Ce dimanche 10 novembre, Cédric Herrou était dans le train qui le ramenait de Nice à Breil-sur-Roya. Il était accompagné d’un camarade de sa communauté agricole Emmaüs, comme il l’a précisé sur Facebook.
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Alors que le train faisait un arrêt en gare de Sospel, un groupe de gendarmes rentre dans le train. La suite, Cédric Herrou l’a filmée : “Maintenant, je filme tout le temps”, confie-t-il à Konbini news. Le quadragénaire est un habitué des contrôles de police. Depuis 4 ans, cet agriculteur dans la vallée de la Roya, à la frontière avec l’Italie, vient en aide aux personnes qui atterrissent dans son exploitation.
Qu’on les appelle migrants ou réfugiés, il leur offre accueil et protection avec ses moyens, quitte à se mettre parfois en situation irrégulière.
“Il y a un contrôle au faciès manifeste. Vous contrôlez le seul Noir dans le train, ce n’est pas normal”, lance l’agriculteur à l’intention des gendarmes. Le quadragénaire a posté la vidéo de quelques minutes sur sa page Facebook. Elle a été visionnée plusieurs milliers de fois.
“Pourquoi vous ne contrôlez que les Noirs en fait ?”, insiste-t-il tout en tentant d’expliquer aux gendarmes que son camarade avait bien un billet et que tout était en règle.
Ces derniers l’embarquent quand même. Cédric Herrou les suit et cherche à comprendre : “C’est quoi le contrôle là exactement ?”
“Je n’ai aucun compte à vous rendre”, répond l’un des gendarmes. “On verra, on verra”, rétorque l’éleveur. Fin de la scène.
Selon Cédric Herrou, les gendarmes mobiles n’ont pas le droit d’effectuer ces contrôles qui doivent se cantonner à l’entrée et à la sortie de la gare. Pour faire ces contrôles abusifs, ils ont donc une technique.
“S’ils contrôlaient tout le monde dans le train, le train prendrait du retard, donc ils repèrent vite fait de l’extérieur s’il y a des Noirs. Comme ça, ils savent directement où rentrer pour contrôler leurs identités”, raconte Cédric Herrou.
“Ils sont pas si noirs que ça”
En octobre 2018, l’agriculteur avait partagé une scène similaire sur les réseaux sociaux. Pris en flagrant délit de contrôle au faciès, le gendarme s’était défendu : “Ils sont pas si noirs que ça.” La séquence a été visionnée quelque 750 000 fois.
Pourtant, son compagnon était en situation totalement régulière avec son billet de train et son récépissé de la plateforme accueil pour les demandeurs d’asile (PADA).
Il sera quand même emmené par les gendarmes, avant d’être récupéré à la Police aux frontières de Menton par Cédric Herrou.
“C’est la même personne avec qui j’ai fait une garde à vue, il y a deux semaines”, raconte l’éleveur. “En fait, à chaque fois qu’on est avec lui, on se fait contrôler. Souvent, on pense que je me fais harceler, mais ce n’est pas moi, c’est les Noirs avec qui je suis.”
Régulièrement, les autorités françaises sont accusées de contrôle au faciès. En juillet dernier, 17 adolescents originaires du XIIe arrondissement de Paris annonçaient attaquer l’État en justice pour des contrôles discriminatoires.
Selon une enquête sur l’accès aux droits publiée en 2017 par le Défenseur des droits, les jeunes noirs ou arabes ont une probabilité 20 fois supérieure aux autres d’être contrôlés.
Le pire est certainement que les contrôles au faciès résulteraient parfois d’ordres directs. Le secrétaire national du syndicat France Police-Policiers en colère, Éric Roman, était venu en témoigner chez nous en avril dernier. Il reconnaissait avoir reçu l’ordre de contrôler systématiquement les Noirs et les Nord-Africains.
“C’est juste que les flics ont des directives en fait”, abonde Cédric Herrou. “On leur demande de contrôler un flux migratoire, et donc on en vient à des contrôles racisés. Et ils ont tellement l’habitude de contrôler ces personnes qui en plus ne portent pas plainte. Mais je ne pense pas que les policiers soient plus racistes qu’ailleurs ou fassent du zèle, c’est juste qu’il y a des consignes étatiques”, conclut-il.
Dans l’enregistrement, Cédric Herrou l’affirme : il fera un signalement. L’année dernière, il était revenu pour nous sur les racines de son engagement.