La cour criminelle de Vaucluse a condamné Dominique Pelicot à la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle et a déclaré coupable l’ensemble de ses 50 coaccusés, jeudi matin à Avignon, clôturant ainsi quatre mois du procès des viols de Mazan, devenu symbole des violences faites aux femmes.
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“M. Pelicot, vous êtes déclaré coupable de viols aggravés sur la personne de Gisèle Pelicot”, a déclaré sans surprise le président de la cour, Roger Arata, à celui qui a drogué sa désormais ex-épouse Gisèle pendant une décennie aux anxiolytiques, pour en faire son objet sexuel et la livrer à des dizaines d’hommes recrutés sur Internet. Puis, là encore sans surprise, il l’a condamné à la peine maximale possible pour viols aggravés, soit 20 ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté des deux tiers, suivant ainsi la demande de l’accusation dans son réquisitoire fin novembre.
Pour les 50 coaccusés, des hommes de 27 à 74 ans dont aucun donc n’a été acquitté, le magistrat a ensuite égrené une à une les peines infligées. À 10 h 30, les condamnations allaient de trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis à 13 ans de réclusion. Fin novembre, le ministère public avait réclamé de 10 à 18 ans de réclusion contre 49 des coaccusés, jugés pour viols aggravés ou tentative de viol, et quatre ans de prison contre le dernier, poursuivi pour “attouchements” sur Gisèle Pelicot. Ces réquisitions étaient plus sévères que la moyenne des condamnations pour viols en France, qui était de 11,1 ans en 2022, selon le ministère de la Justice.
“Noël en prison, Pâques en zonzon”
“Noël en prison, Pâques en zonzon”, “la honte a changé de camp. Et la justice ?” : les collages du collectif féministe des Amazones d’Avignon, dans la nuit, résumaient la pression sur les cinq juges professionnels de la cour. “Le viol concerne des femmes du monde entier, c’est pour ça que le monde entier a les yeux sur ce qui va se passer”, a expliqué à l’AFP une représentante de ce mouvement, alors que 180 médias, dont 86 étrangers, étaient présents sur place pour couvrir l’événement.
Après trois mois et demi d’audience, la cour criminelle de Vaucluse était partie délibérer lundi matin vers 10 h 30, après avoir donné une dernière fois la parole aux 51 accusés.
Les trois enfants du couple, David, Caroline et Florian, étaient arrivés ensemble au tribunal vers 8 h 30, fendant une foule de spectateurs, militants et journalistes. Leur mère Gisèle était elle arrivée séparément et souriante, sous les bravos, un peu après 9 h, accompagnée de ses deux avocats.
Cette décision, dans un palais de justice d’Avignon sous haute protection policière, était scrutée de près, en France comme à l’étranger, tant ce procès a provoqué une onde de choc, depuis son ouverture le 2 septembre, devenant emblématique des questions autour des violences sexistes et sexuelles et plus largement des rapports hommes-femmes.
C’est “l’heure de vérité” pour le quotidien régional La Provence, Libération espérant à sa une que les juges rendront “un verdict pour l’avenir”, qui permette de rompre avec “la banalité du viol”.
Dans son réquisitoire, Laure Chabaud, l’une des deux représentantes du ministère public, avait espéré que la décision de la cour dépasse le sort de ces accusés et envoie “un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles”. À l’inverse, les avocats de la défense ont formulé une trentaine de demandes d’acquittement pour leurs clients qui, selon eux, ont été “manipulés” par le “monstre”, le “loup” ou encore “l’ogre” Dominique Pelicot. Sans succès donc.
“Merci Gisèle”
La tension était palpable dans la salle d’audience, où un important dispositif policier avait été déployé. Reconnus coupables, plusieurs des 32 accusés ayant comparu libres devraient en effet dormir jeudi soir derrière les barreaux. Prêts à cette éventualité, la plupart étaient d’ailleurs arrivés à l’audience avec un sac contenant quelques vêtements, a constaté un journaliste de l’AFP. En pleurs, l’un d’eux avait longuement étreint sa compagne avant de rentrer dans la salle.
Hors norme par sa durée, le nombre d’accusés, mais surtout l’atrocité des faits reprochés, ce procès a déjà marqué l’histoire. Dans les rangs des associations féministes et des parties civiles, l’espoir est grand de le voir faire évoluer les mentalités sur les viols, tentatives de viols et agressions sexuelles déclarés chaque année par plus de 200 000 femmes en France.
Cette affaire aura également permis d’incarner le fléau des violences sexuelles, à travers la figure de Gisèle Pelicot, qui de victime anonyme s’est muée au fil des semaines en une icône féministe exhortant les femmes “à ne plus se taire” afin que “la honte change de camp”. “Merci Gisèle”, clamait une banderole accrochée aux remparts de la vieille ville d’Avignon jeudi matin, face au tribunal.