Hier, lundi 16 mai, le conseil municipal de la ville de Grenoble a voté en faveur d’un changement de code vestimentaire dans ses piscines municipales. Si beaucoup de commentateurs ont retenu l’autorisation du port du burkini, ce n’est pas la seule évolution du règlement intérieur.
Il sera désormais aussi possible de se baigner dans les piscines municipales grenobloises en… monokini. Comprenez que les baigneuses pourront aussi bien arborer un burkini qu’être seins nus dès le 1er juin. À noter que le short de bain reste interdit, “pour des raisons d’hygiène”, rappelle Madame Figaro, comme l’a également précisé Éric Piolle, maire écologiste de la ville et instigateur de cette décision, sur Twitter.
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Pour beaucoup, cette pratique est réservée à des lieux spécifiques, comme la plage ou son jardin, mais que dit la loi en la manière ? Pas grand-chose, si on se fie à l’article 222-32 du Code pénal, qui dispose : “L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.”
S’il est bien mentionné la notion de “partie dénudée du corps”, le torse féminin n’est pas clairement mis en cause par le législateur. Dans la mesure où l’article “n’énonce pas la liste des parties du corps à dissimuler, rien ne permet d’en conclure que montrer ses seins dans l’espace public constitue une infraction. Il n’y a donc rien d’illégal en principe à le faire”, explique l’avocate aux barreaux de Paris et de Madrid Valérie Duez-Ruff, interrogée par 20 minutes.
Pour autant, la place des seins dans l’espace public revient souvent dans l’actualité. On vous en a déjà parlé ici, par le prisme de l’allaitement :
Ça dépend
À chaque fois, on rejoue cette mauvaise comédie. “Couvrez ce sein que je ne saurais voir”, disait le Tartuffe de Molière. Mais, depuis plusieurs années, le tonnerre gronde : pourquoi le torse féminin est-il traité différemment du torse masculin ?
Selon Madame Figaro, la jurisprudence en la matière remonte à 1965. L’action se déroule sur la Croisette à Cannes. Une femme joue au ping-pong seins nus. Scandale. Elle est condamnée pour “outrage à la pudeur”, aujourd’hui appelé “exhibition sexuelle”. Et la Cour de cassation de blâmer “le mouvement de ses seins”.
Cela ne veut pas dire que chaque personne s’exposant topless se verra condamnée pour exhibition sexuelle. Force est de constater que l’application de cette loi est laissée à l’appréciation des juges, quitte à donner lieu à des décisions contradictoires. Si la loi fixe le cadre général, c’est le juge qui apprécie au détail.
À titre d’exemple, le tribunal correctionnel de Paris a condamné une Femen, Éloïse Bouton, à un mois de prison avec sursis et à des dommages et intérêts pour exhibition sexuelle après une action seins nus dans l’église de la Madeleine en 2013, rappelle 20 minutes. Relaxée un an plus tard en appel, elle sera finalement condamnée en cassation. Elle a depuis saisi la Cour européenne des droits de l’homme, comme le raconte Le Parisien.
Dans les grandes lignes, retenons : “C’est toléré depuis longtemps sur les plages et on n’est jamais poursuivi pour cela. On a aussi l’autorisation dans des spectacles et des lieux fermés. Pour le reste, l’appréciation se fait vraiment au cas par cas”, commente Maître Michaël Ghnassia, qui a défendu Éloïse Bouton en 2014, dans les colonnes de Madame Figaro. À terme, cette plasticité pourra peut-être jouer en la faveur des femmes.
Ainsi, dans de nombreux lieux publics, c’est le règlement intérieur qui autorise la poitrine dénudée ou non, ce qui nous ramène à la décision prise hier par la municipalité de Grenoble. À noter qu’elle emboîte ainsi le pas à Malmö en Suède, ou encore Göttingen en Allemagne.