Une heure avant le coup d’envoi du dernier match de poule à la CAN des Comores contre le Ghana, nous arrivons chez Wupisi, restaurant comorien situé dans le 20e arrondissement à Paris. Ghalil, le propriétaire des lieux, nous accueille dans son établissement, transformé en fan zone pour l’occasion. “Une obligation”, justifie ce quadragénaire dynamique au verbe facile, qui voit son restaurant comme une extension de l’archipel de l’Océan Indien.
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Une salle pleine à craquer
Après deux premiers matches difficiles et frustrants pour les Veri Piya (défaites contre le Gabon et le Maroc), qui disputent leur toute première Coupe d’Afrique des nations, le restaurateur veut voir une réaction d’orgueil de la part des joueurs : “De l’engagement, du relâchement, qu’ils prennent du plaisir et qu’on marque deux buts”, souhaite-t-il. Avec, si possible, un nouveau titre d’homme du match pour un Comorien, après celui obtenu par le gardien de but Salim Ben Boina contre le Maroc.
Dans la salle déjà pleine à craquer de Wupisi, l’optimisme est de mise. Parmi les nombreux supporters venus encourager les Cœlacanthes, le très populaire chanteur Says’z refuse de croire qu’il s’agit du dernier match des Comores dans la compétition. S’il reconnaît que la présence de la sélection à la CAN est déjà une “grande victoire”, il assure “ne pas faire partie des défaitistes”. Non loin de l’artiste, Nazad, 9 ans, maillot vert sur le dos, se mouille davantage sur l’issue de la rencontre. “On va gagner, c’est sûr et certain”, avance-t-il avec une confiance à toute épreuve. Son frère, Nawad, 12 ans, renchérit : “On va marquer deux buts.”
Des célébrations à rebours
Il faut croire que les enfants ont toujours raison. Quatre minutes après le coup d’envoi, l’attaquant vedette Ben Fardou ouvre le score et entre dans l’Histoire en marquant le premier but des Comores dans une compétition internationale. C’est la folie dans la salle, qui attendait de voir ce but… Annoncé depuis deux bonnes minutes (au moins) sur l’application FlashScore, la faute aux problèmes de réseaux qui entraînent un retard conséquent sur le direct.
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C’est sur ce rythme étrange que la soixantaine de supporters va suivre la rencontre. Entre deux bouchées de pilaou, beredre (ou couscoumas, selon l’île de l’archipel dont on est originaire), samboussas et autres spécialités locales, on garde un œil sur le téléphone, pour prendre un temps d’avance sur chaque but et préparer l’exultation. Vers l’heure de jeu, un homme lance à la foule : “Ça crie à la maison ! Ça crie à la maison !” Pas de doute, les Comores ont marqué un second but, signé Ahmed Mogni. Reste à le voir à la télé. Après que le décodeur a fini de laguer, tout le monde peut enfin exprimer toute sa joie.
À quelques minutes d’un exploit retentissant
Un bonheur de courte durée, puisque dans la foulée, les Ghanéens réduisent l’écart — un but qu’on ne verra pas, car la box redémarrait. Puis à la 76e, les Black Stars égalisent. C’est la douche froide dans le restaurant. Dans la salle, certains fulminent de voir leur équipe se faire rattraper au score, d’autant plus qu’elle évolue en supériorité numérique depuis la 25e minute et l’expulsion d’André Ayew.
Pourtant, malgré le retournement de situation et la crainte d’une troisième défaite consécutive dans le tournoi, l’espoir d’un nouveau but, synonyme de première victoire, se lit encore sur les visages. À la 86e minute au Cameroun (et donc 83e sur la télé du restaurant), un frisson parcourt l’assemblée. Un homme, les yeux fixés sur son iPhone, annonce le 3e but. Cette fois, on n’attend pas les images, on célèbre et on chante l’hymne national. Les Comores mènent 3-2 et sont à quelques petites minutes d’un premier succès retentissant face à une place forte du football africain.
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Au bout des quatre minutes de temps additionnel, c’est la libération. L’équipe de football des Comores s’impose et écrit une nouvelle belle page de sa jeune histoire. Une victoire qui lui permet de finir 3e de sa poule et d’espérer une qualification en 8e de finale, en espérant des résultats favorables dans les autres groupes. Mais dans l’immédiat, l’heure n’est pas aux calculs. Emplis de joie, des supporters se lancent une danse collective improvisée devant le restaurant. À l’intérieur, on se congratule et on célèbre. Nazad, le jeune fan sûr de lui avant le match, s’approche : “Tu vois, je t’avais dit qu’on allait gagner.”