Une rencontre avec un gentil chien dans le désert. Un fauteuil abandonné dans un champ. La découverte d’un graffiti qui dépeint la copie conforme de son propre visage. Et, enfin, une exploration qui mène directement vers les os d’un cadavre abandonné. Un vrai cadavre.
À voir aussi sur Konbini
L’application Randonautica embarque ses utilisateurs dans des promenades aléatoires qui se veulent mystiques, où les pensées et les intentions des utilisateurs sont supposées influer sur la destination de la promenade. Pensez à un savant mélange entre Geocaching, Google Maps et une boule de cristal.
Ça vous semble étrange ? Ça l’est. On a essayé l’application, avec un peu de retard, qui a affolé le TikTok américain tout l’été.
Le corps, la valise et les pensées qui se connectent à la machine
Disponible sur l’App Store et le Play Store depuis le mois de février, Randonautica est devenue populaire à la faveur du déconfinement, au début de l’été dernier, grâce au nouveau réseau faiseur de stars : TikTok.
Le principe de Randonautica a tout pour plaire aux créateurs de vidéos courtes : les promenades sont générées aléatoirement et les destinations données doivent correspondre aux intentions de l’utilisation. Par intention, l’appli entend proposer aux utilisateurs de se concentrer simplement sur un concept – et non pas de l’écrire. “Amour”, “mort”, “aventure”, peuvent être des intentions. L’idée qui se cache derrière est que nos pensées peuvent influencer nos découvertes dans le monde réel.
First time randonauting, we set our intention as peace and safety. Took us to a storm drain that we found an abandoned kitten in from r/randonauts
Bref, pour les jeunes vidéastes en manque de sensations fortes, c’est une aubaine. Les vidéos se multiplient sur TikTok et certaines histoires flippantes ou originales sortent du commun. Comme cette jeune femme qui pense au chien de sa mère décédé, pour finalement croiser un toutou sympathique en faisant du “randonauting”.
@sluglexa RANDONAUTICA WORKS OK #fyp #randonauting #randonautica #randonaut #dog #nature #fun #foryou #foryoupage #manifestation #mojavedesert #night #explore
♬ Eerie - Serge Fridd
Une vidéo défraie particulièrement la chronique : un groupe de jeunes découvre, à la fin du mois de juin, tout en filmant pour TikTok, une malle abandonnée sur une plage contenant un cadavre – la police de Seattle a par la suite dit qu’il y en avait en réalité deux.
Une histoire assez folle qui, tout en traumatisant les jeunes, propulse la popularité de l’application et encourage nombre de vidéastes à faire leurs propres sessions de randonauting, avant d’éditer des vidéos à grand renfort de musique flippante et de jump scares.
Au milieu des fakes et des titres du type “Ne téléchargez pas cette application !!”, on retrouve, mine de rien, une communauté qui croit dur comme fer aux capacités “spirituelles” de Randonautica.
Parc, promenade et contemplation
En téléchargeant l’application, après une courte présentation, vous vous trouvez face à une interface permettant de choisir entre différentes catégories de promenades. On retrouve les destinations “Void”, “Attractor” et “Power” qui, dans cet ordre, vont vous porter vers des lieux plus ou moins chargés en énergie.
J’ai commencé par “Power”, en ayant comme intention de m’évader. Au début, ça a mal débuté entre Randonautica et moi. J’ai dû m’y prendre à trois reprises avant qu’elle me refile une destination. Une fois celle-ci choisie, l’icône permettant de tracer le chemin à prendre m’a renvoyé sur… Uber. En un mot, les aventures spirituelles, c’est bien, mais c’est encore mieux si on fait marcher les boîtes de VTC. Bon, admettons.
Je me suis alors rendu (à pied) au point donné par l’application, qui se trouve être à proximité de mon ancien domicile. Un peu circonspect mais me laissant porter par le concept, j’ai emprunté des chemins que je ne soupçonnais pas. En arrivant à proximité de ma destination, j’ai réalisé qu’elle se trouvait dans un parc tout en longueur devant lequel je suis passé des dizaines de fois, sans jamais y entrer.
Les “fluctuations quantiques” et les croyances voulues
C’est un parc un brin obscur, pas très bien fréquenté. Ma destination se trouvait au bout d’une allée : dans une petite enclave fermée par des grillages, avec le vide absolu à l’intérieur. Un spot étrange, assez incompréhensible, avec sur le côté la grande et vide étendue de chemins de fer qui mènent à la gare du Nord et, derrière, ce fameux parc à ciel ouvert.
© Konbini Techno
J’ai un peu bloqué devant ce grillage. Tout en trouvant ça absurde, j’ai pensé que c’était plutôt poétique comme définition de l’évasion, une enclave fermée entre deux grands espaces ouverts, l’un urbain, l’autre végétal. C’est peut-être bête. Mais Randonautica, c’est un peu, selon moi, comme l’astrologie et l’horoscope : on croit en ce que l’on découvre parce qu’on a envie d’y croire. Parce que l’intention est assez vague pour que l’on puisse toujours trouver quelque chose à quoi se raccrocher dans notre destination.
My intention was "Glitch", kind of looking for a sign to know if the reality we live in is a simulation. Guess I found it. from r/randonauts
Les créateurs de l’appli, eux, parlent de générateurs quantiques de nombres aléatoires (GNQA), un concept scientifique qu’ils ont librement adapté pour leur application en mêlant les intentions humaines. De la pseudo-science qui vaut ce qu’elle vaut, mais qui a le mérite d’épicer les sorties.
Si l’on fait un tour sur le subreddit dédié au randonauting, on retrouve des histoires bien moins épicées que sur TikTok, mais surtout des promenades menant à des lieux insoupçonnés, des rencontres improbables et une bonne dose d’humour. Des petits moments de contemplation sympathique, sans but. Et c’est plutôt appréciable, si l’on prend ça simplement comme une promenade.
Vous avez vécu des trucs de ouf grâce ou à cause de Randonautica ? Écrivez-nous à hellokonbinitechno@konbini.com