5 965 jours. C’est le temps qui s’est écoulé entre l’affiliation des Comores à la FIFA, le 12 septembre 2005, et le premier match de la sélection dans une compétition internationale, ce lundi, contre le Gabon, en Coupe d’Afrique des nations. Pour les habitants de ce petit pays dans l’océan Indien, situé entre Madagascar et le Mozambique, ce match d’ouverture est un véritable événement. Le genre dont on dira dans quelques années “j’y étais” ou “je l’ai vu”, et qui pousse les gens à se rassembler.
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“Fan zone” à domicile
À défaut d’être au Cameroun pour encourager les joueurs au stade Ahmadou-Ahidjo, ou au pays pour vivre le match à la source, la diaspora en France s’est aussi organisée pour vivre ce moment d’histoire. À Garges-lès-Gonesse, dans le nord de Paris, Malika et Nasser, un jeune couple de Comoriens, avaient invité une vingtaine de convives, dont familles et amis, pour regarder les Verts commencer leur tournoi.
Dans cette “fan zone” improvisée, drapeaux et maillots de la sélection — officiels ou achetés au marché de Volo-volo, à Moroni, la capitale — sont de rigueur. Sur les coups de 20 heures, juste avant le coup d’envoi, quand l’hymne retentit à Yaoundé, la soupape accumulée par une journée de pression et d’attente explose dans le salon de Malika et Nasser. Il est repris en chœur par tous les supporters, pour ce qui s’avère être “le meilleur moment de la soirée”, analysent après coup nos hôtes du soir.
L’impression de voir l’OM de Sampaoli
Car, sur le terrain, la prestation des joueurs d’Amir Abdou n’est pas des plus rassurantes. À la 14e minute, le Gabonais Aaron Boupendza jette un coup de froid dans l’assemblée en trompant le gardien Ali Ahamada, pas exempt de tout reproche à son premier poteau. Le portier prend cher et se fait vanner de tous les côtés, notamment sur le fait de ne pas avoir de club. Mais il n’est pas le seul à subir les blagues des supporters. Le latéral droit Kassim Abdallah, ancien d’Évian Thonon Gaillard et de l’OM, et ses difficultés à tenir son couloir droit, y passent aussi.
De l’humour comme de la bonne humeur, malgré le score à leur désavantage, la vingtaine d’invités n’en manquent pas pour commenter ce match. Devant des Cœlacanthes maîtres du ballon (66 % de possession) mais brouillons dans les 30 derniers mètres (2 tirs cadrés), certains font le parallèle avec l’OM de Jorge Sampaoli, dominateur mais peu létal, comme le souligne Nasser, fidèle supporter olympien.
“Impossible qu’on mette la VAR pour nous”
En seconde période, l’espoir ne faiblit pas. Chaque action entraîne une clameur et chaque coup de pied arrêté donne lieu à des chants d’encouragement. Quand Faïz Mattoir, l’attaquant de l’AC Ajaccio, heurte le gardien gabonais dans la surface, tout le monde croit au penalty… sauf l’arbitre de la rencontre, et les arbitres vidéo. “C’est impossible qu’on mette la VAR pour nous”, crie, indigné, un jeune supporter de 19 ans. Une séquence frustrante à l’image de la rencontre, mais qui n’entame pas l’état d’esprit enjoué de l’assistance.
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Il faut dire qu’après des années sans jouer la plus grande compétition continentale, les Comoriens sont simplement heureux de participer pour la première fois à cette fête du football africain. Alors quand certains se font vanner par des amis sur Snapchat ou Twitter, la parade est toute trouvée : “Ils peuvent nous tailler comme ils veulent, on est trop contents d’être à la CAN”, clame l’un d’eux.
Un sentiment amer
Après un dernier coup franc bien placé pour les Cœlacanthes, l’arbitre du match siffle la fin du match. La première rencontre des Comores dans une compétition internationale se solde par une défaite (1-0) et laisse un sentiment amer à la vingtaine de supporters présents sur place, entre fierté d’avoir vécu un instant historique et frustration de ne pas avoir vu leur équipe être plus efficace. Mais à peine le temps de ressasser qu’on se projette déjà sur la suite, ce vendredi : le match contre le Maroc, l’épouvantail de ce groupe C.
Les Lions de l’Atlas, vainqueurs du Ghana en match d’ouverture (1-0), font figure de favoris face à des inexpérimentés comoriens. Dans l’assemblée, on imagine déjà les Verts se faire “transpercer” par les attaquants marocains, mais une voix vient ramener l’espoir et la raison. Walid, kofia (chapeau traditionnel) sur la tête et maillot floqué “Doucement club”, philosophe et prophétise : “On va gagner contre le Maroc. On n’est pas des bookmakers, on est des supporters.”