On le sait désormais : l’industrie textile pollue. Troisième secteur le plus consommateur en eau (4 % des réserves d’eau potable mondiales), il émet également 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, soit 10 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales.
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Mais si les discours récents commencent à particulièrement décrire les dérives et les abus de la fast fashion (imports/exports polluants, durée de vie limitée, gâchis, etc.), qu’en est-il de la mode des élites ? Les semaines de la mode, plus communément appelées Fashion Week, sont des événements majeurs dans le monde du prêt-à-porter et de la haute couture. Si plusieurs dizaines de ce genre d’événements existent, les villes emblématiques qui les accueillent sont au nombre de quatre (les “Big Four”) : Milan, Londres, New York et bien sûr Paris.
Quatre lieux mais en réalité bien plus de Fashion Week. En prenant l’exemple le plus proche de notre capitale française, on dénombre en réalité pas moins de six semaines de la mode : deux de haute couture (janvier et juillet) et quatre de prêt-à-porter car il y a différentes saisons (printemps/été et automne/hiver) dans lesquelles on fait la distinction des genres (collection homme et collection femme).
Les Fashion Week de Paris sont souvent considérées comme les plus prestigieuses du monde, notamment du fait de la présence de grandes maisons françaises. Ce sont également celles qui accueillent le plus de visiteurs : 70 000 personnes à l’année environ, selon Carbon Trust. Parmi eux : des designers, des mannequins, des invités prestigieux mais surtout des acheteurs car, au-delà des paillettes, la Fashion Week est avant tout un lieu de business.
Et spoiler alert : le char à voile n’est pas encore très démocratisé.
Ça plane pour eux
Selon une récente étude Greenly, une Fashion Week “traditionnelle” parisienne avec un peu de plus 17 000 personnes sur six/sept jours de présence dans la capitale émettrait à elle seule 11 250 tonnes de CO², soit l’empreinte carbone annuelle de plus de 10 000 allers-retours Paris-New York.
Et si on ne compte que le prêt-à-porter, il y a quatre Fashion Week à Paris, ce qui porterait le tout à 45 000 tonnes de CO² par an. 45 000 tonnes de C0², c’est ce qu’émettrait la tour Eiffel si on l’illuminait pendant 600 ans non-stop.
Le premier facteur de pollution est évidemment dans le transport : déplacer des personnes à travers le monde pour venir à la Ville Lumière se fait souvent par avion, avec beaucoup d’avions. Et c’est sans compter ensuite que la plupart des déplacements durant la Fashion Week (entre les différents défilés par exemple) se font bien plus souvent en taxi qu’en transport en commun. Il ne faut pas non plus oublier, du fait de la longueur de l’événement (une semaine, voire plus), que les nuits d’hôtellerie ont un coût aussi financier qu’écologique.
Paradoxalement, le transport des vêtements de collection des ateliers aux podiums ne représente que 2 % des émissions totales de l’événement.
À quand une Fashion Green ?
Lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé le monde, la mode n’a pas été épargnée. Ainsi, comme le remarque l’étude de Greenly, “le nombre des invités avait été divisé par quatre, voire cinq”, ce qui a amené à des Fashion Week “light” avec beaucoup de distanciel, quasiment 80 % moins émettrice de CO².
Découvrir des collections à distance ? Difficile de concevoir que le “télédéfilé” puisse remplacer aussi aisément l’événement pour les acheteurs et designers qui se rassemblent en masse pour découvrir de leurs propres yeux les différentes collections.
En revanche, si le problème principal reste le déplacement de personnes (en avion), il existe tout de même de nombreuses solutions pour réduire son empreinte écologique : éviter l’avion si cela est possible. Et si l’avion est inévitable, privilégier les classes économiques moins polluantes que les classes business, privilégier les déplacements entre les défilés via les réseaux de transport en commun plutôt qu’en taxi, etc.
Ici encore, cela revient à des considérations plus ou moins individuelles de chaque participant. C’est d’autant plus difficile à envisager quand on sait qu’il y a aussi des disparités parmi les participants de la Fashion Week : l’empreinte carbone moyenne d’un acheteur est de 12,1 tCO2e tandis que l’empreinte moyenne d’un designer employé est de 7,6 tCO2e – toujours selon Carbon Trust.
Enfin, la dernière solution drastique serait de limiter les événements notamment en fusionnant à nouveau des défilés : qu’il y ait des défilés homme et femme ensemble par exemple.
En février 2019, Sara Arnold avait protesté en pleine Fashion Week de Londres sous l’étiquette d’Extinction Rebellion, pointant du doigt un discours “greenwashé” des défilés londoniens :
“S’ils pensaient que c’était [le dérèglement climatique, ndlr] si urgent, est-ce que les modèles, la presse et les acheteurs passeraient leur temps à voler dans le monde entier pour voir des vêtements ?”
Quatre ans plus tard, le changement ne peut plus se permettre de prendre son temps ; les entreprises de mode, les grandes maisons ont une grande force d’influence et ont devant eux un boulevard pour d’autant plus se différencier de la fast fashion, cette fois sur le plan environnemental. Mais face à des calendriers extrêmement serrés ou encore une concurrence accrue (entre les différentes Fashion Week par exemple), rêver d’une Fashion Green Week revient encore à faire passer un chameau par le chas d’une aiguille.