Deux pas en retrait, il a fidèlement accompagné la reine Elizabeth pendant plus de 73 ans. Loin de s’effacer, le prince Philip, décédé vendredi peu avant son centième anniversaire, était resté impétueux, malgré le sacrifice de sa carrière et les lourdeurs du protocole. Le duc d’Édimbourg, grand amour de la souveraine, s’est éteint “paisiblement” au château de Windsor, quelques semaines seulement après une hospitalisation d’un mois à Londres pour une infection et un problème cardiaque préexistant.
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“Mon premier, second et ultime emploi est de ne jamais laisser tomber la reine”, avait-il confié à son secrétaire particulier, Michael Parker, juste après son mariage, en 1947. Un dévouement auquel Elizabeth II avait rendu hommage, confiant publiquement qu’il avait été sa “force” et son “soutien”. Pourtant, le prince Philip s’est longtemps heurté aux arcanes policés de la famille royale britannique, avec son tempérament autoritaire mais aussi ses remarques douteuses, voire racistes.
Carrière militaire avortée
Philip est né à Corfou le 10 juin 1921, avec les titres de prince de Grèce et du Danemark. À 18 mois, son oncle, roi de Grèce, est contraint d’abdiquer et son père est banni du pays après la guerre gréco-turque. Avec ses parents et ses quatre sœurs, Philip fuit à bord d’un navire de l’armée britannique. C’est le début d’une enfance solitaire et agitée entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Sa mère, dépressive, est hospitalisée, puis entre dans les ordres, tandis que son père part s’installer à Monaco. Philip, lui, est finalement envoyé en Écosse pour suivre sa scolarité dans un pensionnat austère. Il ne reverra sa famille qu’en de rares occasions. À partir de 1939, il fait ses classes dans l’armée britannique, au Royal Naval College de Dartmouth (sud de l’Angleterre). Il y découvre sa vocation et y rencontre pour la première fois la princesse Elizabeth. Il a 18 ans, elle en a 13 et tombe sous le charme du militaire.
Il sert dans la marine pendant la Seconde Guerre mondiale. Il se distingue rapidement et devient l’un des plus jeunes lieutenants de la Royal Navy, promis à une brillante carrière. Il se fiance après la guerre à Elizabeth. Philip est d’abord vu d’un mauvais œil par les membres de sa belle-famille. “Ils le considéraient comme brutal, sans éducation et estimaient qu’il serait probablement infidèle”, a révélé Alan Lascelles, secrétaire personnel du roi Georges VI, mais “Lilibet” l’adore et leur union est célébrée le 20 novembre 1947.
Philip doit renoncer aux titres qu’il avait reçus à la naissance mais devient duc d’Édimbourg. Il obtient la nationalité britannique et adopte le nom – anglicisé – de sa mère, Mountbatten. En 1952, la mort du roi George VI propulse Elizabeth sur le trône. Au cours de la cérémonie de couronnement, il fait le serment d’être “l’homme lige” de la reine et devient à jamais le second de son épouse.
Il est contraint de mettre un terme à sa carrière militaire, un déchirement. “C’était frustrant, je venais d’être promu commandant. La partie la plus intéressante de ma carrière navale venait seulement de commencer”, reconnaîtra-t-il plus tard.
Pragmatique
“Je ne sais pas combien de temps il va tenir, il est comme refoulé”, dira l’ex-roi de Yougoslavie. Animé par un grand sens du devoir, le prince Philip s’investit dans son nouveau rôle, jusqu’à devenir parrain de plus de 780 organisations, assumant notamment la présidence du WWF pendant quinze ans. Il se construit une triste réputation à coups de remarques douteuses, voire racistes.
Chef de famille quand son épouse est cheffe d’État, il entretient une relation notoirement compliquée avec l’aîné de ses quatre enfants, le prince Charles, souvent interprétée comme une conséquence de sa propre enfance, dénuée d’affection parentale. “Charles est un romantique, je suis un pragmatique”, concède-t-il à son biographe Gyles Brandreth. “Cela signifie que nous voyons les choses différemment.”
La famille royale lui sait gré de son infatigable engagement en faveur de la monarchie. “Il est incroyable. Il a été présent toutes ces années, c’est notre roc”, avait salué sa petite-fille, la princesse Eugenie. Détenteur du record de longévité des conjoints des souverains au Royaume-Uni, le prince Philip avait pris sa retraite publique en 2017, à l’âge de 96 ans, après avoir honoré son 22 219e et dernier engagement solo : passer en revue une parade des Royal Marines, dont il était le général en chef.
En janvier 2019, la Land Rover qu’il conduisait avait percuté un autre véhicule en sortant d’une allée du domaine de Sandringham et s’était renversée. Sorti indemne de l’accident, il avait renoncé à conduire.
Konbini news avec AFP