Des scientifiques ont proposé mercredi une nouvelle théorie susceptible de résoudre deux mystères d’un seul coup, l’un tournant tous les jours autour de la Terre et l’autre concernant les entrailles de notre planète. La première énigme est l’origine de la Lune, pour laquelle la théorie la plus communément admise est son apparition après l’impact d’une planète en formation avec la future Terre il y a 4,5 milliards d’années.
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La collision avec Théia, une protoplanète de la taille de Mars, aurait propulsé une quantité suffisante de matière dans l’espace pour que son agglomération forme la Lune. Restait à trouver des restes de Théia. En regardant non pas en l’air, mais sous terre, si l’on en croit l’étude publiée dans Nature par une équipe de scientifiques d’institutions principalement américaines.
Car à 2 900 km sous la surface, deux gros “blobs” intriguent les scientifiques depuis leur découverte à l’aide d’ondes sismiques dans les années 1980. Posées au fond du manteau terrestre, la couche séparant le noyau de la Terre de sa croûte, ces masses de la taille d’un continent chacune se situent sous l’Afrique et l’océan Pacifique.
Elles sont plus chaudes et plus denses que le milieu qui les entoure. Et les simulations informatiques des chercheurs suggèrent que ces masses sont des “reliques enfouies” de Théia, qui ont pénétré dans la Terre au moment de la collision. Cette collision a été “l’événement le plus violent subi par la Terre” dans son histoire, a dit à l’AFP Qian Yuan, chercheur en géodynamique à l’Institut de technologie de Californie (Caltech) et premier auteur de l’étude. Ce qui rend “très, très étrange” qu’il n’en reste pas de trace visible, selon lui. Et ce qui a motivé sa réflexion : “Où est l’impacteur ? Ma réponse : sous la terre.”
Entre espace et géologie
La recherche a conduit les experts de deux spécialités bien distinctes, l’espace et la géologie, à collaborer. Théia a percuté la Terre, alors en formation, à plus de 36 000 km/h, une vitesse suffisante pour qu’une partie de l’impacteur pénètre “très profondément dans le manteau inférieur de la Terre”.
Ces morceaux de roche essentiellement fondue, larges de plusieurs dizaines de kilomètres, ont refroidi et, en se solidifiant, sont descendus jusqu’à la limite du manteau et du noyau terrestre, aidés en cela par une proportion plus importante d’oxyde de fer que celle du milieu terrestre, qui les a rendus plus lourds. Ils se sont accumulés en deux masses distinctes, dont chacune est plus importante que la Lune, selon M. Yuan, qui insiste par ailleurs sur le fait que ces conclusions restent le fruit de modèles et de simulations nécessairement imparfaits.
Un expert en sciences de la Terre et en exploration planétaire à l’université écossaise de Stirling a dit à l’AFP que la théorie avancée par M. Yuan “s’accorde avec plusieurs indices existants”. “C’est une trouvaille significative”, selon Christian Schroeder, qui n’a pas participé à l’étude.
Même si elle ne règle pas selon lui la question de l’origine de la Lune, cette théorie fournit “une explication crédible aux anomalies constatées à la frontière entre le manteau et le noyau”. Quant aux restes de Théia, ils pourraient bien “être responsables de processus en cours importants sur Terre”.
Les masses sont réputées acheminer des panaches du manteau, des remontées de magma, vers la surface de la croûte terrestre. Un phénomène lié à des éruptions volcaniques mais aussi à l’évolution des supercontinents. Pour M. Yuan, l’impact de Théia a “joué un rôle dans l’évolution qu’a connue la Terre sur 4,5 milliards d’années”. Et c’est ce qui, selon lui, la rendrait “unique, […] différente des autres planètes rocheuses”.