Depuis début 2021, on nous bassine avec les NFT. Les non-fungible tokens (jetons non fongibles) permettent, en gros, d’acheter des œuvres numériques uniques en sécurisant le protocole via une blockchain, système notamment utilisé pour les cryptomonnaies.
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En février dernier, la vente aux enchères du mème “Nyan Cat” pour 525 000 dollars a donné le ton. S’ensuivirent de nombreuses autres ventes et prix records. Tout semble devenu “NFT-isable”, du mème “Disaster Girl” (vendu pour 410 000 euros) au premier tweet historique (parti, lui, pour 2,9 millions de dollars).
Toutefois, les NFT ne sont pas exempts de critiques : certains y voient une pure spéculation financière, d’autres des achats totalement “inutiles”. On leur reproche aussi leur empreinte environnementale, puisque les protocoles blockchain consomment énormément d’énergie.
Pourtant, cela n’a pas empêché uTip, la plateforme française de financement participatif, de se lancer dans le game. Avec plus de 80 000 créateur·rice·s inscrit·e·s, uTip ne cesse de grandir, surtout depuis que son concurrent Tipeee fait polémique en hébergeant des créateurs de contenus conspirationnistes et haineux.
Kalart et les “œuvres numériques uniques”
Au-delà du système traditionnel de donation régulière pour financer les créateurs présents sur la plateforme, uTip a décidé d’élargir son champ de réflexion aux NFT. Nous en avons discuté avec Stanislas Mako, PDG et cofondateur uTip, à l’occasion du Frames Festival 2021 d’Avignon.
Pour lui, il faut repenser la manière de soutenir les créateurs à l’heure où YouTube est saturé et où la concurrence émerge de partout sur Internet. Au-delà de la rémunération des plateformes (via la monétisation des vidéos), les créateurs doivent trouver d’autres financements.
Il y a donc les dons réguliers sur uTip ou encore, sur d’autres plateformes, des systèmes de contreparties (un cadeau, un objet dédicacé, etc. contre un don). Mais ces derniers “ajoutent une charge de travail supplémentaire aux créateurs”, selon Stanislas.
Arrivent les NFT dans le champ de réflexion. Pendant plusieurs mois, Stanislas Mako et son équipe ont mis en place une blockchain afin de pouvoir générer leurs propres tokens. Une plateforme annexe, Kalart, vient d’être lancée et elle va tout simplement permettre aux créateurs (certifiés) de uTip de “NFT-iser” leurs œuvres (vidéos, tweets, dessins numériques…).
Une fois transformées en jetons non fongibles, les œuvres peuvent être vendues sur Kalart, qui s’occupe de tout : certifier la création sur la blockchain, assurer la vente et la rémunération des créateurs. D’ailleurs, pour Stanislas Mako, on ne parle pas vraiment de NFT, mais d’œuvre numérique unique (onu), une manière “de se rappeler qu’on parle de créations”.
La question éthique des NFT est évidemment au cœur de cette nouvelle initiative. Côté environnemental, Stanislas Mako assure que la “petite” blockchain qu’ils ont dédiée à Kalart est beaucoup moins énergivore, surtout en comparaison aux véritables usines de minages de bitcoin qu’on retrouve à travers le monde – en Chine principalement.
Que signifie vraiment “posséder” un NFT ?
“La propriété privée nous a rendus si stupides et si bornés qu’un objet n’est nôtre que lorsque nous le possédons”, disait Marx. Qu’en est-il d’une œuvre NFT-isée ? La possède-t-on vraiment ? Ce sont juste “des lignes informatiques”, concède Stanislas.
Le certificat numérique n’est pas une preuve juridique de propriété intellectuelle. Posséder une onu, dans le jargon de Kalart, ne donne aucun droit sur cette dernière. Concrètement, vous ne touchez aucun revenu généré sur YouTube, vous ne pouvez pas décider de la supprimer, ni de la modifier. “Cela ne prive pas le droit d’auteur du créateur de sa vidéo”, assure Stanislas.
Mais alors, à quoi ça sert ? “À soutenir son créateur favori, estime Stanislas. Si vous achetez, mettons, la dernière vidéo de votre youtubeur favori, vous avez une authentification sécurisée de sa propriété, mais le plus important, c’est que vous avez donné 10, 100, 200 euros pour soutenir le travail d’un créateur que vous appréciez.”
Pour comprendre les NFT, il ne faut pas oublier comment fonctionnent les œuvres classiques : “Si quelqu’un achète La Joconde, il possède le tableau, mais vous pouvez toujours taper sur Google ‘La Joconde’ pour voir ce à quoi elle ressemble, vous la verrez toujours.” Les onus sont du même acabit, elles sont toujours visibles, même après avoir été vendues.
Quant à la problématique de spéculation (comme on l’a vu avec les nombreux NFT de mèmes, qui ont battu des records de vente), Stanislas Mako file sa métaphore avec l’art classique : les tableaux se vendent et se revendent sans cesse à travers le monde, “les onus, c’est pareil !”, enchaîne-t-il.
Toutefois, uTip et Kalart ont mis en place des garde-fous. Déjà, pas question de se reposer sur le bitcoin ou tout autre cryptoactif, les onus se vendront uniquement en euros ou dollars. Ensuite, “et c’est le plus important”, pour Stanislas Mako, toute revente de l’œuvre en question sera soumise à des commissions (10 %), qui seront directement versées aux créateurs.
Kalart n’est pas une plateforme “classique” de NFT. C’est une plateforme française (la première), avec tout ce que cela implique : des règles, des limitations, et surtout un objectif. Soutenir les créateurs reste l’ADN de Kalart, comme pour uTip, nous assure Stanislas Mako.
L’initiative a déjà le mérite d’exister. Il faudra encore voir son développement sur le long terme pour en juger l’efficacité. Dans les années qui viendront, les NFT prendront de plus en plus de place, sauf, peut-être, si le marché des cryptomonnaies s’effondre complètement.
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