Attention : cet article évoque la dépression, les troubles du comportement alimentaire et les idées suicidaires. Il est par conséquent susceptible de heurter la sensibilité de certaines personnes.
Chaque jour sur Instagram, Sindy A., mieux connue sous le nom de Sindy, ou @SindyOff, partage à ses 356 000 abonnés son quotidien, de son combat féministe à ses derniers coups de cœur musicaux, en passant par des photos de Ramses et Rio, ses chats. Elle revient tout juste de Barcelone, où elle était en déplacement pour assister au festival Primavera Sound. Elle est aujourd’hui rayonnante et radieuse. Mais derrière cette façade de rêve, ces derniers mois n’ont pas été de tout repos, loin de là.
Car de septembre à mars dernier, la jeune chanteuse, anciennement membre de la Team BS avec la Fouine, Sultan et Fababy, a vécu un véritable enfer. “C’était horrible”, souffle-t-elle, ajoutant : “J’irais même plus loin, c’était vraiment, vraiment ghetto. La torpeur. C’était noir, sombre, d’une intensité que je n’avais alors jamais connue.”
Et elle ne l’a pas caché à son audience, afin de montrer que ce mal n’épargne personne : “Si tu regardes mon Instagram, tu te dis ‘la go a zéro problème dans sa vie’, mais je veux que ceux qui passent par là comprennent que ce n’est pas honteux, que ça peut arriver à tout le monde.”
Cette influenceuse de 26 ans, sortie depuis près de deux mois d’un épisode dépressif sévère, a accepté de se confier auprès de Konbini news au sujet de cette maladie très répandue : d’après Santé Publique France, pas moins de 264 millions de personnes seraient atteintes de troubles dépressifs dans le monde. Elle nous raconte, sans tabou ni détour, son parcours de combattante pour s’en sortir.
“Un très, très sale mélange”
“Je me suis vue mourir doucement.” Pour comprendre ce qui a entraîné Sindy dans pareil abysse, il faut remonter le temps. En septembre dernier exactement, lorsque nous la rencontrions pour la première fois. À l’époque, la jeune femme vit un cyberharcèlement d’une violence inouïe. Après avoir choisi de s’exprimer sur sa chaîne YouTube sur les violences sexuelles qu’elle a subies plus jeune, elle reçoit des messages anonymes très crus et insultants, d’une brutalité sans égal. Elle s’exprimait au sujet de ce cyberharcèlement dans une interview pour Konbini news :
Quand le glissement a-t-il opéré ? “J’ai un terrain pour la dépression qui est relativement préparé, dans le sens où j’avais déjà fait une dépression en 2017”, explique-t-elle, ajoutant : “D’après mes proches, cela faisait de longs mois que ça n’allait pas. Mais moi, je l’ai pas vraiment vu venir. Le déclencheur du mois de septembre, c’est une combinaison de plusieurs événements : j’ai enchaîné un cambriolage, une agression sexuelle, et le cyberharcèlement qui a réveillé des traumatismes. Ça a fait un très, très sale mélange.”
Au début, Sindy, dans le déni, ne se rend pas compte qu’elle sombre : “Tu forces, tu forces, tu tires sur la corde et ça a commencé par un burn-out. J’ai fait deux, trois ‘mental breakdowns’ où je m’effondrais et je ne me sentais capable de rien, puis un jour, en plein tournage, j’ai appelé mon agent en larmes en lui disant : ‘je ne peux plus, je n’arrive pas’.”
“Qu’est-ce que je fous là ?”, “Pourquoi on est sur Terre ?”
En arrêt maladie, elle ne travaille plus durant six mois : “j’en étais absolument incapable”, se remémore-t-elle. Durant cette période, les journées se suivent et, malheureusement, se ressemblent. Des questions existentielles se bousculent dans sa tête : “Qu’est-ce que je fous là ?”, “Pourquoi on est sur Terre ?” Des interrogations qui aboutissent à cette conclusion désespérée : “De toute façon, on va tous crever, donc ça sert à rien.”
Les réveils sont chaque jour plus violents que la veille : “Je me réveillais le matin et je pleurais déjà en me disant : ‘mais pourquoi je me réveille ? Encore une journée, là, vraiment ? Il faut recommencer ?’.” À cela s’ajoute l’angoisse des problèmes financiers puisque, travail d’influenceuse oblige : plus d’activité, plus de revenus.
Elle n’a plus goût à rien, même à ce qui, auparavant, lui aurait procuré beaucoup de bonheur : elle ne parvient plus à écrire, ni même à écouter de musique, qui est pourtant la passion qui l’anime depuis l’enfance. Et c’est la descente aux enfers. “La décadence”, selon Sindy. Elle s’isole, ne fait plus rien, et cesse de s’alimenter : “En décembre, il y avait des journées où j’arrivais à manger une demi-clémentine, c’est tout.”
Lorsque sa mère et quelques amis viennent lui rendre visite, ils s’effondrent en découvrant leur fille et amie amaigrie et “plus capable de rien”, selon ses dires. Une hospitalisation de la jeune femme, qui a perdu près de douze kilos, — “et j’étais déjà une crevette”, précise-t-elle —, est alors envisagée.
“C’est difficile de se voir presque morte”
“Je suis passée d’un 36/38 à un 32/34 sans même m’en apercevoir.” Le jour où elle se rend compte de l’état de son corps, c’est déjà trop tard :
“À un moment donné, tu sors de ta douche et tu vois des ossements que t’avais jamais vus, mes épaules étaient saillantes, j’avais presque plus de poitrine, c’était des os puis des seins, c’était cheum de ouf. C’est très compliqué parce que tu vois que t’es marquée, cernée alors que tu ne fais strictement rien, puisque tu n’es capable de rien.
Je me souviens aussi d’être sortie de la douche et d’avoir découvert une grosse plaque rouge sous mon aisselle jusqu’à mon nombril en passant par mon dos, j’ai découvert le psoriasis à ce moment-là. L’image la plus difficile, c’est de te laver les cheveux et de te rendre compte qu’après chaque douche, et déjà, tu n’en prends pas beaucoup, on ne va pas se mentir, parce que c’est un effort surhumain de prendre une douche quand tu es malade, c’est de voir qu’à chaque fois, la baignoire est bouchée, tu dois enlever des masses de cheveux spectaculaires.”
“Je ne te mens pas, c’est difficile de se voir presque morte”, confesse-t-elle, ajoutant : “Tu t’en rends compte, c’est trop tard. En montant sur la balance chez le médecin, j’ai vu 42 s’afficher, j’ai cru que c’était une blague, je me suis dit : ‘non, mais y a un problème, c’est pas possible’.”
À Noël dernier, elle se filme et déclare, face à un miroir, comme une promesse à elle-même, mais prenant la caméra pour témoin : “Nous sommes le 24 décembre 2021, et je ne veux plus jamais me voir comme ça.” Sindy devra par la suite prendre un traitement de renutrition, “les boissons qu’on donne aux gens dénutris, ou aux vieux en Ehpad, quoi”, se désole-t-elle.
“Si je dois me pendre, faut que je le fasse dans cet endroit précis de la maison”
Après avoir décidé toute seule d’arrêter son traitement en novembre, Sindy décide de le reprendre en février dernier, après avoir pensé à se faire hospitaliser : “J’ai vu que sans ça, j’étais en train de crever, j’avais des idées très suicidaires.” Elle accepte de se confier : “Pour te dire, je venais d’emménager dans une nouvelle maison et je me suis surprise un jour à me dire : ‘si je dois me pendre, faut que je le fasse dans cet endroit précis de la maison à tel moment’, tu sais ?” Elle raconte avoir ensuite “été saisie d’un énorme frisson et d’un haut-le-cœur” et s’être dit : “Mais meuf, tu peux pas penser à ça, c’est pas normal, c’est grave là.”
12 h 24, le 17 février 2022 : dans son journal, Sindy écrit : “Pas foufou aujourd’hui, comme d’hab. Je ne vois toujours pas d’amélioration dans ma vie. Je suis toujours triste, je ne sais pas quelle est la solution. Je ne sais pas ce que je fous ici.” Le lendemain, peu avant 18 heures, on peut lire : “Cela fait une semaine que je n’ai rien fait, mais alors vraiment RIEN. Je n’ai vu personne et à part ma mère et ma grand-mère, je n’ai eu personne au téléphone.” L’isolement de Sindy est à son paroxysme.
“Tu te vois avancer, si tu savais quelle fierté ça procure !”
Un psychiatre lui prescrit à nouveau un traitement. Très vite, elle dit avoir “senti une différence” : “il fonctionne très bien sur moi et je suis sortie de mon état sévère.” Elle remonte la pente progressivement. Selon la jeune femme, sa guérison, elle la doit à ces médicaments mais également à sa force mentale :
“J’ai accepté de faire une sortie, plus une sortie, plus une sortie, plus une sortie… Et petit à petit, tu observes que ton cerveau se remet en place, que tu es de plus en plus à l’aise hors de chez toi, tu retrouves tes repères.
Ce qui m’a aidée aussi, c’était de me lancer des petits challenges. Par exemple j’ai participé à un casting pour une école de chant. Durant l’audition, je tremblais de tout mon long, mais je l’ai fait. Réussir à ressortir seule, aller au ciné, finir son assiette au restaurant, ce sont des minitrucs, mais tu te vois avancer et si tu savais quelle fierté ça procure !”
Sur son long chemin pour aller mieux, Sindy a également trouvé de l’aide dans les lignes d’écoute anonymes et gratuites : “J’ai passé énormément de temps au téléphone avec ce genre de numéros parce que t’as l’impression que c’est les seuls qui veulent bien t’écouter.”
“Un tout petit humain devant une énorme montagne”
Aujourd’hui rétablie, Sindy se réjouit : “En ce moment, la vie est belle, franchement ça va super bien, 10/10.” Elle sait toutefois que le chemin est encore long. Elle garde d’ailleurs encore quelques séquelles :
“Petit à petit, les stigmates disparaissent, mais au début, je n’avais plus aucune mémoire, à tel point que j’avais peur d’avoir des conversations avec des gens. Je stressais énormément de ressortir parce que je n’avais rien à dire puisque j’avais passé les six derniers mois chez moi dans le noir. T’as cette peur de te reconfronter au monde parce que tu as l’impression que t’es pas intéressante. C’est difficile, une vie vide pendant 6 mois. Et Dieu merci, mes cheveux recommencent à pousser mais à un moment, j’avais des trous dans le crâne, des pelades et ça ne poussait plus du tout. Là ça y est, ça repousse doucement.”
Elle sait aussi qu’un nouvel épisode dépressif menace de se déclarer à nouveau, alors elle s’est faite à l’idée : “Il faut accepter que, par la force des choses, c’est une maladie qui risque de revenir. Je me dis que c’est comme ça, donc je n’ai pas peur. J’espère simplement qu’à ce moment-là, je serai plus entourée, mieux soutenue.”
Car lors d’une dépression, l’entourage a souvent du mal à entourer la personne malade. “J’ai perdu pas mal de gens à ce moment-là, parce que beaucoup de gens ne sont pas capables d’accepter, ça fait fuir et ça fait peur car c’est trop dur. Certains me disaient que j’en ‘faisais trop’. Ça m’a permis de faire un sacré tri dans mes fréquentations.” Et de poursuivre :
“Même dans ma famille, certains m’ont dit : ‘t’es jeune, c’est n’importe quoi, sors de chez toi, tu peux plus continuer comme ça, on peut pas t’aider, t’es en recherche d’attention mais c’est pas comme ça qu’il faut faire’. Sauf que ça ne marche pas comme ça : ton corps et ton cerveau ne veulent plus rien faire, c’est cassé. Toutes tes fonctions cognitives sont hyper-décalées, ta motivation est inexistante, tu angoisses, tu veux te sortir de là mais t’as l’impression d’être un tout petit humain devant une énorme montagne et tu es terrifié.”
“La dépression, c’est pas juste un petit coup de mou”
Alors, que devraient faire les proches pour entourer au mieux les malades ? “Je pense qu’il n’y a pas forcément besoin de parler. C’est plus être là. Une simple présence. Affronter ça seul, te voir mourir doucement mais sûrement, parce que c’est ça, seule, c’est difficile. J’aurais juste eu besoin d’une main posée sur la mienne, de mains sur mon épaule, de caresses dans les cheveux et de ‘ça va aller, est ce que tu veux qu’on aille faire une balade ?'”
“Il ne faut pas oublier que la dépression est une maladie qui peut se solder par un suicide. Je me suis toujours dit : ‘si demain je me pends et que je réussis mon coup, y aura tout le monde en train de pleurer à l’enterrement mais je comprends pas, aujourd’hui, ils sont pas là'”, fait-elle mine de s’interroger, rappelant les événements mondiaux anxiogènes tels que la pandémie qui ont contribué à augmenter les troubles anxieux. “Il faut faire attention aux gens, vraiment”, alerte-t-elle.
Pourquoi témoigner aujourd’hui ? “Déjà, j’ai envie qu’on arrête cette stigmatisation autour de la dépression”, rétorque la jeune femme tout de go, avant de poursuivre : “C’est pas une question d’âge, d’état des lieux de la vie, d’argent, tu peux tout avoir pour être heureux, mais ton corps et ton cerveau peuvent en décider autrement. J’aimerais qu’on arrête de penser que c’est une fausse maladie, que c’est juste un petit coup de mou. Non. Quand tu perds douze kilos, c’est pas juste un petit coup de mal.”
“T’inquiète, on s’en sort”
Si elle explique avoir un temps été réticente à l’idée de se montrer si intime, elle évoque la prestation du chanteur Stromae sur TF1 et l’impact positif que celle-ci a eu sur beaucoup de personnes malades pour se décider :
“Tu vois, après son passage, le numéro a été saturé. Pareil quand j’ai évoqué mon histoire sur Instagram, j’ai reçu énormément de messages me remerciant d’en parler, me disant : ‘j’ai appelé SOS Suicide grâce à toi, je vis la même chose, ça fait plaisir de voir que tu t’en es sortie’. Au début, je ne voulais pas médiatiser cette partie de ma vie, mais maintenant que ça va mieux, je sais qu’à ce moment-là, quand tu penses qu’il n’y a pas de porte de sortie, j’aurais eu besoin d’entendre : ‘t’inquiète, on s’en sort’.”
“Je suis très fière de moi. Tu vois, tu m’aurais dit qu’en mai, j’allais faire un quart de toutes les choses que j’ai faites, je ne t’aurais jamais crue”, dit-elle, concluant avec ce mot d’ordre :“Il y a toujours un espoir. Je veux qu’on retienne ce message : même si le tunnel est long à traverser, il y a une porte de sortie, même si le désert est étendu, il y a toujours un moment où t’arrives à destination.”
Si vous en ressentez le besoin, vous pouvez contacter le 3114, numéro national de prévention du suicide, ligne anonyme et gratuite, ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.