Après la qualification du Sénégal en finale de la CAN, Cheikh, le propriétaire du restaurant Yakalma à Sartrouville, où nous avions regardé la demi-finale, nous avait donné rendez-vous ce dimanche pour assister à l’ultime match des Lions de la Teranga, face à l’Égypte, dans une fan-zone. Pour l’occasion, le restaurateur a vu les choses en grand : location d’une grande salle, box repas et écran géant.
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Un premier coup de clim
Après de longs instants à chercher l’entrée, ce n’est que 5 minutes avant le coup d’envoi que nous arrivons sur les lieux, situés dans une zone industrielle comme il en existe des milliers en France. La salle, sur deux niveaux, affiche complet. “253 personnes”, selon les comptes de Cheikh. Des supporters du Sénégal de tous âges chauffés à blanc, qui ne vont pas tarder à exulter quand à la 5e minute l’arbitre désigne le point de pénalty. Tout le monde retient son souffle et est prêt à exploser, mais Sadio Mané bute sur le portier égyptien Gabaski, une nouvelle fois héroïque. À ce stade de la rencontre, on n’est pas sur un coup de clim, mais le coup de massue est réel.
Au fil des minutes qui défilent, l’enthousiasme du début de match laisse place à l’angoisse et la crispation. Il y a bien quelques applaudissements sur des gestes défensifs ou des grosses situations devant les cages égyptiennes, mais ils se font moins intenses et plus rares à mesure que la fin du temps réglementaire se rapproche. Dans le dernier quart d’heure, l’air devient irrespirable dans la fan-zone. Littéralement. Victime d’un léger malaise, une dame quitte la salle après des difficultés à respirer causées par le stress. Après 3 minutes de temps additionnel, les deux équipes sont toujours à 0-0. Place à la prolongation.
“Si on va aux tirs au but, on est morts”
L’optimisme s’étiole petit à petit. “J’y crois de moins en moins”, admet Fatou, qui bosse dans l’équipe de Yakalma. Même son de cloche chez Cheikh : “Je ne suis pas serein. Si on va aux tirs au but, on est morts.” Malgré quelques situations dangereuses des deux côtés qui font réagir l’assistance, les 30 minutes de la prolongation passent dans un silence apeurant. La crainte d’affronter une équipe ayant remporté ses deux séances de tirs au but dans cette CAN prend le dessus, avant de devenir réelle au coup de sifflet final.
Avant la séance qui déterminera l’équipe championne d’Afrique, Ousmane ne cache pas son pessimisme. Pour lui, les jeux sont déjà faits : l’Égypte remportera la CAN. “Ils sont plus forts mentalement”, concède-t-il. On lui demande d’où lui vient un tel fatalisme, mais il ne trouve pas de réponse. Pourtant, tout commence bien pour la sélection d’Afrique de l’Ouest. Son capitaine et défenseur Kalidou Koulibaly se présente en premier face à Gabaski et ses antisèches. Le Napolitain ne tremble pas. Les Sénégalais présents à Sartrouville sautent de joie.
Écran noir pendant la séance
Après l’égalisation des Pharaons, puis le tir au but d’Abdou Diallo, la foule vibre de nouveau quand l’égyptien Abdelmonem touche le poteau. Bouna Sarr a la balle du break au bout des pieds, mais bute sur Gabaski, comme Mané avant lui. L’euphorie retombe. Les deux équipes sont de nouveau à égalité. Le 4e tireur sénégalais Bamba Dieng s’apprête à tirer. Au premier rang, un homme se prend le visage à deux mains. Le suspense est insoutenable. Le jeune joueur de l’OM s’élance… et les images sur le grand écran sautent. Stupeur générale.
Le public râle, mais pas très longtemps. Il faut bien suivre la suite de la séance. Pendant que les organisateurs redémarrent, on se débrouille comme on peut pour se tenir au courant : applications de résultats sportifs ou télé sur mobile. Une clameur se propage dans la foule. Édouard Mendy aurait arrêté un pénalty. La rumeur est confirmée. Le Sénégal est à un tir au but de sa première CAN. Les images ne sont pas revenues sur le grand écran quand Sadio Mané se présente face à Gabaski, pour leur 2e face-à-face de la soirée. Un cri fend l’air. Puis un deuxième et beaucoup d’autres par la suite. Ils l’ont fait. Le Sénégal est champion d’Afrique.
“C’est le football qui a gagné”
À côté de nous, une jeune fille folle de joie court dans tous les sens, heurtant un élément de la sono. Prise d’un malaise, elle est immédiatement évacuée. Plus loin, deux hommes pleurent à chaudes larmes et peinent à se relever. Des scènes de liesse dans toute la salle. On se congratule et on savoure cet instant, après des années de désillusions. Dans le fond de la salle, une des cuisinières nous prend dans ses bras. Elle nous raconte comment son match : “J’étais comme leur maman. J’avais mal pour eux. Je n’imagine même pas ce que leur propre mère devait ressentir.”
En attendant la remise de la coupe, les Sénégalais célèbrent ce premier titre avec la manière. En musique et même des fumigènes. Sur le parking, les premières voitures quittent les lieux direction les Champs-Élysées. On y croise Mohamed, notre voisin de table lors de la demi-finale, qui nous livre son analyse. “L’Égypte avait un plan de jeu — aller aux tirs au but — mais il n’a pas fonctionné”. Avec le triomphe du Sénégal, “c’est le football qui a gagné”.