu’il n’a pas de casseroles judiciaires, c’est plutôt pas mal. Mais c’est surtout le programme sur la politique étrangère. D’abord le fait de considérer la Russie comme un allié, même si c’est pas forcément un pays qui correspond à toutes les valeurs des droits de l’homme que la France défend. Parce qu’on a besoin d’être pragmatique sur la question internationale.
C’est aussi le libéralisme économique, mais pas poussé à l’extrême comme beaucoup peuvent le dire aujourd’hui, ce qui est assez faux. Sur la sécurité, François Fillon a une vision de l’ordre et son programme est là-dessus : aider les gens à se sentir en sécurité, donner des moyens aux polices, augmenter les effectifs de terrain, armer les policiers municipaux… C’est le programme de droite basique, je pense que ça servira. Quand il y a beaucoup de police on se sent plus en sécurité, sans pour autant se sentir surveillé, si on n’a rien à se reprocher.
C’est aussi un petit peu les valeurs de la famille, mais je suis pas entièrement d’accord avec lui. De toute façon, aucun candidat ne défend ma vision sur la famille. Sur la question du mariage, je suis ultralibérale : le mariage, ça devrait pas être une affaire d’État, ça devrait juste être un contrat qu’on fait chez le notaire sans que l’État s’en occupe. Je trouve un peu inutile le point de Fillon sur la loi Taubira, on devrait laisser les gens faire ce qu’ils veulent, ou leur permettre de se marier seulement religieusement, comme ça tout le monde est content. Vu la situation de la France aujourd’hui, je pense que c’est un peu à mettre de côté, même si c’est important et que ça concerne les gens, surtout au niveau de l’adoption. On peut pas dire qu’il faut l’oublier, mais je pense qu’il y a des priorités, même si c’est triste de devoir prioriser…
Tu parles d’augmenter les effectifs de police sur le terrain, c’est pas un peu contradictoire avec sa volonté de supprimer 500 000 emplois dans la fonction publique ?
Ça dépend où on coupe. Aujourd’hui, il y a des tâches administratives qui ont peut-être moins besoin qu’il y ait beaucoup de gens qui s’en occupent. Avec le tout digital, les métiers du secrétariat par exemple sont voués à disparaître. Ça paraît logique qu’on supprime petit à petit ces métiers-là et qu’on ne les remplace pas : tout le monde aujourd’hui est capable d’envoyer un e-mail, de gérer son emploi du temps… C’est pas qu’ils servent à rien, c’est que leurs métiers sont aujourd’hui obsolètes et qu’il faut les aider à se reconvertir, ou ne pas remplacer leur poste quand ils partent à la retraite. C’est vrai pour tous les métiers du monde : des métiers apparaissent, des métiers disparaissent… Ça sert à rien d’essayer de les maintenir alors qu’on pourrait donner à ces gens des métiers bien mieux ou juste ne pas les remplacer quand ils partent à la retraite.
Au début de ton engagement politique, tu dis avoir fait du tractage, du terrain… Aujourd’hui, qu’est-ce que tu fais pour la campagne de François Fillon ?
J’ai fait beaucoup moins de terrain que ce que je faisais auparavant, aussi parce que j’ai moins d’assise territoriale [depuis son déménagement de Lille, ndlr]. En tant que déléguée centrale, je me suis beaucoup occupée de rediriger les militants de la motion à laquelle j’appartenais (La Droite populaire), qui est aujourd’hui une association indépendante, vers tel ou tel comité. C’est un réseau et, pour eux, c’est pas toujours facile de trouver les bons responsables. Sinon, j’ai un peu aidé à faire des infographies, des petits trucs comme ça… Donc moins de terrain, même si j’en ai fait un petit peu. J’ai surtout aidé les gens à faire du terrain, en fait.
Tu vois ça comme une promotion ?
Non, parce que je préfère le terrain, je regrette un peu de ne pas en avoir fait plus. Mais il y a les études aussi, on ne peut pas toujours faire du terrain, il y a des priorités …
Le terrain c’est important mais, aujourd’hui, la politique se joue aussi en grande partie sur Internet. Tu pourrais nous parler un peu de cette campagne-là ?
C’est plus facile d’y participer. Par exemple, c’est essayer d’apparaître en top tweet à des moments donnés : tout le monde se coordonne, on dit “tel moment on va tweeter sur tel sujet avec tel hashtag pour essayer d’avoir une visibilité monstre”. C’est aussi faire du fact-checking en essayant de reprendre ce que – j’allais dire “nos adversaires”, mais c’est même pas nos adversaires, on est de la même famille politique –, ce que nos concurrents [rires] disent de faux et leur montrer que c’est faux.
C’est un petit peu, aussi, montrer les limites des programmes des uns et des autres et montrer que le nôtre est mieux. Mais c’est surtout défendre notre programme en répondant aux gens qui se posent des questions. Enfin, c’est faire du live tweet, que ce soit pendant les passages médias ou pendant les meetings, parce que les gens n’y vont pas forcément ou n’allument pas toujours leur télé. Là, ils sont obligés de le voir puisque ça passe dans leur fil d’actu.
“Ça ne sert à rien de choisir un candidat jeune, il faut un candidat qui concerne tout le monde. Mais je pense qu’il est jeune, au moins autant que les autres”
Vous aviez des directives précises ?
On ne devait pas vraiment rendre de comptes aux responsables de la campagne, on nous disait juste “là, à tel moment, on va utiliser tel hashtag” pour éviter que tout le monde utilise un hashtag différent. Mais après, on fait ce qu’on veut, on est libres. Bien sûr il faut dire ce que le candidat a dit, ne pas inventer des propos, mais c’est tout. C’est mieux parce qu’on ne se retrouve pas avec 50 fois le même tweet copié-collé au même moment, ce qui a pu arriver à certains candidats…
Dirais-tu que François Fillon est un candidat “jeune”, qu’il prend en compte les aspirations des gens de ton âge ?
Je pense ! Il a quand même une vision sur l’écologie (dont personne ne parle, mais elle existe), il a un programme sur les jeunes, il a un programme sur l’emploi et je pense que c’est la première priorité pour les jeunes aujourd’hui : “Est-ce que j’aurai un travail plus tard ?” Donc, je pense que c’est un candidat jeune.
De toute façon, ça ne sert à rien de choisir un candidat jeune, il faut un candidat qui concerne tout le monde. Mais je pense qu’il est jeune, au moins autant que les autres.
Et tu trouves pas contradictoire le fait d’être pro-Fillon et le fait d’être jeune en 2016 ?
Je ne crois pas [rires], ou alors on est beaucoup beaucoup à avoir un problème et à être vieux dans notre tête, mais je ne crois pas. De toute façon, la politique c’est un peu un truc de vieux et il y a aucun candidat qui est jeune, Juppé l’est pas vraiment…
Un truc à dire aux jeunes qui vont pas voter aux élections nationales ?
Que c’est dommage parce qu’ils laissent les autres choisir pour eux. Même si c’est pour voter blanc ! Ça a un sens de voter blanc, ça veut dire qu’ils ont fait le geste, qu’ils sont venus et qu’ils ont dit : “Rien ne me convient, donc je vote pour rien.” Mais au moins ils sont venus et ont utilisé leur droit de vote, tous les pays n’ont pas le droit de vote, nous on l’a. C’est peut-être imparfait et la démocratie est peut-être pas parfaite, mais on l’a et il faut l’utiliser. Ne serait-ce que pour dire qu’on est pas d’accord.
Konbini | Depuis combien de temps tu t’intéresses à la politique ? C’est un truc de famille ?
Léo | Pas du tout ! Ma mère n’aime pas la politique, elle n’est même pas inscrite sur les listes électorales. C’est un peu pareil pour mon père. J’ai fait ça tout seul, même si je sais qu’ils penchent plutôt à droite. Quand je leur ai dit que j’allais commencer à m’engager pour François Fillon, elle a dit “ah, d’accord”. Elle voit pas la différence entre tous les candidats, c’est moi qui suis allé lui expliquer le programme et qui ait essayé de la persuader.
Ton premier souvenir politique ? Un truc qui t’a marqué à la télé, un débat ?
Celui que j’ai vraiment suivi avec attention, le tout premier, ça a été le débat entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal [en 2007, ndlr]. Avant je me souvenais de quelques petits trucs, mais c’était assez vague. Vraiment, pour ce débat, j’étais à fond, même à 11 ans, plus que ma mère. Ce qui m’a plu ? C’est inexplicable. La politique c’est quelque chose qui m’attire directement : je peux voir un papier dans un journal, hop si ça parle de politique je vais me plonger dedans. J’adore mon pays, je suis un patriote et la politique, quand elle aide la France, je suis à fond.
“C’est un programme libéral assez complexe et dur pour la France. Mais je pense que sur le long terme ça ne peut qu’être bénéfique”
Au niveau de la primaire, qu’est-ce qui différencie le plus François Fillon des autres ?
Son honnêteté. Et il est vraiment très réaliste. Certes il a un programme… qui est dur. S’il est élu, il appliquera un programme très dur, c’est un programme libéral assez complexe et dur pour la France. Mais je pense que sur le long terme ça ne peut qu’être bénéfique. Je pense que c’est ça qui le différencie : il ose faire les choses.
Pour toi, il n’y a pas de contradiction entre un programme libéral, conservateur, et le fait d’être jeune ?
Je ne pense pas qu’être conservateur ça n’aille pas avec le fait d’être jeune. Au contraire. Si on est conscient de ce qu’on est, du pays dans lequel on vit, je pense qu’on peut aller plus loin, dans le futur. On peut mieux se construire si on a des bases solides.
Tu trouves qu’il y a assez de jeunes qui, comme toi, sont engagés en politique ?
Non, clairement pas. On le voit à chaque élection, il y a énormément de jeunes qui ne votent pas, je pense qu’ils en ont marre de la politique, qu’ils pensent que la politique n’en fait pas assez pour eux. Moi, ça, je peux le comprendre totalement. C’est pour ça que j’essaye de faire comprendre aux gens qui sont autour de moi, aux jeunes que je rencontre, qu’au contraire il faut vraiment voter. C’est super important et si tu votes pas, c’est encore pire. Moi je vote pour mes convictions, je vote pour François Fillon non pas parce que j’aime pas Juppé ou Sarkozy, je vote Fillon parce que j’ai envie que ça soit Fillon.
“Je pense que la jeunesse de droite c’est la jeunesse qui aime son pays, tout simplement. C’est ce que je reproche à la gauche : de trahir son pays.”
On considère souvent que la jeunesse est de gauche, tu es la preuve vivante du contraire. C’est quoi pour toi la jeunesse de droite, son identité, sa force ?
Je pense que la jeunesse de droite c’est la jeunesse qui aime son pays, tout simplement, et qui veut montrer qu’elle aime son pays. C’est ce que je reproche à la gauche : de trahir son pays. Ils sont pas assez portés sur leur pays. La jeunesse de droite, elle veut que son pays se redresse. Mais vraiment, vraiment, vraiment.
Justement, c’est une des forces revendiquées par la gauche, s’ouvrir sur le monde.
C’est sûr que si François Fillon est élu, et je l’espère, il y aura un repli, c’est sûr et certain. Sur le court terme en tout cas. Je pense que si l’on se replie pour se consolider, plus tard on pourra mieux s’ouvrir.
C’est quoi le premier truc dont tu te souviens de François Fillon ? Et qu’est-ce qui t’a poussé à le soutenir ?
Quand il était Premier ministre, à Matignon. Je me souviens que c’était un Premier ministre très aimé, le plus aimé de toute la Cinquième République. C’était sa tête, il était très marquant. Après, pour la primaire j’étais sûr seulement d’une chose : que j’allais m’engager. J’étais pas sûr de soutenir François Fillon. C’est la lecture des programmes qui m’a convaincu. Il y a plein de gens qui ne lisent pas les programmes, moi je les lis.
Je les ai mis sur la table : Sarkozy, je voulais pas trop parce qu’on avait déjà eu affaire à lui, même s’il m’a pas totalement déplu, mais par principe je me suis dit qu’on allait laisser sa chance à quelqu’un d’autre. Fillon a été Premier ministre de Sarkozy mais Sarkozy ne lui a pas laissé assez de liberté, c’était un président assez dur et omniprésent. Après, j’ai comparé ceux qui avaient le plus de chances : Alain Juppé, Bruno Le Maire et François Fillon, qui était d’ailleurs quatrième à ce moment-là. Encore une fois, moi je ne vote pas parce que c’est François Fillon, je vote pour ce qu’il porte, pour son programme. Et dans son programme je me reconnaissais à 100 %.
Sa mesure qui te correspond le plus ? Sur laquelle tu t’es dit : “C’est le seul à proposer ça” ?
Le fait qu’il soit libéral, clairement. J’ai toujours pensé, même avant de lire son programme, qu’il fallait baisser le nombre de fonctionnaires, supprimer l’ISF, [réduire] l’impôt sur le revenu… Ces convictions ne me viennent pas de quelqu’un qui m’aurait dit “ça c’est bien”, je pense vraiment que c’est la seule solution pour redresser la France. Moi je suis autoentrepreneur, je travaille en dehors des cours et je me rend compte que ce que je paye c’est énorme par rapport à ce que je gagne. François Fillon veut aider les autoentrepreneurs, baisser les charges. Le statut d’autoentrepreneur, c’est une super idée, ça permet à des talents d’émerger, mais les taxer autant c’est pas possible.
Qu’est-ce que tu penses de certains points symboliques du programme de François Fillon, comme la réécriture de la Loi Taubira ?
Je pense que François Fillon, ces derniers jours, a été attaqué de toutes parts de manière assez ridicule, d’ailleurs Alain Juppé l’a fait. Il veut faire le malin, peut-être que ça l’amuse… D’ailleurs 215 parlementaires ont signé un texte pour dire “on arrête les attaques, c’est ridicule, nous on veut parler projet”. François Fillon, il est discret et il a un projet qui, je pense, est le meilleur. De nombreux observateurs politiques extérieurs disent que c’est le meilleur programme économique, l’un des plus construits et des plus fiables. Nous on est fiers de ça et on ne va pas s’engager dans des petites attaques.
Sur la loi Taubira, c’est assez ambigu. Moi on me demande pas d’adopter chaque ligne de son programme de toute façon. Sur le mariage, ça ne me dérange pas, s’il est fait dans des conditions qui sont respectueuses. Ce qui me dérange surtout, et ce contre quoi François Fillon se bat, c’est la PMA [procréation médicalement assistée, ndlr] et la GPA [gestation pour autrui, ndlr].
“Je pense que les États-Unis ont essayé de nous soumettre. Il faut qu’on leur montre que la France c’est pas rien, que c’est un des pays les plus puissants au monde”
Pour la politique internationale et la diplomatie, il veut recréer des liens avec la Russie…
Je suis d’accord à 100 %. Je le suis à 100 %. Et d’ailleurs, ça, je le dis depuis très longtemps, même avant que je ne m’engage avec François Fillon. Alors quand j’ai lu son programme et que j’ai vu qu’il y avait ça en plus ! Je me suis dit : “Vraiment c’est le mec pour lequel il faut que je vote.”
Je pense que les États-Unis ont essayé de nous soumettre, en quelque sorte. Ils ont cru que la France, à côté d’eux c’était rien. Il faut quand même qu’on leur montre que la France c’est pas rien, que c’est un des pays les plus puissants au monde. On a été le pays le plus puissant mais, malheureusement, avec la politique de Hollande …
L’idée c’est aussi de redonner du pouvoir à l’Europe, parce que l’Europe ça doit être supérieur aux États-Unis et je vois pas pourquoi les États-Unis seraient les maîtres du monde. Mais attention, une Europe des nations, pas forcément une Union Européenne.
Et la Syrie de Bachar el-Assad ?
Je me sens vraiment concerné par tout ce qui se passe là-bas. L’année prochaine, je vais y partir deux mois pour aider l’association SOS Chrétiens d’Orient. C’est d’ailleurs aussi un des combats de François Fillon.
Je n’aime pas Bachar el-Assad, et je pense que François Fillon ne le porte pas non plus dans son cœur. Mais je pense qu’on a très mal joué notre coup en Syrie et qu’on a aidé des personnes qui n’étaient pas les bonnes. Bachar el-Assad est une personne qui doit être délogée du pouvoir une fois que la guerre sera finie, mais je pense qu’aider certains rebelles islamistes n’étaient pas une bonne solution. Ce qui se passe à Alep, on en parle très peu, mais si Alep-Est se fait bombarder par le régime, Alep-Ouest se fait bombarder en retour par ces rebelles islamistes. Ça tombe sur des hôpitaux notamment. Et ça on en parle pas assez.
Je pense que si on s’alliait plus avec Poutine, qu’on entretenait une meilleure relation avec la Syrie – il faudrait remettre l’ambassade de France là-bas, par exemple –, on pourrait vraiment montrer qu’on a un rôle. Le conflit c’est pas “Bachar le méchant” contre “les rebelles les gentils”, ça va beaucoup plus loin que ça.
Aujourd’hui, toutes les campagnes politiques se jouent sur le Net, on l’a encore vu aux États-Unis. Est-ce que tu dirais que les jeunes, du fait de leur aisance naturelle sur les réseaux sociaux, sont essentiels dans cette bataille du Web ?
Clairement, d’ailleurs je fais partie de l’e-force de François Fillon. Pendant les débats j’étais à son QG et je recevais des mails de son équipe de campagne (que je connais bien) qui m’envoyait des tweets, j’avais juste à appuyer sur “tweeter”, c’était totalement automatique. C’est de la communication, je remets pas du tout ça en cause. Je pense qu’il n’y a que les jeunes qui peuvent faire ça, parce qu’ils sont beaucoup plus engagés sur les réseaux sociaux et qu’ils y ont plus de popularité. Quelqu’un de 80 ans qui se met sur tweeter, ça n’aura pas le même pouvoir.
Après il y a beaucoup de choses qui sont dites sur François Fillon, beaucoup de monde l’a attaqué et il faut y répondre. Moi, même personnellement, je vais aller dire : “Vous dites des conneries.” Mais ça j’aurais pu le faire pour n’importe qui, pas parce que c’est François Fillon. Ce qui m’a beaucoup amusé ces derniers jours, c’est les sarkozystes, les femmes sarkozystes de 50 ans qui sont allées déchirer leur carte des Républicains parce que Sarkozy n’est pas au second tour. J’ai trop rigolé, c’est des mauvais perdants, ils devraient juste aller voter Fillon au second tour.
Nous, on partage les articles pour les faire remonter. Quand on travaille avec l’e-force on a des objectifs, faire un certain nombre de tweets. Ils nous disent : “Ce soir, on doit faire le plus de tweets possible.” Et quand on reçoit les rapports après les soirées, à chaque fois on est les premiers. On est super présents et on est les meilleurs sur les réseaux sociaux.
Concernant ceux qui font la même chose chez les autres candidats, parfois je les clashe et ça finit en insultes, donc j’ai décidé d’arrêter [rires].
“Je lui demande pas de parler des jeunes. S’il met son programme économique en œuvre ça affectera les jeunes, et ils auront plus d’emploi”
Est-ce que vous, jeunes militants, avez un rapport direct à votre candidat ?
Ça dépend de chacun. Chez Bruno Le Maire, ils sont très proches de leur candidat. Pour le deuxième débat, François Fillon est venu nous voir assez rapidement après la fin. Nous, on l’attendait. Il y avait énormément de journalistes, c’était le bordel. Mais il nous a vus. Moi, je lui ai touché l’épaule. Mais le seul du QG qui lui a parlé c’est le responsable des Jeunes avec François Fillon, Cédric Rivet-Sow. Il y avait trop de journalistes, et puis je pense qu’il n’avait pas envie de nous parler.
Tu penses qu’il parle assez des jeunes ?
Franchement, non. Mais c’est pas un reproche que je lui fais. Je lui demande pas de parler des jeunes. S’il met son programme économique en œuvre ça affectera les jeunes, et ils auront plus d’emploi. Qu’il parle au nom de la France et ça concernera les jeunes.
Est-ce que t’as un truc à dire aux jeunes qui ne vont pas voter ?
Franchement, votez [rires] ! Et si vous êtes de droite et que vous aimez votre pays, allez voter François Fillon.
Et à ceux qui votent FN ?
Beaucoup de gens critiquent le Front national. Pour moi ça reste un parti, on reste encore en démocratie. Si des jeunes veulent voter FN, qu’ils le fassent ! S’ils pensent que c’est bien pour eux, pas de problème. J’ai envie de les convaincre de voter autre chose, mais je ne vais pas leur dire “c’est pas bien, vote pas Front national“. C’est pareil pour ceux de gauche, même s’ils veulent voter Mélenchon.
Konbini | Tu peux nous raconter tes premières années de militantisme ?
Gabriel | Je pense que ça vient d’une certaine passion pour l’histoire. Depuis tout petit. Mes premiers livres, ça a été des livres d’histoire parce que j’étais fasciné par les grands hommes, les grandes époques, les grandes batailles, les grandes guerres. Cette passion pour l’histoire m’a donné une passion de la France. Je suis patriote, le patriotisme n’est pas un mot qui me rebute. De fil en aiguille on arrive à la politique puisque c’est la politique qui mène les grands décisions de la nation. Et donc ça a cheminé dans mon esprit, jusqu’en 2007 où j’ai décidé de m’engager à l’UMP pour agir dans le cadre de la campagne de Nicolas Sarkozy. À l’époque il m’enthousiasmait, son projet me plaisait et puis il avait une envergure, une stature, du charisme.
J’avais 18 ans. J’ai continué à m’engager après les législatives, j’étais sur une liste municipale en 2008 dans ma ville, CrÉpy-en-Valois, dans l’Oise. Il Nn’y avait pas énormément de jeunes dans cette ville, a fortiori pas beaucoup de jeunes engagés en politique. De manière générale, peu de gens sont engagés en politique en France, je crois qu’il y a quelque chose comme 800 000 adhérents à des partis politiques en France. Donc, au niveau des jeunes, on arrive à beaucoup moins. Dans ma ville d’origine, on était trois ou quatre jeunes de moins de 30 ans sur une liste de 33 personnes.
T’as eu un déclic ? Un débat, un truc à la télé ?
Ce qui m’a poussé, en fait, c’est un discours de Nicolas Sarkozy en 2006. J’ai trouvé que c’était un beau discours, je crois que c’était un des premiers discours rédigés par Henri Guaino [la plume de Nicolas Sarkozy, ndlr], ça peut expliquer cela. À ce moment-là, j’ai eu un déclic, je me suis dit que j’avais envie de m’engager derrière lui. C’est là que le déclic pour m’engager en politique s’est fait, mais j’étais passionné avant.
“La France a toujours été, de par son histoire une nation ouverte sur le monde, que ça soit par la colonisation ou les interactions qu’elle a eues avec les autres grandes puissances mondiales”
Le programme de Fillon compte faire de l’histoire un récit national au service de l’image de la France. L’histoire doit-elle se plier à des considérations idéologiques ?
Oui, ce que je regrette actuellement dans les programmes c’est qu’on a décidé de passer à la trappe le concept de l’apprentissage de l’histoire de manière chronologique et centrée sur la France. On a considéré qu’il fallait aborder des thématiques pour mieux comprendre le monde et s’y ouvrir. Cette ambition est légitime, mais je pense que le faire dès le collège c’est beaucoup trop tôt, parce que les enfants n’ont pas les repères. L’objectif c’est d’abord de donner des repères chronologiques, des grandes dates, des grandes périodes, des grands hommes également, ou femmes. Et d’abord de se centrer sur sa nation.
En plus, en étant français, on a l’avantage, en se centrant sur l’histoire de notre pays, de s’ouvrir également au monde, car la France a toujours été, de par son histoire une nation ouverte sur le monde, que ça soit par la colonisation ou les interactions qu’elle a eues avec les autres grandes puissances mondiales. Donc je pense qu’on peut également atteindre cet objectif en revenant à l’histoire chronologique et en revenant sur une forme de récit national, c’est à dire une histoire avant tout centrée sur la France. Dans mon entourage je connais des gens plus jeunes qui ne savent pas si Napoléon est après Louis XIV, et c’est un véritable problème parce qu’on ne peut pas comprendre Napoléon si il n’ y a pas eu Louis XIV avant, puisqu’il y a eu la Révolution française entre-temps.
Ta passion pour la politique, elle vient de ton éducation ?
Oui, très clairement. Ma grand-mère était une gaulliste de la première heure, c’est à dire qu’elle a été adhérente à l’UDR. Inversement, mes parents ne se sont jamais engagés dans un parti politique, même s’ils étaient de droite et qu’ils avaient le goût de la chose publique. Je me rappelle qu’à table on a toujours parlé de politique, d’histoire, etc. On fait partie de ces familles (et je pense qu’elles sont nombreuses en France) qui s’engueulent à table pour des raisons politiques. Effectivement ça a beaucoup joué.
Peux-tu nous parler un peu du rôle d’Internet dans la campagne de François Fillon ?
Le rôle d’Internet, et notamment des réseaux sociaux, c’est de faire une caisse de résonance pour les actions de terrain. C’est très utile. On se rend compte que Trump, par exemple, a beaucoup utilisé Twitter et ça a fait caisse de résonance. Nous, on a beaucoup agi sur le terrain. C’est pour ça qu’on a beaucoup critiqué les sondages, parce qu’on voyait une dynamique sur le terrain qui ne se traduisait pas dans les sondages. Elle s’est traduite après, notamment au moment des débats, quand les gens ont pu jauger les différents programmes, les statures, les visions, les projets.
Je crois cependant qu’avec Twitter ou Facebook, on parle à un cercle fermé, de gens convaincus. Tout le monde n’a pas Facebook, et l’électorat de droite étant particulièrement âgé (plus que l’électorat de gauche), ça a une utilité mais nous on a, je crois, plus que les sarkozystes ou les juppéistes, axé sur le travail de terrain.
Tu fais une distinction entre les médias classiques et les médias sociaux ?
Les gens ont tendance désormais, se méfiant de tout ce qui est apparenté au “système”, à se méfier des médias institutionnels. Ils considèrent que c’est une forme d’outil de propagande. Ils ont donc tendance à s’orienter vers des médias plus à la marge. Twitter et Facebook sont très utiles pour ces médias. Les gens qui sont très actifs sur les réseaux sociaux ont tendance à plus s’informer par ce biais. Du coup, c’est pas vraiment les mêmes caisses de résonance. Pour faire face aux fausses nouvelles qui pullulent sur ces réseaux, le premier truc à faire c’est de sortir une infographie qui va la démentir pour rétablir la vérité.
Mais il y a une méfiance à l’égard des politiques autant que des médias, un double jeu qui peut être contre-productif …
C’est important de le dire quand même. Les gens qui ne voudront jamais être convaincus ne seront jamais convaincus. Moi, quelqu’un qui me sort que François Fillon veut supprimer l’IVG en France, qu’est-ce que je peux lui répondre ? Il est convaincu. Y a rien, y a pas une seule ligne dans le programme de François Fillon sur l’IVG. Des rumeurs ont malheureusement été lancées sur ce sujet, on ne peut plus rien y faire. L’important c’est les hésitants, ceux qui pourraient être tentés d’être convaincus par une rumeur, là il faut agir, pour qu’ils ne basculent pas. C’est eux qu’il faut convaincre pour gagner une élection.
On prend pour acquis que la jeunesse est de gauche, elle a en grande partie contribué à l’élection de François Hollande en 2012. La jeunesse de droite a-t-elle toujours été là où bien elle s’affirme à l’approche de 2017 ?
Je pense qu’il y a toujours eu une jeunesse de droite. Simplement, il y a peut-être un basculement de la jeunesse par rapport aux événements internationaux, sociaux, culturels, économiques… Malheureusement, j’ai pu voir aux élections européennes que 39 ou 40 % des jeunes avaient voté FN lorsqu’ils avaient participé. Avant on disait “la jeunesse emmerde le Front national”, aujourd’hui elle vote Front National.
Quelles sont les valeurs qui t’ont poussé à adhérer à l’UMP ?
D’abord le patriotisme, la volonté que l’autorité de l’État soit respectée, la volonté que les Français puissent jouir de leur création de richesse, de leur travail, de la liberté d’entreprise… Et puis, également, des valeurs qui sont jugées “conservatrices”, d’après ce que j’ai lu dans beaucoup de médias cette semaine [rires] : la cellule de base qui, pour moi, est la famille. Je pense qu’une société où la cellule de base explose est fragilisée.
“Je me revendique du gaullisme et j’ai vu une ligne gaulliste en François Fillon que je ne retrouvais pas en Nicolas Sarkozy”
À tes yeux, François Fillon était, par rapport aux autres candidats de la primaire, celui qui incarnait le mieux tout ça ? Qu’est-ce qui t’a plu chez lui ?
La cohérence, j’ai trouvé que son projet était cohérent, de bout en bout. Il assume une vision… de restauration de l’autorité de l’État, d’indépendance de la France et de liberté économique, administrative. Du gaullisme en fait. Je me revendique du gaullisme et j’ai vu une ligne gaulliste en François Fillon que je ne retrouvais pas en Nicolas Sarkozy, chez qui il y a parfois des louvoiements idéologiques.
Ça ne veut pas dire que je rejette tout ce que dit Nicolas Sarkozy, loin de là, si Nicolas Sarkozy avait été désigné candidat à l’issue de la primaire j’aurais voté pour lui sans aucun état d’âme, j’aurais fait campagne pour lui. Mais François Fillon était celui qui me convenait le plus. J’ai rejoint son équipe en février 2016 et depuis je n’ai pas regretté une seule fois mon choix : je suis content de voir qu’il vaut mieux choisir la constance des idées plutôt que les sondages. Parce que les Français ont porté crédit à François Fillon d’être droit dans ses bottes.
Et l’Europe ? À t’écouter, on dirait que la grandeur de la France doit passer par la France et pas par l’Europe.
Nous, on a une vision très simple : on veut une Europe des nations. On est contre le fédéralisme, qui n’a pas de chance d’aboutir et ne peut pas exister. Ça exigerait déjà d’avoir un peuple européen uni. Or il y a 28 peuples européens différents avec leur cultures différentes, leur langues différentes, leurs habitudes et leurs préférences différentes. C’est parfaitement légitime. En Afrique, la France n’a pas les mêmes intérêts que l’Allemagne ou l’Estonie. Dans la même veine, on ne voit pas de la même manière le rapport entre la Russie et l’Ukraine que les pays Baltes ou la Pologne. Et c’est logique de par leur histoire. À partir de là, c’est très difficile d’avoir une Europe fédérale.
Si la France retrouve sa puissance économique, retrouve sa voie libre et indépendante, elle peut redevenir un contrepoids efficace à l’Allemagne et faire en sorte que l’Europe soit réorientée, pour avoir une Europe européenne. Le problème de l’Europe actuellement, c’est qu’elle est beaucoup trop alignée sur les intérêts américains. On l’a vu au niveau de la Russie : on a imposé des sanctions à la Russie que ne s’appliquent pas les Américains eux-mêmes, puisqu’ils n’ont pas hésité à vendre des hélicoptères aux Russes et continué à coopérer dans l’aéronautique ou l’aérospatiale.
Est-ce que tu considères que le programme de François Fillon est conservateur ?
Je ne sais pas ce que veut dire “conservateur”. Le conservatisme, c’est quoi, le refus de toute réforme ? On peut dans ce cas-là considérer que la gauche et les syndicats sont conservateurs. Si c’est considérer qu’il faut conserver ce qu’il y a de bon à conserver et réformer ce qui doit l’être, oui. J’estime au contraire que François Fillon est un réformateur, il l’a prouvé au cours de sa carrière politique : en 2003 il n’a pas cédé sur la réforme des retraites, il n’a pas cédé en 2007 sur les régimes sociaux ou la réforme des universités. Un conservateur peut être réformateur et un soi-disant “progressiste” peut être très conservateur. François Fillon a aussi beaucoup agi pour la défense des droits des femmes quand il était Premier ministre.
C’est pas difficile d’être jeune et de droite en France ?
C’est difficile d’être de droite en France en général. Il y a une forme de légitimité à être de gauche depuis 1945, intellectuellement je veux dire. Il y a eu un basculement de la légitimité intellectuelle de la droite vers la gauche, puisque jusqu’en 1940 ou 1945 les intellectuels étaient plutôt à droite. Puis ils ont basculé à gauche. Il y a donc une légitimité à être de gauche, la droite a perdu un combat intellectuel. Tout l’enjeu c’est de faire en sorte que ce combat on le gagne de nouveau.
J’espère que les évolutions de la population française et le fait que, même si on est très critiqués et attaqués, agressés d’une certaine manière, diabolisés, quand on exprime une idée de droite parmi les intellectuels. Par exemple la rumeur a soufflé qu’il y avait lobby intégriste catholique qui revenait au pouvoir dernièrement. Je ne savais pas. Même si effectivement c’est très difficile, je vois que les lignes commencent un peu à bouger. Nous avons la volonté de continuer à exprimer nos idées, le plus simplement du monde, sans jamais tomber dans l’insulte, la calomnie, la diffamation. Moi, à Sciences Po Rennes, j’ai connu pendant cinq ans des attaques par rapport à mon positionnement politique, on est forcément caricaturé. Il faut simplement rester droit dans ses bottes, j’ai envie de dire [rires].
On dit beaucoup qu’il y a une “extrémisation” du discours de la droite : est-ce que tu penses qu’il y a encore un différentiation à faire entre la droite “classique” comme celle de François Fillon, et celle de l’extrême droite ?
Je le crois, oui. Je ne pense pas qu’il y ait une “extrémisation” de la droite. Je pense qu’elle n’a plus honte de s’assumer comme étant de droite, comme auparavant. La distinction, c’est qu’il faut parler des sujets, sans démagogie, mais les aborder franchement. Actuellement, il y a un problème par rapport à l’intégration, on le voit très bien, des populations d’origines immigrées. Je vais parler de manière un peu crue, mais quand vous n’arrivez pas à gérer un entrepôt, quand vous avez un problème avec votre stock vous allez pas rajouter des flux nouveaux. Vous interrompez les flux et vous gérez les stocks existants. Il faut être réaliste au bout d’un moment. C’est tout le problème de François Fillon et des quotas d’immigration : on accueille les immigrés qu’on est en mesure d’accueillir et d’intégrer.
“On doit parler de tous les sujets. On peut aborder tous les sujets : l’immigration, l’Europe, la sécurité…”
C’est une obligation pour François Fillon, et pour la droite, de reprendre ce genre de sujets un peu tabou qui ont été pris par l’extrême droite ?
“Laissés”, je dirais plutôt “laissés à l’abandon” et à l’extrême droite. C’est des sujets qu’on abordait avant et qu’on n’aborde plus. On doit parler de tous les sujets. On peut aborder tous les sujets : l’immigration, l’Europe, la sécurité… La différence réside dans la manière de les aborder. L’extrême droite caricature les solutions sur ces sujets, en proposant des solutions qui n’ont pas de sens ou qui sont inapplicables, voire démagogiques. Nous, on va essayer de les aborder de manière réaliste, puisqu’on est une famille politique qui a vocation à être à la tête du gouvernement, de la nation. C’est tout. On les aborde de manière froide, pas dans le sens où on met de côté l’humain, mais froide dans le sens où on doit les aborder de manière réaliste pour que nos réformes soient applicables.
Donc la droite, c’est une extrême droite réaliste et dépassionnée ?
Absolument pas ! Que je sache, la gauche aussi aborde ces questions. L’immigration n’est pas un sujet tabou ! Je vois pas pourquoi on devrait l’exclure. Dès l’instant que les gens considèrent qu’on doit aborder ces sujets il faut les aborder.
Mais on peut choisir de les aborder autrement, en accueillant par exemple…
Tout à fait. Les immigrés qu’on est en mesure d’accueillir, qui s’intègrent, qui font les efforts pour s’intégrer, qui en contrepartie de leurs droits accomplissent leurs devoirs, qui travaillent, qui parlent français et qui s’adaptent à notre mode de vie : y a pas de problème ! Moi je suis d’origine étrangère, ma famille a fait l’effort de s’intégrer et on ne me reproche pas d’être d’origine étrangère. Généralement l’immigré qui va se sentir stigmatisé c’est parce qu’il ne fait pas d’effort pour être considéré comme français. Au bout d’un moment, quand on ne se soumet pas aux règles, aux valeurs fondamentales de la République, forcément la population majoritaire le prend un peu mal. Parce qu’elle estime faire l’effort de t’accueillir.
Qu’est-ce que tu as envie de dire aux jeunes qui vont voter FN en mai prochain ?
Je leur dirais que je comprends leur colère, le fait que les politiques ne les ont pas écoutés. Même nous, on n’a pas fait les efforts qu’il fallait quand on était au pouvoir. On comprend leur détresse, mais le projet de François Fillon est réaliste : il suppose de remettre à plat le modèle économique et social français qui est à bout de souffle, de libérer les entraves à l’emploi et à la croissance. Et c’est la jeunesse qui est la première touchée par ce modèle à bout de souffle qu’on maintient actuellement sous perfusion. C’est la jeunesse qui est à 25 % de chômage, qui est la première concernée par la pauvreté, qui est exclue du marché du travail, qui n’a pas de perspective d’avenir. Il ne faut pas qu’elle se laisse tenter par des solutions démagogiques à l’emporte-pièce.