Dresseur addict depuis ma plus tendre enfance et la toute première génération Pokémon sur Game Boy, j’ai quasiment poncé l’intégralité de la franchise japonaise. J’ai même fait l’erreur de m’enfoncer jusque dans les méandres de la dimension “stratégique” du jeu – ne me parlez plus des EV.
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À mesure que les épisodes de Pokémon s’enchaînaient, ma lassitude a grandi. Si certaines sagas vidéoludiques répètent, au fil des épisodes, des archétypes qui leur sont propres – Assassin’s Creed et The Legend of Zelda, pour ne citer qu’elles –, la série Pokémon, quant à elle, est devenue un marronnier. Remakes moyens, répétitions fades… les Pokémon étaient devenus presque aussi originaux qu’un énième FIFA, c’est dire.
Plus que de la lassitude, j’ai même ressenti une certaine injustice vis-à-vis des autres jeux sur consoles Nintendo. Zelda a eu le droit à un chef-d’œuvre avec Breath of the Wild, Mario peut se pavaner dans son Odyssey et même Monster Hunter ressemble enfin à quelque chose de joli. Et Pokémon ? Rien, que dalle, des jeux moches, datés, vieillots.
Je me souviens très bien, il y a quelques années, du grand rêve partagé par tous les fans de Pokémon : un véritable open world, immense et grandiose. Un monde dans lequel on se baladerait librement pour attraper des Pokémon visibles et évoluant dans leur écosystème, où l’on combattrait en pleine nature sans interruption. Un jeu parfait, tout simplement.
The Legend of Zelda: Breath of the Wild avait évidemment ouvert la voie aux spéculations et attentes les plus folles, et à raison. Alors, quand Légendes Pokémon : Arceus a été annoncé en cochant sur le papier toutes les cases, j’étais, comme beaucoup d’autres, conquis. Sauf que chez Game Freak, les faux espoirs sont nombreux.
Un monde mature mais peu soutenu
Commençons par le scénario. Légendes Pokémon : Arceus amorce du changement. Plus de sempiternelle histoire d’un enfant envoyé sur les routes d’une nouvelle région pour affronter des champions d’Arènes. Le scénario mêle le fantastique à des intrigues soigneusement cachées tout au long de l’aventure. Voyage dans le temps et l’espace, forces divines et mystérieuses : Pokémon se dote enfin d’un lore digne d’un vrai monde de fantasy.
Une des plus grandes forces du titre réside sûrement dans la cohérence du monde, à une époque antérieure aux autres épisodes. Une sorte d’ère des clans où différentes visions du monde et donc des Pokémon s’entrechoquent : certains en ont peur, d’autres sont fascinés, on veut les apprivoiser, les enfermer ou simplement les laisser tranquilles. L’insupportable laïus “les Pokémon sont nos amis pour la vie” est quasiment enterré et laisse place à de vrais rapports de force.
Découvrir les origines de chaque élément culte (comme le Pokédex) reste quand même excitant. (© Game Freak)
Malgré cela, la naïveté de la franchise se retrouve encore au beau milieu des dialogues : ils sont à la fois plats et prévisibles. Quand on se contente de les lire sans son, cela pèche, forcément. Quelques personnages originaux sauvent un peu le tout, mais il leur manque cette étincelle dans les yeux pour que l’on soit réellement emporté. Il est clair que les expressions faciales insipides n’aident pas non plus – nous y reviendrons.
Un véritable RPG qui accuse du manque d’expérience (de dev)
On a tendance à l’oublier, mais Pokémon est une série de RPG, des jeux de rôle de combats en tour par tour. En comparaison avec de grands noms du RPG (Skyrim, The Witcher, etc.), la seule gestion de personnage existante était celle des Pokémon. Légendes Pokémon : Arceus plonge enfin dans le grand bain en proposant bien plus que la gestion de votre équipe Pokémon.
Vous avez une sacoche, vous pouvez crafter vos Pokéballs, vos potions ou encore des appâts. Vous êtes réellement en mode survie lorsque vous êtes lâché en pleine nature, car les centres Pokémon n’existent pas (encore). Il faut donc compter sur vos ressources, votre ingéniosité et votre sens du greed, car une défaite et c’est la perte de nombreux objets importants – oui, enfin des vraies conséquences au game over.
Au-delà de l’équipement améliorable, vous avez aussi accès à un immense nombre de quêtes secondaires, éléments clés de tout bon RPG. Vous allez vous balader d’objectif en objectif et devoir retourner à votre hub “Rusti-cité” entre deux expéditions pour refaire le plein, vendre, acheter ou même récolter vos ressources.
Alors, quel est le problème ? Sans doute le terrible manque d’optimisation en expérience utilisateur de Game Freak, car toutes les actions sont techniquement mal fichues. Tout prend un temps inconsidéré, chaque action est lente et ennuyeuse. Il manque des raccourcis, des possibilités de déplacement – entre deux régions sans avoir à retourner au hub, par exemple – et tout simplement du bon sens de jouabilité. Le gameplay est rugueux, rigide et presque honteux pour un jeu sorti en 2022.
Et sinon, ce n’est vraiment pas beau ?
Cela n’a échappé à personne, Légendes Pokémon : Arceus est moche. Pas besoin de se justifier, les graphismes sont complètement à la ramasse, même pour une “petite” console comme la Switch. Tout bave de partout, les textures sont plates, les couleurs assez fades et les décors répétitifs. Même les modélisations des Pokémon ne sauvent pas grand-chose.
Ce qui est dommage, c’est que la liberté de déplacement sur terre, sur mer ou dans les airs est du coup moins appréciable. La possibilité de rencontrer et de combattre (ou non !) des Pokémon en pleine nature est absolument fantastique, et on aurait donc aimé qu’elle ressemble à quelque chose qui se rapproche plus de la HD que des graphismes de GameCube.
Le problème n’est pas tant que cela soit moche ou techniquement en retard de dix ans. La comparaison avec Breath of the Wild n’est pas pertinente non plus, car on parle d’un studio drastiquement différent. Game Freak n’a jamais été spécialiste de ces questions et s’est toujours concentré, peut-être à tort, sur d’autres objectifs. Je vous conseille à ce sujet la lecture de cet excellent article, qui résume l’esprit du studio et fournit une partie de l’explication.
Au final, la polémique sur les graphismes n’en est pas vraiment une et cache plein d’autres problèmes de fond. Par exemple, on ne parle pas assez de la musique, pourtant très belle mais complètement occultée par un mix audio hasardeux – en même temps, il n’y a qu’une seule personne créditée à ce poste.
De manière générale, Légendes Pokémon : Arceus est rempli de promesses et peut-être même d’espoirs pour la suite de la franchise. Mais pour chaque nouvelle bonne chose, il y a mille raisons possibles de croire que cela aurait pu être bien mieux. Le jeu n’est pas mauvais, loin de là, et j’y passerai encore probablement plusieurs dizaines d’heures – tant mieux, après tout.
Ce sont tous les demi-efforts, les attentes inachevées et les bonnes idées mal exécutées qui sont terriblement frustrants. Légendes Pokémon : Arceus n’est encore qu’un trop petit pas pour atteindre ce que mérite vraiment la légendaire saga Pokémon : un chef-d’œuvre de A à Z.
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