Neuralink, l’entreprise fondée en 2016 par Elon Musk, a pour objectif de révolutionner les interfaces homme-machine. Il s’agit – rien de moins – que de connecter le cerveau biologique avec le monde digital.
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Il y a quelques jours, un rapport signé Elon Musk & Neuralink fait le point des avancées. Elles sont considérables et témoignent qu’avec des financements conséquents, 158 millions de dollars, dont 100 millions de Elon Musk, un leadership éclairé et beaucoup de travail, on peut révolutionner un domaine en quelques années.
Dans ce rapport, il n’est plus question de connecter tout un chacun avec Internet, objectif pour lequel il était permis d’émettre les plus grandes réserves.
La (nouvelle) cible de Neuralink est les personnes avec une motricité très réduite, comme les personnes tétraplégiques ou celles souffrant d’un Locked-in Syndrome (ou syndrome d’enfermement) à qui l’entreprise entend proposer une interface de commande depuis le cerveau.
Ce n’est pas une idée nouvelle, de telles interfaces existent depuis une quinzaine d’années, cependant elles sont très difficiles à mettre en œuvre, et très peu efficaces. La vitesse des progrès de Neuralink est telle qu’elle laisse espérer une véritable interface dans quelques années seulement.
Des essais sur les rats (avant le passage à l’humain ?)
Les essais pratiqués sur le cerveau de rats avec le robot implanteur d’électrodes développé par la société témoignent que ce dernier est capable d’installer un peu plus de 96 multi-électrodes de 1,6 millimètre en moins de 20 minutes, tout en évitant les vaisseaux sanguins.
Chaque multi-électrode est munie de 32 points de contact espacés de 50 microns, il y a donc 3 072 électrodes implantées. En termes de nombre, nous sommes à deux fois les précédentes réalisations dans le domaine, et avec une mise en place cent fois plus rapide !
L’idée poursuivie par Neuralink est de réaliser des modules autonomes de 3 072 électrodes et d’en implanter autant que nécessaire. La start-up a donc développé un boîtier (23 x 18,5 x 2 millimètres) qui réalise le traitement de l’information recueillie sur place, avant d’expédier les résultats.
Pour l’heure, les résultats sont transmis par un câble USB, mais celui-ci sera bientôt remplacé par une connexion sans fil. À ce moment-là, les électrodes et le boîtier seront implantés dans le crâne (l’énergie sera fournie sans fil depuis l’extérieur), ce qui réduira presque totalement les risques d’infection.
Quelques problèmes à résoudre
Il reste encore beaucoup de questions à résoudre. La plus importante paraît être celle du vieillissement des interconnexions entre les multi-électrodes et les tissus biologiques. Le cerveau est plastique, il se (re)configure en permanence pour ne rien oublier des expériences vécues ou ressenties.
C’est ce qui permet aux patients implantés avec une interface cerveau-machine, après des mois d’entraînement, de pouvoir s’en servir – mais c’est aussi un gage que la situation ne sera pas stable et qu’il faudra sans doute continuer cet entraînement chaque jour.
Bien que le rapport qui vient d’être publié n’en fasse plus écho, on ne peut s’empêcher de mettre ces avancées en perspective de l’idée initiale d’une interface complète pour la cognition. Le chemin qui reste à parcourir implique de recevoir l’ensemble de l’activité neuronale du cortex et aussi de pouvoir émettre, c’est-à-dire générer des activations neuronales à volonté. Bien qu’aucune information n’ait été fournie sur ce dernier point, rien ne s’y oppose.
Même si le nombre de colonnes corticales est réduit (160 000), une multi-électrode dans chaque colonne nécessiterait l’implantation de plus de 1 600 boîtiers en l’état actuel. N’oublions pas également que les zones de repliement du cortex sont aujourd’hui hors de portée du robot neurochirurgien (car trop profondes) et que le fonctionnement global des différentes cartes corticales nous est inconnu.
Il reste donc un peu de temps avant que la fiction devienne réalité, mais des applications pratiques utiles seront bientôt disponibles.
Article rédigé par Claude Touzet, Maître de conférences en sciences cognitives, UMR CNRS 7260, Aix-Marseille Université (AMU) et publié originellement dans The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.