La star cachée du Z Event : Poca, l’incroyable chef cuistot

La star cachée du Z Event : Poca, l’incroyable chef cuistot

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Par Pierre Bazin

Publié le , modifié le

Pendant que les streamers combattent la faim dans le monde, lui combat la faim des streamers.

“Je te fais ça tout de suite, mon chéri ! Pas de souci, mon beau !” Il est deux heures du matin, et les food trucks du Z Event marchent à plein régime. Curry thaï, burger veggie, burrata… On y mange bien, et surtout à toute heure. Derrière le comptoir, le chef prend chaleureusement les commandes des streamers, streameuses, ainsi que du staff de l’événement caritatif. Peu importe que vous ayez 200, 5 000 ou 300 000 viewers, que vous soyez journaliste, régisseur ou photographe, le même sourire vous sera proposé en supplément de ces délicieux plats.

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Tout le monde l’appelle Poca, en référence à l’époque où il avait les cheveux longs et où ses collègues serveurs le surnommaient “Pocahontas”. À 36 ans seulement, il peut se vanter de nourrir peu ou prou tous les grands noms du Twitch francophone. Poca est avant tout “un passionné de bouffe”, particulièrement des saveurs asiatiques. “Si je dois mourir demain, je prendrai un canard laqué ou une soupe pho”, pronostique-t-il.

Le menu du Z Event 2021 concocté par Poca. (© Twitter/avec l’aimable autorisation de Poca)

Son savoir-faire ne se limite pas aux inspirations asiatiques. Dans la restauration depuis une quinzaine d’années, il a aussi acquis son expérience dans des brasseries traditionnelles, le “fast-food français”, comme il aime appeler cette cuisine de “bas morceaux” à base de blanquette de veau, de bœuf bourguignon et autres pot-au-feu.

Des Protoss aux fourneaux

Poca est un joueur, un geek, “un weeb !” même, de son propre aveu. Ou plutôt, il l’était, depuis qu’il n’a plus trop le temps de jouer, entre ses deux bars à Paris et son nouveau restaurant, Gurü, à Montpellier. Ses références vidéoludiques sont “à l’ancienne”, nous confie-t-il. “Du Counter-Strike : Source, même avant Source, à l’époque de Half-Life !” Mais sa vraie passion, c’est StarCraft.

Nous sommes au début des années 2010. À l’époque, l’e-sport n’en est encore qu’à ses balbutiements. Poca suit régulièrement la scène compétitive, notamment sur son RTS de cœur, StarCraft. Il va rencontrer les frères Pomf et Thud, les créateurs de la chaîne de cast e-sport O’Gaming, rapidement rejoints par un autre duo composé de Chips et Noi, pour le côté League of Legends.

“À l’époque, j’avais mon restau bar du côté de Bastille, là où sortait toute la bande O’Gaming. Étant donné que je faisais du midi-six heures du matin, et que j’étais le seul établissement à pouvoir les servir en pleine nuit, ils sont vite devenus des habitués.”

De fil en aiguille, Poca se fait ami avec tout le milieu : O’Gaming, Webedia, Twitch, etc. Aujourd’hui, il connaît plus ou moins tout le monde (et tout le monde le connaît bien), et chaque plat servi est une occasion de demander des nouvelles. “Avec eux [les streamers et streameuses, ndlr], je ne suis pas dans la starification, on s’entend bien. C’est tout ce qui me suffit, je ne regarde même pas forcément leurs lives ! [Rires], admet-il.

À toute heure, Poca et son équipe assurent le service pour les 150 personnes présentes au Z Event. (© Twitter/avec l’aimable autorisation de Poca)

Rapidement, il devient un incontournable des événements étiquetés gaming qui ont besoin d’un service de restauration : soirées Twitch, Z Lan, etc. Ce sont même Dach et ZeratoR qui l’ont plus ou moins convaincu d’ouvrir son restaurant, Gurü, à Montpellier.

“Tous ces gens qui nous entourent, c’est une grande famille. Et j’ai aussi un respect démesuré pour Dach et ZeratoR. Ils sont pleins de principes, comme moi ! C’est peut-être mon pendant en streaming ! Et du coup, je sais que les invités qu’ils ont conviés seront des gens tout aussi bien.”

Action réaction contre la faim

“Dans le milieu du gaming, des gens qui peuvent taper 1 200 couverts en trois jours, il n’y en a pas cinquante.”

Pour ce Z Event 2021 en faveur d’Action contre la faim, les défis étaient encore une fois très nombreux pour Poca. Cet originaire d’Avignon a commencé sa vie professionnelle en tant que régisseur de théâtre. D’après lui, l’événementiel est aussi grisant que passionnant. 1 200 couverts en trois jours pour les 150 personnes présentes à l’événement ? “On me donne les conditions, et je fais avec”, assure-t-il sereinement. Il explique également la décision de prendre des food trucks, cette année-là : “C’est avant tout un événement caritatif, il faut faire beaucoup avec peu de budget, et avec le moins de pertes possible.”

Le coin “bouffe et détente” au Z Event 2021. (© Twitter/avec l’aimable autorisation de Poca)

En plus de proposer des repas plus équilibrés que les habituels Uber Eats, dont les streamers abusaient autrefois, Poca doit aussi gérer les demandes de dernière minute. Comme quand, jeudi soir, après le concert, il doit faire 70 repas dans l’heure suite à un petit problème logistique. Un frigo vide ? Qu’à cela ne tienne ! Il récupère un peu de riz et prépare des currys pour tout le monde, puis concocte une crème pâtissière en un temps record pour le dessert.

Il y a aussi toutes ces demandes alimentaires particulières des streamers pour leurs lives caritatifs. Les cocktails de Domingo et sa bande, le “coin apéro” de Trivia, ou encore les bâtonnets de colin du Joueur du Grenier.

Un des “donation goals” du JDG était de se cosplayer en “Captain Iglo” pour ensuite servir du poisson pané à tout l’event. (© Konbini)

Ses heures ? Poca ne les compte pas. Lui et son équipe font, en relais, du 6 heures-4 heures du matin afin d’accompagner jusqu’au bout de la nuit les streamers et streameuses qui livent non-stop pour la bonne cause. “J’ai dû dormir 7 heures au total depuis le début de l’event”, confie-t-il au troisième et dernier jour.

Son secret est simple et connu de tous :

“On garde le sourire ! Ces gens, ils livent 15 heures par jour, et toi, tu leur apportes de la nourriture… mais pas seulement. Alors oui, c’est de la ‘cuisine minute’, un petit poulet croustillant sur un curry jap’, ça fait toujours plaisir, mais l’important, c’est que tu transmettes de la joie et de l’énergie. C’est peut-être trois minutes de pause que le streamer aura à ce moment-là, si tu fais la gueule, ce n’est pas possible !”

Pour Poca, l’événement est réussi si, de son côté, il a fait tout pour le rendre plus facile, plus simple pour les autres. “Peu importe, si je dois vider toutes les poubelles, je le fais”, assène-t-il le sourire aux lèvres.

“De mes 19 à 21 ans, je dormais quasiment dans la rue”

Pour un cuistot, la cause d’Action contre la faim est évidemment importante. Poca évoque sa haine du gaspillage. Pour le Z Event, il avait anticipé le fait que les citrouilles du concours live d’Halloween seraient réutilisées en soupe. “Les anciens, ils ne gâchaient rien. Nous, on jette trop de trucs, alors qu’on peut les transformer : un dos de cabillaud un jour devient une brandade le lendemain, et des acras le surlendemain”, démontre-t-il efficacement.

Lorsque je lui demande s’il a déjà “eu vraiment faim dans sa vie”, Poca répond sans sourciller qu’il a plus ou moins dormi dans la rue, chez des potes ou dans le théâtre dans lequel il bossait de ses 19 à 21 ans, en arrivant sur Paris, sans proches sur place. C’est un jour, en regardant une émission de télé dédiée à la recherche d’emploi, qu’il se lance à son tour, parcourant les Grands Boulevards CV en main.

À la manière d’une chanson de Brassens, c’est un Auvergnat, patron de brasserie, qui lui tend la main en lui donnant son premier job dans la restauration :

“Mais avant, il m’a donné 30 euros, m’a payé mon métro, m’a appris à faire un nœud de cravate, avant de me faire manger, invoquant que ‘tout travail mérite salaire’.”

Les valeurs de la restauration, c’est avant tout un vrai “devoir d’éducation”, pour Poca. C’est d’ailleurs toutes ces valeurs, ces codes ou encore cette variété de talents, “du sommelier à la plonge, en passant par le grilleur”, qui l’ont fait tomber amoureux du milieu. Transmettre, se démener pour les autres, c’est ce qui habite Poca : “Je suis intransigeant sur le travail, mais si le travail est bien fait, je suis le mec le plus gentil au monde”, conclut-il avec un grand sourire qui contraste mes cernes marqués.

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