Depuis sa cabine de commentateur, dimanche, sur le circuit d’Abu Dhabi, Julien Fébreau a vécu une course et un finish incroyables aux côtés de Jacques Villeneuve. D’ailleurs, “c’est la première fois en neuf ans que Jacques s’est levé sur le dernier tour !”, nous confie le journaliste, encore sous le coup de l’émotion, quelques heures après le Grand Prix.
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Mais comment les deux commentateurs vivent-ils la course ? Nous avons demandé à Julien Fébreau de nous expliquer dans quelle atmosphère ils travaillent, et surtout de nous dévoiler les notes qu’il prépare et qu’il a devant lui pour nous faire rêver, mais aussi nous apprendre plein de choses lors de chaque course de Formule 1.
“Pendant une course, quand nous sommes sur place, nous sommes dans une cabine située en face des ingénieurs, au bord de la piste. Il y a dix écrans devant moi. J’ai mon ordi sur la gauche, sur lequel je mets un logiciel spécial pour avoir les infos sur les pneus. Il y a aussi un écran divisé en quatre, avec nos deux caméras sur le terrain, le retour de ce que vous voyez à Paris et la carte avec les positions. Au milieu, il y a les chronos, la carte GPS, les images de la course, les pages de temps, et on a une station avec les messages de la direction de course et une station météo.
Au départ, je me lève pour voir les voitures, les regarder passer, pour voir qui a le meilleur temps de réaction, et je me rassois quand je suis calmé. Au dernier tour, selon le scénario, je peux me lever aussi.”
Les notes de Julien Fébreau lors du Grand Prix d’Abu Dhabi :
© Julien Fébreau
“Voici le document le plus important. C’est une compilation de tout ce que je récolte comme informations pendant la semaine, du dimanche soir à la fin du Grand Prix précédant au vendredi au début des essais. Comme à l’école, c’est un travail continu. Je fais le tour de la presse, des sites français, italiens, allemands, hongrois, japonais. Je passe un coup de fil à tous mes contacts et mon réseau, il y a les infos publiques des écuries, mais aussi tout ce que je récolte en off. Il y a un onglet par écuries, un ‘autres’, un sur Pirelli et un sur les moteurs.
Quand j’arrive sur le circuit, je vais me faire confirmer ou expliquer des choses que j’ai pu lire directement à la source. Je m’en refais une lecture le jeudi soir ou le vendredi matin, et j’ai tout en tête. Ça me vient à l’esprit au fil d’une séance quand je vois une voiture, par exemple, pour avoir quelque chose à raconter, je l’ai sous la main.”
© Julien Fébreau
“Voici un pense-bête sur toute l’histoire des écuries depuis qu’elles existent, avec un maximum d’informations compilées sur une seule feuille, avec les pilotes par année, les positions finales. Cela permet aussi de voir l’évolution de l’écurie selon son motoriste. Par exemple, j’ai tous les moteurs utilisés par Jordan, l’ancêtre de l’écurie Force India, puis Aston Martin.”
© Julien Fébreau
“Sur ce pense-bête, qui existe aussi pour les courses, j’ai les positions de chaque pilote sur chaque circuit, avec les pénalités. Ça me permet de dégager en vert le ‘poleman’, et en rouge, c’est quand leur coéquipier est devant. Au bout, on a une moyenne des positions en qualifications, je remplis cela chaque samedi soir, et le dimanche après la course.”
© Julien Fébreau
“Là, il s’agit d’un résumé de chaque pilote, avec son âge, le nom de son ingénieur, le modèle de la voiture. En jaune, c’est la couleur de la caméra qui se situe sur la deuxième voiture de l’écurie.”
© Julien Fébreau
“Le document qu’une entreprise de statistiques nous fournit avant la course, avec des infos sur le circuit, le Grand Prix et les pilotes.”
Et pour les longues tirades de fin de course qui désignent le vainqueur, alors ? On demande à Julien s’il avait par exemple préparé deux speechs différents, un pour Hamilton et un pour Verstappen. Et il nous livre au passage une magnifique pépite :
“J’ai juste quelques notes avec leur âge respectif au jour près et leur palmarès. Mais pour le reste, je refuse d’écrire quoi que ce soit.
Quand Gasly gagne à Monza, je demande à cinq ou six tours de la fin à mon chef d’édition, Dominique, qui est dans mon oreillette toute la course, de me donner le nom de tous les Français qui ont gagné un Grand Prix de Formule 1. Je griffonne ça sur un bout de papier, avec la date exacte de la dernière victoire de Panis et l’écart exact depuis cette date. J’ai aussi noté ‘Lyon – je ne sais pas quoi’, qui devait être le match du soir sur Canal que je devais annoncer. J’ai gardé précieusement cette note, et je l’ai fait dédicacer par Pierre Gasly.”
© Julien Fébreau
Merci infiniment à Julien Fébreau et Wilfried Prévost pour ces précieuses images et leur temps.