Depuis la sortie de Pocket Monsters Aka/Midori (“Pokémon Rouge et Vert“) en 1996, la frénésie autour des petits monstres ne s’est pas essoufflée d’un iota, bien au contraire. La sortie d’un jeu Pokémon est ainsi toujours un événement, et ce peu importe les critiques faites en amont ou encore l’âge des joueurs et joueuses, qui s’étale désormais de 6 à 30 ans.
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Avec le remake Pokémon Let’s Go, Évoli/Pikachu, Nintendo avait voulu offrir une session de rattrapage aux plus jeunes générations avec justement la première (génération) de Pokémon. Pas de combat en rencontre sauvage, progression ultra-rapide et captures grandement encouragées : telle était la formule “family friendly” de cet épisode.
Un an plus tard, Pokémon Épée & Bouclier débarque. C’est le premier “vrai” RPG Pokémon, et il reprend les règles habituelles tout en présentant enfin une nouvelle génération (ce n’était pas arrivé depuis Lune & Soleil, sorti sur 3DS en 2016). Bien que Game Freak ait fait l’objet de vives critiques quelques jours avant la sortie du jeu, tout s’est rapidement calmé et les joueur·euses se sont précipité·e·s pour découvrir le jeu.
Épisode feignant, véritable renouvellement du genre ou opus coincé le cul entre deux chaises ? Voici notre avis après plusieurs dizaines d’heures dans la nouvelle région de Galar.
Pas de galère à Galar
La première chose qu’on peut dire, c’est que le jeu compte bien prendre par la main les débutant·es qui se lanceraient pour la première fois dans une aventure Pokémon. Nintendo l’a bien fait comprendre : pas besoin de connaître la franchise depuis 20 ans pour l’apprécier, les plus jeunes Tortipouss pourront découvrir l’univers à leur rythme.
Des tutoriels les plus basiques aux fonctionnalités un peu plus complexes, tout est clairement expliqué, au fur et à mesure, par les différents protagonistes de l’histoire principale. Ces explications sont inutiles pour un Pokéfan chevronné, mais on peut heureusement les passer pour pouvoir torcher l’aventure principale en deux Tentacool trois mouvements. Rapidement, on comprend que l’esprit “casu” (adapté pour les joueur·ses occasionnel·les) des épisodes Let’s Go ! est toujours là.
Le système des points d’expérience (XP) est devenu très avantageux : si vous mettez un Pokémon KO, ou si vous le capturez, toute l’équipe gagne des XP. Ce système de “Multi Exp” date en réalité de Lune & Soleil, mais il n’est désormais plus désactivable. En incorporant également les “bonbons d’expérience” à donner à vos Pokémon, Game Freak est bien décidé à nous mâcher le travail.
La bonne idée héritée de Let’s Go !, c’est la boîte Pokémon portable qui vous permet de faire des échanges à n’importe quel moment (hors combat) entre votre équipe et les Pokémon stockés dans la boîte du PC. L’idée est d’éviter des fastidieux aller-retours. Les taxis volants, accessibles extrêmement tôt dans l’aventure, visent le même objectif en vous permettant de vous rendre à n’importe lieu essentiel – mais du coup à quoi servent les trains ?
Vous progresserez très (trop ?) rapidement, vos Pokémon seront rapidement un cran au-dessus des autres et ce n’est sûrement pas “l’intelligence artificielle” des dresseurs ou des Pokémon sauvages qui vous posera problème – presque une régression par rapport de Soleil & Lune. Fort heureusement, la toute fin de l’aventure principale propose un léger regain de challenge, mais rien de bien excitant pour autant – je n’ai eu qu’un seul “game over“, et encore c’est parce que je faisais le malin.
De nombreuses fonctionnalités sont désormais centralisées. (© The Pokémon Company)
Une histoire qui ne casse pas trois pattes à un Canarticho
Le nouveau monde qui s’offre aux dresseurs se nomme Galar et est directement inspiré du Royaume-Uni. Maisons de briques rouges, structures industrielles, Tour de Londres ou encore la City : les références sont nombreuses et offrent un ensemble visuel plutôt convainquant. Les graphismes profitent de la puissance de la Switch, même si cet opus reste en deçà de Breath of the Wild ou même Super Mario Odyssey sur ce plan…
La franchise Pokémon n’ayant jamais brillé par ses scénarios (à quelques exceptions près, comme Noir & Blanc), il ne faudra pas s’attendre à une grande épopée dans cet épisode. Tous les enjeux sont édulcorés pour toucher l’audience la plus large. Les personnages rencontrés à Galar sont aussi naïfs qu’un épisode de My Little Ponyta, et si vous n’avez plus votre âme d’enfant, vous pourriez être vite fatigué de ces dialogues à la mords-moi-le-Saquedeneu.
Nabil, votre “rival”, est juste fatigant : trop gentil, bien trop enthousiaste et hyper actif, il ne gagnera de l’intérêt que si vous prenez du plaisir à briser les rêves de jeunes préadolescents (on ne juge pas). On lui préférera largement Travis, la seule de tout le jeu qui vous enverra quelques piques et dont le style et le background restent un tantinet intéressants.
La Team Yell est probablement l’équipe la plus insupportable de toute la franchise… (© The Pokémon Company)
La seule vraie réussite de ce nouvel univers est finalement du côté des arènes et leurs champions. Leurs backgrounds et personnalités sont bien travaillés, sans être (trop) stéréotypés. Le tout est parfaitement intégré à ces stades bondés. Défis et énigmes variés, surprises de taille, ambiance spectaculaire… La Ligue de Galar est peut être la seule vraie réussite de cet épisode.
Rien de nouveau sous le Solaroc
Il y a bien évidemment des nouveautés dans cet opus, mais malheureusement il semblerait que pour chaque nouvelle idée Game Freak ait décidé de supprimer d’anciennes fonctionnalités. Par exemple, le mécanisme de Dynamax n’est pas dénué d’intérêt et permet de pimenter les combats, mais on oubliera tout ce qui est “Attaque Z” ou “Méga-Évolution”, alors que la fusion de toutes ces options aurait pu apporter une nouvelle dimension stratégique.
Heureusement que viennent les “raids” Dynamax, de vrais défis qui vous permettront de coopérer avec des dresseurs du monde entier face à des Pokémon gigantesques. Les combats à 4 contre 1 prennent une tout autre saveur, même si on aurait aimé un peu plus de happenings et d’imprévus pendant ces combats particuliers.
Les Terres sauvages sont une formidable idée qui comble les rêves de nombreux dresseurs : voir des centaines de Pokémon se balader librement dans de vastes plaines, au rythme de la météo, c’est un grand oui. En revanche, se connecter en ligne pour voir les autres dresseurs du monde entier causera de nombreux ralentissements très agaçants. Quant au Poké-Camping, vous y passerez probablement 5 minutes et n’y retournerez plus jamais tant son intérêt est proche du néant.
En route pour se faire casser la gueule par des Pokémon bien trop forts. (© The Pokémon Company)
Enfin, l’ajout de 81 Pokémon, dont certaines formes alternatives de générations précédentes, est bien agréable. Appréciable… mais insuffisant. Prenons le Tauros par les cornes : nous voulions retrouver les (désormais) 890 Pokémon, pas un Pokédex régional réduit de 50 % (le hashtag #BringBackNationalDex a explosé avant la sortie du jeu). Tous ces Pokémon qui attendent dans les anciennes versions, nos chouchous dans la Banque Pokémon, nous n’en ferons malheureusement rien…
Résultat : C+
Pokémon Épée et Bouclier n’est pas le jeu révolutionnaire tant désiré par les fans. Le fait qu’il soit sur Switch avait pourtant suscité de grands espoirs : beaucoup de joueurs espéraient retrouver l’équivalent d’un Breath of the Wild pour la franchise Pokémon, mais il n’en est rien. Bien que l’aventure reste toujours aussi plaisante et que les quelques nouveautés rendent l’expérience bien moins rigide, difficile de ne pas voir un énième épisode “feignant” de la part de Nintendo et Game Freak qui, malgré toutes les critiques, continueront de se faire des Kokiyas en or avec cette franchise.
Ce qu’on a aimé :
- Les Terres Sauvages, fantasme de tout dresseur enfin comblé.
- La simplification de tâches autrefois pénibles (Boite Pokémon portable, XP, etc.)
- La Ligue de Galar et ses défis palpitants.
- Beaucoup d’aide apportée aux “puristes” (breeding, “shasse”, combats stratégiques).
Ce qu’on a pas aimé :
- Pas de Pokédex National, ni de réelle remodélisation.
- De grosses paresses de développement qui aboutissent à des faiblesses techniques par moments (aliasing, lag, etc.).
- Une histoire principale assez ennuyante, avec peu de cohérence et terriblement courte.
- Les bonnes idées du passé oubliées : Trio Légendaire, Méga-Évolution, Z-Move, etc.