Les sondages et études d’opinion occupent une place importante dans le débat public depuis une vingtaine d’années, notamment dans un contexte politique où ces études peuvent devenir décisives à l’approche des campagnes électorales, déterminant l’importance octroyée aux candidats.
Grand reporter au Monde, Luc Bronner a mené une enquête, lors de laquelle il a passé près d’un mois et demi à s’infiltrer, sous une dizaine d’identités fictives, au sein des plus grands noms d’instituts de sondages en France. Après avoir répondu à presque 300 sondages sur des thématiques diverses et variées, Luc Bronner livre ce qu’il a pu en déduire.
Plusieurs questions l’ont mené à la réalisation de cette enquête : qui se cache derrière ces sociétés de sondages ? Qui peut devenir panéliste et répondre aux sondages d’opinion ? Est-ce que les identités des participants sont vérifiées par les instituts de sondages ?
Société marketing, panélistes et méthodes d’enquête
Des “instituts” qui sont en réalité des sociétés marketing répondant à des commandes d’entreprises. Celles-ci offrent une rémunération dérisoire à ceux qui acceptent de répondre à des questions et donner leurs opinions sur des sujets variés.
L’achat de panélistes entre sociétés concurrentes, par exemple, est fréquent selon Luc Bronner. “Ça démontre qu’on est sur une démarche marketing et absolument pas une démarche scientifique”, explique-t-il, précisant néanmoins que ces sondages se révèlent pratiques pour les médias dans la production de l’information et l’animation du débat public.
Tout le monde peut être panéliste. Les plus grands instituts en comptent entre 100 000 et plusieurs millions. Une facilité d’accès qui soulève l’interrogation de la vérification de l’identité des sondés, ainsi que la véracité de leurs réponses. Luc Bronner précise que ces sociétés “ont des moyens de contrôle sur la concentration des répondants, sur la nature des réponses, mais c’est évidemment très compliqué pour eux de contrôler la réalité de ce que déclarent les panélistes”.
Les sondages politiques ont, quant à eux, une influence sur le temps de parole des candidats sur les chaînes et radios d’information. Il y a néanmoins des ratés. Par exemple, pour l’élection présidentielle de 2002, les instituts n’avaient pas perçu la poussée de Jean-Marie Le Pen, passant par une autre méthode d’enquête qu’on appelle le “face-à-face”. Selon Luc Bronner, “il y avait à l’époque une sous-déclaration du vote d’extrême droite quand on posait la question aux Français via les sondages en face-à-face”.
Luc Bronner clôture cette enquête avec l’affirmation que ces différentes méthodes de sondage présentent des limites considérables.