Mise au point : quand une communication coupe, qui doit rappeler l’autre ?

Mise au point : quand une communication coupe, qui doit rappeler l’autre ?

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© tommaso79 / Getty / montage Konbini Techno

Parce qu'il est grand temps de dissiper ce malentendu qui nous pourrit la vie.

C’est un problème vieux comme le début de la téléphonie (ou presque) : quand une communication s’interrompt accidentellement entre deux interlocuteurs pour une raison x ou y, qui doit prendre l’initiative de rappeler l’autre ? Sauf erreur de notre part, il n’existe aucune règle en vigueur, seulement du bon sens, et c’est un gros problème.

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Trois situations

Oui, un gros problème, on pèse nos mots. Quand la communication téléphonique se rompt brutalement, il peut se passer plusieurs choses pas forcément agréables :

  • Situation #1 : Les deux interlocuteurs essaient de se rappeler simultanément, tombent sur la messagerie de l’un et de l’autre, se loupent, ne laissent pas de message sur le répondeur, reçoivent parfois un SMS relou stipulant froidement que la personne a appelé sans laisser de message. Great. Dans le meilleur des cas, on arrive à se parler au bout de la deuxième ou troisième tentative. Dans le pire des cas, on s’énerve contre soi et contre l’autre, on lâche l’affaire et on ne se rappelle pas. Variante : on convient par texto qu’en fait, on s’est tout dit, qu’il est inutile de se rappeler, qu’on papotera plus tard, puisque tout compte fait, ce qu’on se racontait n’avait aucun caractère urgent.
  • Situation #2 – critique elle aussi : les deux interlocuteurs “se regardent” (façon de parler) en chien de faïence et attendent que l’autre rappelle. Pour quelle raison ce serait à l’autre de rappeler, on ne sait pas, peut-être la peur primaire de faire le premier pas dans une relation à deux. Au bout d’un moment, l’un des deux craque. Les épousailles reprennent, mais on aura perdu du temps.
  • Situation #3 – l’hypothèse heureuse : l’un des deux seulement prend la décision de rappeler tout de suite, généralement très rapidement, pour ne pas laisser le temps à l’autre de décrocher, pour être sûr de ne pas basculer dans la situation #1 et ça marche, good game. On ne va pas se mentir, c’est plus un coup de bol que du génie tactique.

Pour dissiper les malentendus, précisons que ces situations floues ne concernent que les coupures dont on ne connaît pas vraiment la cause (problème de réseau, raccrochage accidentel, etc.). Quand ça coupe parce qu’on passe sous un tunnel, il va de soi que c’est à la personne responsable de la coupure de rappeler l’autre.

Les situations #1 et #2 sont désagréables, frustrantes, nous dégoûtent un peu de la vie et nous envoient un peu, mutatis mutandis, dans une sorte de dilemme du prisonnier, où l’on se prend la tête pour imaginer ce que ferait l’autre, ceci occasionnant des calculs probabilistes fatigants.

Deux philosophies

Aussi avons-nous estimé qu’il était grand temps de mettre les choses à plat. Idéalement, il faudrait une règle générale qui stipulerait pour tous, qui de l’appelant (qu’on surnommera “A”) ou de l’appelé (lui, ce sera “B”) doit prendre l’initiative de rappeler l’autre.

Or, toute règle, aussi futile soit-elle, charrie dans son sillon un sous-entendu philosophique. Si l’on considère que A doit rappeler B, on estime que la personne qui a fait le premier pas devra maintenir des efforts constants et rappeler l’autre en cas de coupure. C’est une philosophie de la volonté. Nietzsche ou Schopenhauer ne la renieraient pas.

Au contraire, si l’on considère que B doit rappeler A, alors on part du principe qu’une communication doit faire preuve d’un minimum de réciprocité : A a fait l’effort d’appeler, c’est a B de manifester de l’intérêt en retour, en cas de reprise de contact. C’est une philosophie du don/contre-don. C’est peut-être ce qu’auraient choisi Marcel Mauss ou Paul Ricœur.

Après avoir demandé autour de moi, la règle du A qui rappelle B semble être aujourd’hui la plus en vigueur, mais le tacite ne suffit pas, on veut de l’explicite. Peu importe que l’on choisisse l’une ou l’autre manière de penser. Les implications idéologiques ne changeront en rien la face du monde. En revanche, ce qu’il faudrait, à partir d’aujourd’hui et pour toujours, c’est que l’on se mette tous d’accord, à l’échelle de la France (puis de l’Europe) et ce, s’il vous plaît, sans que les Bretons, les Alsaciens ou les Corses ne décident d’en faire qu’à leur tête.

La règle de la coupure

Pour commencer à répandre cette idée, il faudrait déjà trouver un nom à cette règle. Sans grande originalité, nous proposons “La règle de la coupure” – basique, simple. Imaginez un instant que ça marche. L’un pourrait facilement dire à l’autre, à l’issue d’une reprise de contact laborieuse découlant d’une rupture de communication : “Naaaan mais allô, t’as pas respecté la ‘règle de la coupure’, mdr !”, et l’autre reconnaîtrait illico son tort. Ce serait un grand progrès civilisationnel.

Dans cette règle nationale, c’est A qui rappelle B ou B qui rappelle A ? Honnêtement, ce n’est pas ici, chez Konbini techno, que nous trancherons une question aussi importante (même si nous avons notre petite idée). Nous, on veut juste jeter un pavé dans la mare, créer du débat et de l’engagement. On espère, en toute naïveté, que les Français se dirigeront, fédérés par un consensus tacite, dans l’une ou l’autre direction. Même si cela doit prendre encore un peu de temps.

Si cet article a remué des souvenirs douloureux ou fait naître des espoirs pour de futures télécommunications radieuses, écrivez-nous à hellokonbinitechno@konbini.com.