En catimini, l’Assemblée maintient l’huile de palme parmi les biocarburants

En catimini, l’Assemblée maintient l’huile de palme parmi les biocarburants

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Boris HORVAT / AFP

Furieux, les écologistes dénoncent un "non-sens écologique".

Les députés ont voté ce jeudi, sans débat, un report à 2026 de l’effacement de l’huile de palme de la liste des biocarburants. Cette décision a été aussitôt dénoncée par les associations écologistes qui fustigent “le lobbying éhonté de Total”.

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Selon l’eurodéputée Michèle Rivasi (membre d’EELV) interrogée par Konbini news : “On marche sur la tête.”

On dit qu’il faut faire attention au réchauffement climatique et à la biodiversité, on est en France avec un président de la République qui lutte contre le réchauffement climatique… C’est quand même fou ! Cet amendement remet tout en question”, conclut-elle.

L’Assemblée avait pourtant voté l’an dernier l’exclusion de l’huile de palme des biocarburants qui bénéficient d’un régime fiscal favorable. Total produit actuellement du carburant à base d’huile de palme dans la nouvelle bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), près de Marseille.

En plein examen du budget 2020, les députés ont soutenu jeudi une mesure défendue par des élus MoDem, LREM et LR des Bouches-du-Rhône en faveur d’un report à 2026 de cette sortie.

Une deuxième délibération de l’amendement est attendue

L’amendement, qui a reçu un avis favorable du gouvernement et défavorable du rapporteur général Joël Giraud (LREM), n’a pas été défendu au micro en séance et n’a pas fait l’objet de débats.

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Dans la soirée, le député François Pupponi (Libertés et territoires) a espéré une “deuxième délibération”, car la manière dont le vote s’est passé n’a “pas été correcte” selon lui.

Adeline Favrel, coordinatrice du réseau Forêt de France Nature Environnement (FNE), a affirmé à Konbini news demander également une deuxième délibération de cet amendement. Le Sénat pourrait aussi revenir sur ce vote, mais si ce n’est pas le cas, la seconde délibération “est la seule chance de revenir dessus. C’est un amendement additionnel donc il ne peut pas être révisé “.

Un amendement qui va à l’encontre des précédents engagements du gouvernement

Le 27 août 2019, Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, confiait au micro de France Inter : “On souhaite réduire ces importations d’huile de palme […]. Le sens de l’histoire est bien de réduire ces importations et, en tout cas en France, il n’y a plus d’avantage fiscal pour l’huile de palme en tant que biocarburant.”

Le 7 novembre 2019, le troisième conseil de défense écologique, présidé par Emmanuel Macron, annonce la création du premier parc national des forêts qui s’étendra sur un périmètre de près de 250 000 hectares. Le 14 novembre 2019, un amendement maintient l’huile de palme parmi les biocarburants…

France Nature Environnement, la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement, se dit scandalisée par ce “non-sens écologique”.

“Les députés de la majorité viennent de céder au lobbying éhonté de Total”

Les députés signataires expliquent dans leur amendement vouloir “laisser une période transitoire suffisante de stabilité fiscale et réglementaire aux acteurs économiques français […] dans un calendrier [de sortie] deux fois plus rapide que celui proposé par l’Union européenne”.

Un vote qui a suscité la colère des Amis de la Terre France. Selon cette association écologiste, “les députés de la majorité, avec la complicité du gouvernement, viennent de céder au lobbying éhonté de Total”, et de faire un “cadeau fiscal évalué entre 70 et 80 millions d’euros”.

“Ça a été voté en catimini, c’est scandaleux. J’imagine que Total va sabrer le champagne ce soir”, a réagi le député Matthieu Orphelin (ex-LREM), proche de Nicolas Hulot.

Total renvoie de son côté aux déclarations de son PDG Patrick Pouyanné dans le JDD fin octobre, qui veut “juste être au même niveau de compétition que nos concurrents européens qui, contrairement à nous, bénéficient d’un avantage fiscal jusqu’en 2030”.

“Une solution gagnant-gagnant serait que la France arrive à convaincre ses partenaires européens de sortir plus tôt de l’huile de palme, par exemple dans cinq ans, en 2026, et non en 2030. […] L’enjeu de Total, ce n’est pas l’huile de palme, puisque l’usine de La Mède peut fonctionner avec des huiles de colza ou de tournesol”, assurait le dirigeant.

La raffinerie d’agrocarburants de La Mède, une des plus grandes d’Europe, a démarré début juillet, employant directement 250 personnes. Selon le groupe pétrolier, la raffinerie doit traiter 650 000 tonnes d’huiles et graisses par an et s’approvisionner en huile de palme “durable et certifiée” à hauteur de 300 000 tonnes au maximum.

Son activité est régulièrement dénoncée par les militants écologistes, dont Greenpeace, qui a bloqué son accès fin octobre en l’accusant de “déforestation massive” pour produire de l’huile de palme. Greenpeace France a d’ailleurs contesté, devant le tribunal administratif de Marseille, l’autorisation préfectorale délivrée à Total pour ouvrir cette raffinerie.

Le vote du Parlement l’an dernier devait signifier la suppression de l’avantage fiscal dont bénéficiaient les carburants à base d’huile de palme, au titre de biocarburants.

Total avait tenté un recours, mais le Conseil constitutionnel a débouté le groupe pétrolier le 11 octobre dernier, en jugeant que le Parlement pouvait tout à fait supprimer cet avantage fiscal.

Konbini news avec AFP