Sur l’hippodrome de Chantilly le 19 juin dernier, Marie Vélon, Pauline Chehboub et Coralie Pacaut sont dans leur élément. Habituées des champs de course, elles font partie de cette “nouvelle génération” de femmes qui ont su s’imposer dans le secteur. Car si les courses sont mixtes, le milieu hippique reste dominé par les hommes. Entre féminisation et objectif de renouvellement, zoom sur cette jeunesse féminine bien décidée à faire bouger les lignes.
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Marie Vélon – Jockey et cravache d’or féminine 2020 et 2021
Recordwoman du nombre de victoires pour une jockey en une année et cravache d’or féminine 2020 et 2021 [récompense le plus grand nombre de victoires en une année en France, ndlr], Marie Vélon, 23 ans, figure désormais dans le top 10 des jockeys français. Une réussite, fruit d’un travail de longue haleine : “On a un corps de femme et on fait un métier d’homme. Il faut travailler deux fois plus pour se mettre au niveau physiquement.”
Comme chaque femme jockey, elle bénéficie de la décharge, instaurée en 2017 pour lancer la carrière des cavalières. Une remise de poids dont elle concède l’efficacité : “Il y a une énorme différence rien que d’un point de vue statistique.” Pourtant, Marie Vélon regrette qu’on ait préféré changer le règlement plutôt que les mentalités : “C’est quand même dommage qu’on ait dû nous donner un avantage pour nous donner notre chance.” D’autant que de très belles courses sont remportées chaque année par des femmes : “Il n’y a qu’à voir le Prix de Diane. Ça prouve bien que, de toute façon, ce sont les chevaux qui courent. Mais en France, on a eu besoin de ce petit coup de pouce pour que les femmes montent davantage.”
Marie Vélon en est persuadée, les femmes seront davantage présentes sur les champs de course dans les années à venir : “Aujourd’hui, il y a environ 70 % de femmes dans l’école des courses, donc obligatoirement, le métier va se féminiser.” La jockey est davantage préoccupée par le renouvellement du secteur : “En France on n’aime pas la nouveauté. Quand on regarde en Angleterre, il y a plein de jeunes jockeys qui émergent. Ici, les jeunes ne parviennent pas à sortir car on continue de faire appel aux vieux jockeys. C’est vraiment ça le défi, actuellement.”
Pauline Chehboub – Manager du Haras de la Gousserie et membre du Comité France Galop
Autrefois championne de France poney, Pauline Chehboub a troqué sa bombe d’équitation pour la casquette de manager. À seulement 27 ans, elle gère d’une main de maître le Haras de la Gousserie et l’écurie familiale de plus de cinquante chevaux. “C’est mon père qui, passionné de courses, a mis un pied, il y a une vingtaine d’années, dans le propriétariat et l’élevage. De fil en aiguille, on s’est développé et on a construit une écurie de course ‘puissante’ et un élevage intéressant”, confie la jeune femme.
Côté écurie, elle s’occupe de l’entraînement des chevaux, gère les engagements et veille au suivi vétérinaire. Côté haras, elle réfléchit, entre autres, aux futurs croisements qui viendront enrichir l’élevage. Un travail constant, “7j/7, 24h/24”, qui lui permet désormais de figurer dans le top 10 des propriétaires de l’Hexagone.
Véritable “relais” de son père auprès des entraîneurs et jockeys, Pauline Chehboub a su s’imposer dans cet univers masculin : “C’est un milieu dominé par les hommes mais j’ai toujours su me faire respecter. Je pense que c’est, de toute manière, une question de caractère et non de circonstances.”
Membre du Comité France Galop, elle participe activement au développement de la filière qu’elle souhaite voir se renouveler : “C’est le principal défi : il faut renouveler le personnel d’entraînement, les propriétaires, les membres ‘politiques’ impliqués au niveau des courses.” Un changement qui ne peut se faire sans l’implication de la jeunesse : “On est en train de décider de l’avenir des courses, donc qui de mieux placé que la nouvelle génération pour prendre part à la discussion ?”
Coralie Pacaut – Jockey et cravache d’or féminine 2019
Cravache d’or 2019, Coralie Pacaut a, elle aussi, dû faire ses preuves dans le milieu des courses : “Au début, en tant que femme, il fallait vraiment batailler pour se faire sa place et montrer de quoi on était capable.” Si les mentalités ont depuis évolué, certaines remarques persistent. Pas question, donc, pour la jeune femme de se reposer sur ses lauriers : “On entend encore souvent ‘non, je préfère faire monter un homme’. On doit prouver au quotidien qu’on est capables de rivaliser avec eux.”
En 2017, la mise en place de la décharge a joué un rôle clé dans sa carrière : “J’ai été d’un coup appelée beaucoup plus souvent, j’ai pu monter davantage. Et ce n’est pas un secret : plus tu montes, plus tu progresses.”
Dans ce milieu particulièrement compétitif, Coralie Pacaut s’est endurcie : “On est obligé de se créer une carapace, parce que moralement, ce n’est pas facile. Après, ça, c’est pour les hommes comme pour les femmes, il faut être dur mentalement parce que les courses, c’est des hauts et des bas, et souvent plus de bas que de hauts.” Toujours les pieds sur terre, la jockey de 23 ans ne s’empêche pas pour autant de rêver à de nouvelles victoires avec Zelda, la pouliche de Tony Parker entraînée par Jean-Claude Rouget, et espère bien remporter le Prix de Diane au cours de sa carrière.