Des tenues de couleurs vives, un chapeau assorti et une paire de gants immaculés : le look de la reine Elizabeth II était reconnaissable entre tous, reflet d’une mode très personnelle qu’elle s’était créée pour incarner sa fonction. Au cours de ses 70 ans de règne, Sa Majesté semble avoir testé toutes les teintes du nuancier, du jaune poussin au vert fluo en passant par le fuchsia ou le bleu roi.
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Un style inimitable qu’elle s’est progressivement forgé, avec l’aide de couturiers et conseillers attitrés. Le premier, Norman Hartnell, avait réalisé l’une de ses tenues les plus emblématiques, sa robe de mariée. En soie ivoire, brodée de 10 000 perles et constellée de cristaux, elle avait ébloui les Britanniques tout juste sortis de la Seconde Guerre mondiale. Norman Hartnell avait aussi réalisé la robe en soie qu’elle portait lors de son couronnement en 1953.
Il a raconté qu’il s’était inspiré “du ciel, de la terre, du soleil, de la lune, des étoiles et de tout ce qui pouvait être brodé sur une robe destinée à être historique”.
“Confectionner des vêtements pour la reine n’est pas tâche facile”, a un jour confié Hardy Amies, couturier officiel de la reine de 1955 à 1990, créateur de l’ensemble rose qu’elle portait lors de son jubilé d’argent en 1977.
C’est une femme, Angela Kelly, qui a veillé pendant plus de deux décennies à ce que la reine soit toujours parfaite. Cette Anglaise de Liverpool d’origine modeste est entrée dans l’équipe d’habilleuses d’Elizabeth II en 1993 et est devenue sa styliste personnelle en 2002. Pendant le confinement, Mme Kelly a elle-même coupé les cheveux de la monarque, a-t-elle raconté dans un livre autorisé par le palais de Buckingham.
Si Sa Majesté était une cliente fidèle, la conseiller n’était pas tâche aisée. Le “dress code” royal obéit en effet à des règles précises, attention au faux pas ! “Il n’y a pas de règles écrites, mais il y a ‘l’étiquette’ et le protocole”, a expliqué Grant Harrold, ancien majordome de la famille royale, à l’AFP. Impossible ainsi de voir la monarque porter des collants noirs ou du vernis à ongles rouge. Elle ne sortait qu’en collants de couleur chair. Quant au vernis, il se devait d’être rose très pâle, jugé plus élégant.
“Des couleurs vives qui visent à s’assurer qu’elle est facilement reconnaissable lors des grandes occasions”
Côté garde-robe, “jamais de jupe au-dessus du genou”, relève M. Harrold. Pour les bijoux, elle optait volontiers pour une broche ou un collier de perles, de préférence à trois rangs.
Si la reine a perpétué des traditions un peu désuètes, sortant rarement sans chapeau, certaines de ses habitudes, comme le port de gants été comme hiver avaient aussi un côté “pratique”, souligne Grant Harrold : il s’agissait de “veiller à ne pas attraper de microbes ou de rhume” lorsqu’elle serrait les mains de ses sujets.
Mais la principale caractéristique de son style, c’était son choix des couleurs, destiné à repérer rapidement la monarque d’1 m 63.
“La reine est bien connue pour ses tenues unies de couleurs vives qui visent à s’assurer qu’elle est facilement reconnaissable lors des grandes occasions”, expliquait en 2016 Caroline de Guitaut, curatrice d’une exposition consacrée aux tenues d’Elizabeth II.
En week-end dans une de ses résidences de campagne, la reine laissait volontiers le chapeau au vestiaire pour un simple foulard, un kilt et une paire de bottes. Mais lors de ses engagements officiels, Sa Majesté était une adepte du “color-block” : une même couleur, des pieds à la tête.
Pour Michele Clapton, costumière de la série The Crown, c’était comme “un uniforme, une armure”. “Elle peut être dans son jardin avec ses corgis puis, l’instant suivant, apparaître en tailleur, chapeau et gants”, remarquait la costumière dans une interview à Vogue en 2016.
Sa garde-robe était parfois un moyen de faire passer des messages, en arborant par exemple un trèfle irlandais ou une feuille d’érable canadienne lors d’une visite officielle, façon subtile d’honorer ses hôtes.
La rumeur prétendait qu’elle se servait de son inséparable sac Launer, dont elle aurait eu plus de 200 exemplaires, pour envoyer des signaux secrets à son équipe.
Pour travailler au service de la reine, la discrétion était évidemment de mise, comme l’a appris à ses dépens Rigby & Peller, un fabricant de soutiens-gorge haut de gamme qui a perdu en 2018 son statut de fournisseur officiel d’Elizabeth II pour avoir révélé les dessous de la lingerie royale.
Première ambassadrice de la mode britannique, Elizabeth II n’a assisté à sa première Fashion Week, celle de Londres, qu’en 2018. Elle avait à cette occasion remis le premier “prix Elizabeth II de la mode”, une récompense ensuite décernée tous les ans à un nouveau talent du secteur. Vêtue d’un ensemble bleu clair en tweed, la reine avait éclipsé la papesse de la mode, Anna Wintour, assise à ses côtés.