Dans une première analyse de la délinquance en France publiée par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), les violences sexuelles seraient en hausse de 12 % par rapport à 2018, avec 54 100 faits enregistrés. Une augmentation qui avait déjà été observée l’an passé, dans le sillage du mouvement #MeToo et des campagnes en faveur de la libération de la parole des victimes.
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Parmi les violences sexuelles, les dépôts de plaintes pour viol sont en augmentation de 19 %, et de 8 % pour les autres agressions sexuelles, comme le harcèlement sexuel. Comme l’an dernier, le service statistique note que ces augmentations s’expliquent “par une évolution du comportement de dépôts de plainte des victimes“.
Pour Caroline de Haas, militante féministe au sein du collectif Nous toutes, il est important de rappeler que c’est “le nombre de plaintes qui a augmenté”. Une distinction importante puisqu’elle signifie que les violences enregistrées ne sont que celles qui ont fait l’objet d’une plainte : difficile alors de savoir le véritable chiffre de femmes victimes de violences. En effet, cette synthèse de l’Intérieur s’appuie sur des données enregistrées par la police et la gendarmerie, complétées par des statistiques issues de l’enquête annuelle de victimisation pour la mesure des dépôts de plaintes notamment, précise le SSMSI.
De fait, cette augmentation des plaintes s’expliquerait par le cumul de plusieurs facteurs : pour Caroline de Haas, la thématique des violences faites aux femmes a été beaucoup plus discutée et a fait l’objet de nombreux articles, rapports et enquêtes. Cette dynamique aurait permis une meilleure qualification de la part des victimes, facilitant le dépôt de plainte. Le ministère de l’Intérieur souligne en outre que cette augmentation des violences sexuelles enregistrées “s’inscrit dans un contexte d’amélioration des conditions d’accueil des victimes par les services“.
Où en est-on des condamnations ?
Si ces chiffres sont encourageants pour une meilleure prise en charge des victimes, les associations féministes pointent la problématique de l’étape judiciaire. Car si les plaintes augmentent, qu’en est-il des condamnations ? Une enquête de 2018 avait ainsi montré que le nombre de condamnations pour viols en France avait baissé de 40 % en dix ans, posant la question des moyens de la justice.
Pour Caroline de Haas, il faut que la justice suive derrière : “Il faut leur donner des moyens humains, mais également donner aux magistrats et magistrates des clés pour comprendre et agir”, notamment à travers des formations. Pour la militante féministe, ces chiffres sont le signe que la société bouge mais que les choix politiques en réponse ne sont pas “au niveau”. “On traite actuellement les violences faites aux femmes dans l’après : on ne le fait pas pour les accidentés de la route. Pour la sécurité routière, on essaye de prévenir et d’éduquer pour que les accidents ne se produisent pas : pourquoi ne pas faire pareil avec les violences faites aux femmes ?”, explique-t-elle. Il faudrait ainsi travailler sur toutes les formes de violences, dans une optique de prévention et d’éducation globale.
Un bilan complet de l’analyse, avec les données consolidées de 2019, sera publié fin mars. Il fera notamment le point sur les féminicides, ce qui n’est pas le cas dans la première synthèse publiée où sont recensés 970 homicides (y compris les coups et blessures volontaires suivis de mort), en augmentation de 9 % par rapport à 2018.