La proposition de loi relative à la sécurité globale continue d’inquiéter ses opposants. L’article qui cristallise les craintes de nombreux journalistes, défenseurs des droits et citoyens est le vingt-quatrième car beaucoup craignent que son adoption ne donne lieu à de multiples procédures bâillons, des arrestations, notamment lors des manifestations, et n’empêche la dénonciation de potentielles violences policières.
Celui-ci propose de punir d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende “le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale autre que son numéro d’identification individuel lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police”.
Le ministre de l’Intérieur, qui soutient ardemment cette proposition de loi dans les médias, a réagi ce vendredi, alors qu’il était invité sur France Info. Cet article “vise effectivement à ne pas jeter en pâture les policiers et les gendarmes qui font un travail extrêmement difficile”, a-t-il dit. Avant d’assurer : “Mais les journalistes pourront toujours évidemment filmer toute intervention de police.”
Et Gérald Darmanin d’arguer :
“Il y a aujourd’hui des policiers, des gendarmes qui sont constamment menacés dans leur vie personnelle, des appels au viol sur des policières ou des gendarmes qui font des interventions, par exemple, des policiers qui sont reconnus parce que leur image a été diffusée.”
Flou autour du floutage
Les défenseurs de cette proposition de loi assurent depuis plusieurs jours qu’il ne sera pas interdit de filmer ou de diffuser et que cette interdiction de diffusion doit être accompagnée du “but qu’il soit porté atteinte à [l’] intégrité physique ou psychique” du policier ou du gendarme. Sauf qu’à écouter le ministre ce matin, la volonté est légèrement différente. À une question sur le droit à la diffusion, il a répondu :
“Vous aurez le droit de le filmer et de le transmettre au procureur de la République.”
L’article dispose effectivement qu’il ne peut “faire obstacle à la communication, aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu’elles diligentent, d’images et éléments d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale”.
Gérald Darmanin a ajouté ensuite : “Si vous voulez le diffuser sur Internet de façon sauvage, vous devrez flouter les visages des policiers et des gendarmes”, omettant la volonté de nuire. Sauf que cette obligation de floutage ne figure nulle part dans la loi. C’est Alice Thourot elle-même, députée à l’origine du texte, qui le martelait pour le défendre. Le 3 novembre dernier, celle-ci écrivait dans un tweet : “Le mot floutage n’existe nulle part dans la proposition de loi, c’est la diffusion d’images à des fins malveillantes qui est punie !”
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“Gérald Darmanin persiste, signe et va plus loin encore”
En fin d’interview, il est toutefois revenu sur la question, déclarant : “Je sais qu’il n’y a pas la question du floutage dans le texte de loi tel que présenté par M. Fauvergue et Mme Thourot, donc on aura cette discussion lors d’un débat parlementaire”, indiquant à demi-mot sa volonté de durcir le texte.
Après l’intervention du ministre, le photographe David Dufresne, engagé dans la lutte contre les violences policières, a réagi sur les réseaux sociaux, déclarant : “Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin persiste, signe et va plus loin encore : c’est bien le droit des citoyens à documenter les pratiques policières qu’il remet en cause.”
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La semaine dernière, l’avocat au barreau de Paris et membre du bureau national de la Ligue des droits de l’homme, Arié Alimi, nous expliquait pourquoi il était opposé à cette proposition de loi et en particulier à cet article polémique, résumant les inquiétudes partagées par beaucoup.