Que reste-t-il vraiment du GUD, ce mouvement d’extrême droite auquel appartenait Loïk Le Priol ?

Que reste-t-il vraiment du GUD, ce mouvement d’extrême droite auquel appartenait Loïk Le Priol ?

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© PIERRE VERDY/AFP

Cette organisation étudiante d’extrême droite est réputée pour ses actions violentes en France depuis les années 1970.

Il a été arrêté en Hongrie ce mercredi 23 mars. Loïk Le Priol est le principal suspect dans le meurtre de l’ex-rugbyman Federico Martín Aramburú, tué par balles samedi à Paris au petit matin après une altercation dans un bar.

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Loïk Le Priol aurait été interpellé près de la frontière ukrainienne alors qu’il tentait de rejoindre le front. Selon nos confrères du Parisien, l’ancien militaire de 27 ans transportait trois couteaux de combat dans sa voiture.

Il était en cavale depuis la mort de Federico Martín Aramburú. Par ailleurs, un autre suspect et complice présumé, Romain Bouvier, 31 ans, également actif à l’extrême droite, a été interpellé ce mercredi en Sarthe, a indiqué le parquet à l’AFP.

Celle qui serait la compagne de Loïk Le Priol et qui est soupçonnée d’avoir conduit le véhicule depuis lequel les deux hommes auraient fait feu, a de son côté été mise en examen pour complicité d’assassinat et placée en détention provisoire.

Ce n’est pas la première fois que le nom de Loïk Le Priol est mêlé à un sordide fait divers. Il est connu pour avoir pris part à l’agression particulièrement violente d’un leader du GUD. Les vidéos de ce passage à tabac et de cette humiliation d’une rare barbarie ont été publiées en 2016 par Mediapart. Il est poursuivi dans cette affaire pour violences en réunion et encore en attente de jugement.

Qu’est-ce que le GUD, cette organisation d’ultra-droite, à laquelle a appartenu Loïk Le Priol ? “C’est un mouvement de jeunesse explicitement néofasciste qui a été fondé en 1968 et qui loue la violence. Le GUD est célèbre pour sa violence dirigée au départ contre les étudiants de gauche. Ce n’est qu’à partir des années 1980 qu’il a commencé à se déployer contre les Arabes, les Noirs, puis les Juifs”, explique Nicolas Lebourg, historien spécialiste de l’extrême droite, à Konbini news.

“Le GUD a été un mouvement puissant dans les années 1970-1980, jusqu’aux années 1990, notamment dans les quelques bastions universitaires où il était bien implanté”, abonde Jean-Yves Camus, codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques, interrogé par Konbini news. “Ensuite, c’est devenu un mouvement beaucoup moins politique, beaucoup moins étudiant, dont beaucoup des membres ont basculé dans l’hyperviolence”, ajoute-t-il.

Un mythe

Pour autant, le GUD a continué à essaimer, principalement parce que son nom s’est ancré sauvagement dans l’histoire politique française, à tel point qu’il est devenu, aux yeux de Nicolas Lebourg, une véritable marque.

“C’est un mythe à l’extrême droite parce que ça fait très peur aux gauches et parce que depuis 1968, c’est l’image de la violence de l’extrême droite. C’est utile quand vous avez besoin de rassembler des militants radicaux mobilisés qui vont être attirés par cet activisme violent et cette légende”, commente l’historien.

En 2017, l’aventure est pourtant réputée prendre fin. “On lit souvent que le GUD a été dissous par le gouvernement, mais c’est faux. Il s’est autodissous à la suite d’un certain nombre de bisbilles internes entre les principaux dirigeants”, raconte Jean-Yves Camus.

Il n’y a qu’à relire l’affaire du passage à tabac d’Édouard Klein, racontée par Mediapart, pour s’en convaincre.

Mais le GUD n’est pas mort pour autant. Quelques mois plus tard, apparaît à Paris un nouveau groupuscule d’ultradroite : les Zouaves.

“Il y a une parenté. La date de fondation des Zouaves correspond presque à la date de dissolution du GUD. Il y a une partie des anciens du GUD qui sont partis chez les Zouaves”, explique Jean-Yves Camus qui émet une hypothèse sur l’origine de ce nom. “Les Zouaves désignait une unité militaire créée dans les années 1940 pour aller combattre l’Algérie. Il y a aussi une expression française qui consiste à dire ‘faire le zouave’ et qui veut aussi un peu dire ‘les mauvais garçons’.”

Ce nouveau groupe a été dissous en décembre dernier par le gouvernement qui craignait des passages à l’acte violents à quelques mois des élections présidentielles.

Une dizaine d’individus

Y avait-il vraiment lieu de s’inquiéter ? Pour les deux experts que nous avons interrogés, il y a bien longtemps que la célèbre organisation étudiante d’extrême droite a été réduite à peau de chagrin.

“Le GUD, ça n’a jamais été que des poignées très motivées, très mobilisées. Ce sont des gens capables de se déplacer pour faire croire qu’ils sont plus nombreux. On va dans une ville à côté, on fait une bagarre et ça donne l’impression qu’on est très actifs et très nombreux. Mais ça n’a jamais été que quelques dizaines de personnes”, assure Nicolas Lebourg.

Un chiffre que confirme Jean-Yves Camus. Quant à savoir ce qu’il reste de leurs liens avec le Rassemblement national, là aussi, nos deux spécialistes s’accordent.

“Très longtemps, les Gudards participaient du Front national et de la jeunesse. Ils avaient des liens avec eux, parfois c’était leur service d’ordre quand il fallait faire des opérations coup de poing contre des manifestants de gauche”, se souvient Nicolas Lebourg, et d’ajouter qu’aujourd’hui les liens sont très distendus.

Marine Le Pen n’a pas intérêt à s’encombrer de gens pareils. Oui, elle a été proche de deux anciens dirigeant du GUD à savoir Frédéric Chatillon et Axel Loustau mais maintenant, il n’y a plus de lien”, assure Jean-Yves Camus pour lequel la population actuelle du GUD n’a rien à voir avec les membres des années 1970.

“Entre le niveau intellectuel des anciens dirigeants du GUD qui ont tous fait quelque chose de leur vie – avocat, magistrat, carrière politique, chef d’entreprise – et le niveau d’un Loïk Le Priol, il y a un abîme”, conclut-il.

Pour autant, depuis 2017, “6 projets de passage à l’acte à l’extrême droite” ont été déjoués, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.