La COP26 va s’ouvrir à Glasgow (Écosse) le 1er novembre prochain, en présence des 197 participants ayant signé la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Six ans après la COP21 et les accords de Paris, le sommet apparaît comme décisif dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de la biodiversité. On fait le point avec Pierre Cannet, directeur du plaidoyer de l’association WWF.
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La COP26, c’est quoi ?
“Une COP, c’est un peu comme une assemblée générale de copropriétaires d’une même maison qui est la planète Terre” explique Pierre Cannet. En somme, chaque État participant à une COP arrive avec sa propre souveraineté, et doit œuvrer pour s’entendre avec les autres pays, peu importe son niveau d’engagement ou ses ressources financières. Le nom de COP26 signifie que c’est la 26e “Conférence des Parties”, désignant les signataires de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Par le passé, certaines COP ont été marquantes, comme la COP3 de Kyoto en 1997, la COP15 de Copenhague en 2009, mais surtout la COP21 de Paris en 2015. Lors de la dernière édition accueillie par la France a été signé l’Accord de Paris, traité historique qui pose les nouvelles bases des négociations en matière de climat, et qui prend le relais du protocole de Kyoto. Pour les pays ayant signé l’Accord de Paris, c’est un engagement à maintenir la température mondiale en dessous des 2°C par rapport à l’époque préindustrielle et de préférence à 1,5°C. La COP26 est donc l’occasion de faire le bilan des dernières années, et des engagements pris par les États.
Quels sont les enjeux de cette édition ?
“C’est la première COP à l’échéance sur ce qui a été mis en œuvre pour respecter l’Accord de Paris” insiste Pierre Cannet. Après des années de négociation pour en venir à cet accord ratifié par une grande partie des État, il est l’heure de passer aux actes. WWF parle même d’une “COP de rattrapage”, au vu du manque d’actes d’un certain nombre d’États. Malgré les deux années de Covid-19, les relations diplomatiques complexes voire les conflits entre pays, ou même l’ego de certains leaders (on pense aux positions climatosceptiques de Donald Trump lors de son mandat), l’Accord de Paris devrait être au centre des discussions. “C’est un signal d’espoir : aucun pays n’a réussi à affaiblir cet accord, les règles du jeu sont claires, cela va permettre de structurer les débats et les engagements” soutient Pierre Cannet de WWF.
Mais surtout, c’est une COP26 sous le signe de l’urgence climatique qui s’ouvre : la planète Terre brûle, et il faut prendre des actions concrètes. “C’est une COP cruciale car nous rentrons dans une décennie décisive” soutient WWF. En effet, les trois dernières années ont prouvé l’urgence climatique qui attend l’humanité : incendies monstres, inondations, dôme de chaleur, ouragans et tempêtes, sécheresse… Selon le plus récent rapport de l’Organisation météorologique mondiale, le nombre de catastrophes naturelles a été multiplié par cinq au cours des 50 dernières années, et celles-ci ne cessent de battre des records d’intensité.
De plus, le dernier rapport du GIEC laissait présager des scénarios inquiétants, notamment concernant une montée des mers et océans, mais également une augmentation de la température mondiale de +1,5 °C ou +1,6 °C par rapport à l’ère préindustrielle autour de 2030, soit dix ans plus tôt que la précédente estimation du GIEC, trois ans auparavant. Une urgence mise en exergue par l’ONU, qui dévoilait une campagne choc, à quelques jours de l’ouverture de la COP26, dans laquelle un dinosaure déboule à l’Assemblée générale des Nations unies et prend la parole pour appeler les diplomates à ne pas “choisir l’extinction”.
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Que s’est-il passé depuis la COP21 ?
Si l’Accord de Paris a été ratifié il y a cinq ans, quel est le bilan de ces dernières années ? Selon Pierre Cannet, il y a tout de même des avancées : “Depuis 5 ans, il y a de plus en plus d’États qui se sont engagés sur la voie de la neutralité carbone d’ici 2050”. Un monde avec presque aucune émission de gaz à effets de serre ? C’est peut-être bientôt possible. Cependant, selon WWF, les progrès sont tout de même insuffisants. “En 5 ans, on n’a pas été capable de changer notre modèle d’économie et de société pour réduire à moins de deux degrés la progression du réchauffement climatique. Les engagements pris les États n’ont pas été suffisants” pointe Pierre Cannet.
Notamment, les plans de relance économiques à la suite de la crise du Covid-19 sont en total décalage avec l’Accord de Paris selon les associations écologistes. Durant cette COP26, la priorité sera alors au rattrapage, et aux actions concrètes. Ainsi, l’Accord de Paris contenait les contributions nationales déterminées, c’est-à-dire les engagements chiffrés et publics des États pour réduire leurs émissions de gaz à effets de serres d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone mondiale en 2050, condition obligatoire pour parvenir au 1,5°C de réchauffement. Ces actions et leur bilan en 2021 ont été rendus publics, y compris par la Chine, ce qui constitue une première historique.
Viendra la question des financements : les pays plus riches (comme la France ou les États-Unis), doivent soutenir financièrement les pays en voie de développement dans la lutte contre le réchauffement climatique et ses effets. En 2009 à Copenhague, les pays riches ont convenu de donner 100 milliards de dollars par an, à partir de 2020, à l’action climatique des pays pauvres qui polluent peu. Sauf que 10 ans après la promesse, les calculs ne sont pas bons : l’OCDE a ainsi déclaré que “le total des financements climatiques fournis par les pays développés en faveur des pays en développement s’est élevé à 79,6 milliards de dollars”. Un manque de 20 milliards de dollars qui handicape les pays en développement.
Quel rôle particulier doit jouer la France lors de ce sommet ?
Emmanuel Macron sera présent dès la cérémonie d’ouverture de la COP26 de Glasgow, et pour cause : la France se doit d’être exemplaire puisqu’elle prendra la présidence du Conseil Européen en 2022. L’Union européenne a convenu d’une réduction de 55 % de ses émissions de gaz à effets de serre sur le continent, et la France doit démontrer la mise en œuvre de cet objectif. “L’enjeu pour la France, c’est d’aller encore plus loin sur la décarbonisation” explique Pierre Cannet. De fait, l’État français a été condamné ce mois d’octobre par la justice à “réparer” les conséquences de ses engagements non tenus en matière de lutte contre le réchauffement. En 2019, sous le nom de “l’Affaire du siècle”, quatre ONG ont porté plainte contre l’État français devant le tribunal administratif de Paris, dénonçant le non-respect par la France de ses propres engagements en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Notamment, la COP26 serait l’occasion pour Emmanuel Macron de s’engager sur la question des aides publiques dommageables pour la nature et le climat, comme par exemple le soutien financier aux énergies fossiles. “La question, c’est comment on sort de ces financements qui à terme, vont augmenter la température mondiale et faire du mal au climat et à la biodiversité ?” interroge Pierre Cannet. Les associations et militants écologistes attendent des annonces et des engagements de la part du Président de la République.
Selon les associations, quelles sont les priorités pour cette COP26 ?
Pour Pierre Cannet de WWF, la COP26 est celle du rattrapage. Ainsi, selon lui, l’action climatique doit être accélérée : “Il faut aller plus loin sur les actions engagées, sur les financements envers les pays en voie de développement, et sur la manière dont chaque État oriente ses aides financières vers des industries et actions durables” détaille-t-il. Les enjeux sont hauts pour ce sommet international et Pierre Cannet s’en félicite. Il y voit aussi l’espoir de changer les choses : “Progressivement, nature et climat font partie d’un même agenda, et cette convergence veut dire changer de modèle et de système pour préserver la biodiversité et le climat”. La COP26 se tiendra à Glasgow jusqu’au 12 novembre 2021.