En octobre dernier, la France et l’Europe ont vu un nouvel acteur – pas n’importe lequel – se positionner sur le marché juteux du dating. Avec ses quelque 2 milliards d’utilisateurs, Facebook, qui nouait déjà des amitiés dans le monde entier, vient risquer sa peau sur le secteur très concurrentiel de l’amour et des rencontres.
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Facebook Dating, accessible depuis l’appli Facebook via une section dédiée et discrète, ressemble à s’y méprendre à ses concurrents : à l’inscription, on donne quelques critères de recherche (hommes et/ou femmes, âge, centres d’intérêt, etc.), on uploade une ou deux photos où on est à son avantage, on remplit une bio éclair et on swipe comme un dingue, à droite ou à gauche selon le mood. En cas de coup de foudre, on peut aussi envoyer des superlikes. Dès qu’il y a match, s’opère une mise en relation.
Clairement, au niveau des fonctionnalités pures, Facebook ne casse aucunement le game du dating. Il ne propose rien de plus que les applis existantes. Par rapport à Tinder, Bumble ou Grindr, il y a toutefois une différence de taille : là où tout le monde propose un arsenal de formules payantes pour augmenter ses chances de matcher, tout est gratuit sur Facebook Dating. Dans l’histoire des sites et applis de rencontre, c’est une grande première.
Si Facebook Dating est 100 % gratuit, c’est parce que Facebook engrange déjà des milliards avec la publicité ciblée qui apparaît sur notre feed. Les concurrents, eux, n’ont pas le choix de faire payer : les offres premium sont l’une de leurs sources de revenus principales.
Avec cette offre 100 % gratuite, Facebook est-il en train de bouleverser les règles du secteur ?
Déjà, on a contacté Facebook pour savoir comment ça se passait de son côté. Dans un e-mail, l’entreprise affirme que depuis le lancement du service, en septembre 2019, il y a déjà eu 1,5 milliard de matches. On peut donc dire que Facebook Dating a bien pris.
Côté business model, s’il n’y a pas de publicité directement intégrée dans Facebook Dating, l’entreprise peut, en revanche, utiliser des (méta)données pour affiner la précision publicitaire dans le feed. C’est donc une sorte de cercle vertueux qui peut justifier la gratuité du service.
Enfin, Facebook n’a pas voulu nous dire si son offre de dating serait gratuite à vie, mais comme la plateforme a horreur des offres payantes, on peut supposer sans trop de risques que ça sera encore le cas un moment.
Dans un second temps, nous avons interrogé la concurrence. Comment les autres applis ont-elles vécu l’arrivée de Facebook sur le marché ? Ont-elles dû remettre en question leur modèle économique ? Les réponses divergent.
Chez Tinder, on s’estime bien meilleur et la concurrence serait ailleurs :
“Nous constatons que nous sommes meilleurs lorsque nous [veillons] à faciliter les nouvelles rencontres […]. Sur Tinder, la majorité des membres ont entre 18 et 25 ans. En fin de compte, nos concurrents ne font pas partie de la catégorie ‘applications de rencontres’, mais sont plutôt les marques et applications en lien avec l’univers de la génération Z (telles que TikTok, Snapchat, Netflix, YouTube), car c’est là où elle passe son temps.”
Côté Grindr, qui ne s’adresse pas aux hétéros, on considère légitimement que Facebook Dating n’est pas du tout un concurrent : “À la différence de [Facebook Dating, ndlr], nous mettons en relation les personnes gays, bis, trans et queers.”
Meetic qui, par la tranche d’âge ciblée, serait un des concurrents les plus directs de la nouvelle appli, considère qu’il n’y a eu aucun bouleversement :
“Facebook, c’est évidemment un acteur majeur de la tech, mais pas vraiment un nouveau concurrent. Il a toujours été un service de mise en relation depuis ses premiers pokes. Quant au déploiement de son service dédié à la rencontre amoureuse, freiné en Europe régulièrement depuis plusieurs mois, nous n’avons pour le moment remarqué aucun impact signifiant.”
Même son de cloche chez Happn :
“Facebook Dating existe déjà depuis quelques années dans de nombreux pays. La présence de ce concurrent n’a aucunement impacté notre audience ou notre croissance dans ces pays. Facebook est, bien entendu, un réseau social d’envergure et pourrait, en tant que tel, représenter une menace, quel que soit le secteur dans lequel il désirerait entrer. En ce qui concerne le dating, cette menace ne s’est jusqu’à ce jour pas concrétisée, ce qui nous semble assez normal étant donné la spécificité du dating, qui touche à la vie privée et à l’intimité des gens.”
Sollicitées, Bumble et OkCupid n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Résumons : Facebook Dating est-il en train de casser le game du dating ? D’un point de vue fonctionnalités, non. Pour le moment, on y matche comme on matche partout ailleurs. La seule grande différence, c’est la gratuité – ce qui n’est pas rien.
Or, ce que suggèrent aussi les réponses de Tinder et Grindr, c’est que Facebook Dating s’adresse à un certain public. Facebook étant un réseau social vieillissant, boudé par les millennials, il est vrai qu’on y trouvera forcément plus de boomers. Pour l’heure, Facebook Dating ne s’adresse pas non plus aux minorités de genre, comme le fait Grindr. Il vient donc faire de la concurrence aux applis les plus mainstream et pas sûr que le 100 % gratuit rameute des gens qui n’utilisent plus Facebook.
La donne pourrait être très différente si, un jour, Facebook Dating décidait de s’installer sur Instagram, dont l’audience est beaucoup plus jeune. Pour l’heure, ce n’est pas prévu. Il est simplement possible de partager ses photos Instagram sur son profil Facebook Dating, comme chez la concurrence.
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