Ce témoignage a été écrit dans le cadre d’ateliers menés par les journalistes de la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média qui accompagne des jeunes à l’écriture pour qu’ils et elles racontent leurs réalités quotidiennes.
À voir aussi sur Konbini
Lorsque j’ai quitté ma famille pour la première fois, la séparation a duré sept ans. J’avais 13 ans et j’étais en classe de sixième. Mes parents m’ont annoncé que j’allais partir en vacances au bled avec mon père. Au début, ils m’ont dit que j’allais rester un peu, mais je ne savais pas combien de temps. J’étais contente. On est partis au Sénégal.
Ce n’était pas prévu, mais mon père est parti et je suis restée avec ma famille sur place. Mes parents ont voulu que je reste pour connaître ma famille, mes cultures et pour apprendre leur langue natale. Au début, j’étais triste, puis je me suis dit que j’allais découvrir des choses et que ça serait peut-être sympa. Même si je savais que ça serait difficile, je voulais avoir le courage de vivre loin de ma famille.
Découvrir ma deuxième culture
J’ai été accueillie chez plusieurs membres de ma famille sénégalaise. Ils étaient très sociables et accueillants. Ils t’avertissent quand tu fais quelque chose de pas bien, ils te conseillent… Ils m’ont éduquée comme mes parents, même si c’était dur de ne pas les voir. J’étais très contente d’appeler ma famille en France. Ils m’envoyaient de l’argent et je n’avais aucun problème. Mais ce n’était pas pareil que quand je vivais avec eux. Niveau affection, j’étais un peu perdue.
Ma famille sénégalaise m’a appris plusieurs activités manuelles, comme faire des tresses africaines ou cuisiner des spécialités. J’étais curieuse de la langue et de plein de choses. Je voulais tout connaître. J’ai commencé par apprendre leur langue, le wolof, en cinq mois. Au début, je ne comprenais rien, et les gens rigolaient à cause de mon accent français. Même aujourd’hui, ils entendent direct que je ne suis pas de là-bas.
À force de parler wolof, je perdais mon français. Alors, avec certaines personnes, je ne parlais que français pour ne pas qu’il se détériore trop. Je lisais le dictionnaire aussi, pour ne pas oublier les mots et pour ne pas perdre le niveau. J’étais à Dakar, une ville plutôt peuplée et resplendissante. Je me suis intéressée à l’histoire de l’esclavage et de la colonisation. Par exemple, j’ai appris que Dakar n’a pas toujours été la capitale du Sénégal, qu’avant c’était Saint-Louis, quand le pays était une colonie française.
Une transmission de valeurs
On vivait dans la solidarité et la paix. Il y avait beaucoup de mariages et de baptêmes. Les cérémonies se passaient dans une ville qui s’appelle Pikine, qui regorge de cultures ancestrales, comme la spécialité culinaire du riz au poisson. C’est tellement bon, comme le poulet yassa, une autre spécialité sénégalaise. Surtout, la religion musulmane est très importante, avec ses cinq prières quotidiennes. En France, je ne priais pas. Au Sénégal, j’avais mon cahier pour apprendre à faire la prière, apprendre l’alphabet arabe et savoir lire le Coran.
Ça m’a appris beaucoup de choses que je ne connaissais pas sur l’islam. Les cinq piliers par exemple, ou le fait d’aider les gens, de partager et de toujours dire la vérité. On m’a appris à ne pas être naïve et que la politesse et le respect d’autrui passaient avant tout, en particulier envers les grandes personnes. On dit dans un proverbe africain que lorsqu’un vieil homme meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.
Au bout de sept ans, ma mère m’a dit au téléphone que j’allais bientôt rentrer en France. J’étais émue et j’avais hâte. Quand je suis revenue, à l’automne 2022, ça m’a fait bizarre. J’ai vu beaucoup de changements, mes parents avaient déménagé et j’ai dû m’adapter. À Melun, où j’ai passé mon enfance, il n’y avait plus les gens que je connaissais.
Séchoine, 20 ans, en formation, Lieusaint