Chez Samsung, des salariés annoncent une “grève illimitée” inédite pour demander une amélioration de leurs droits

Chez Samsung, des salariés annoncent une “grève illimitée” inédite pour demander une amélioration de leurs droits

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Par Pierre Bazin

Publié le

En Corée du Sud, l’action syndicale est un acte encore très rare avec une forte portée politique.

Le syndicat NSEU (National Samsung Electronics Union), principale organisation syndicale chez Samsung Electronics, a annoncé mercredi prolonger de manière “illimitée” une grève de trois jours. Dans un communiqué rapporté par l’AFP, le syndicat annonce vouloir obliger la direction à négocier “après avoir appris [qu’elle] n’était pas disposée à discuter à la suite de la première grève générale”.

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Devant l’une de leurs principales usines, à Hwaseong (au sud de Séoul), des centaines de salariés grévistes ont organisé un piquet de grève comme l’indique L’Humanité.

Alors que plus de 5 000 employés s’étaient mis en grève ce lundi 9 juillet, cela ne devait durer au début que trois jours. Le mouvement fait également suite à un premier débrayage d’une journée le 7 juin dernier. Cette première grève avait abouti sur l’ouverture de longues négociations sur les salaires et les avantages sociaux — finalement conclues par un échec.

Le NSEU compte aujourd’hui environ 31 000 membres contre 28 000 il y a quelques mois. Cela représente presque un cinquième des effectifs du géant Samsung en Corée du Sud — environ 125 000 employés.

“La direction finira par s’agenouiller”

Samsung a affirmé mercredi 10 juillet à l’AFP que la grève n’affecterait pas la production en assurant que “l’entreprise reste engagée dans des négociations de bonne foi avec le syndicat”, mais ce dernier a quant à lui infirmé ces déclarations en confirmant une “perturbation évidente de la production”, indiquant que plus la grève durera, “plus la direction souffrira”.

Interrogé par le journal L’Humanité, Son Woo-mok, le dirigeant du NSEU assure la légitimité de leur démarche : “Nous sommes convaincus d’écrire l’Histoire.”

Depuis janvier, le syndicat négocie avec la direction, mais les deux parties n’ont pas réussi à trouver un accord. Les salariés réclament une amélioration des congés payés et une transparence sur les primes. Son Woo-mok évoque la suppression d’une prime ainsi que la fragilisation des salaires par l’inflation, pointant du doigt que pendant ce temps-là, Samsung a effectué un bénéfice de 2 milliards de dollars l’année dernière. Le géant aurait également multiplié par presque 10 son bénéfice d’exploitation entre le premier trimestre (Q1) et le deuxième trimestre (Q2) selon son dernier rapport financier.

En plus d’être l’un des plus grands fabricants de smartphones, Samsung est aussi l’un des plus importants fabricants d’écrans — il fournirait notamment les écrans d’iPhone à son “concurrent” Apple. Le géant de la tech est aussi l’un des rares producteurs de semi-conducteurs. Encore soumises à certaines pénuries, ces puces ont une forte valeur ajoutée car elles sont notamment utilisées pour concevoir et améliorer des modèles d’intelligence artificielle (IA).

Une lutte inédite dans un pays encore très marqué par l’antisyndicalisme

Le premier syndicat de Samsung Electronics a été fondé en 2019, l’entreprise ayant empêché la syndicalisation de ses employés pendant presque 50 ans, avec parfois des méthodes violentes, selon ses détracteurs. Le fondateur de Samsung Lee Byung-chul était notamment catégoriquement opposé aux syndicats.

La Corée du Sud ne possède que deux larges confédérations syndicales :

  • La FKTU (Fédération des syndicats coréens), longtemps la seule organisation syndicale autorisée et connue pour avoir entretenu des liens étroits avec la dictature militaire du putschiste Park Chung-hee.
  • La KCTU (Confédération coréenne des syndicats), autrefois syndicat clandestin et à l’origine de nombreux mouvements dans le pays. C’est à cette confédération que NSEU appartient par ailleurs.

Les syndicats à visée de transformation politique sont techniquement interdits en Corée du Sud. Héritage de la dictature militaire, l’antisyndicalisme est encore très présent dans ce pays. En 2021, le président de la KCTU Yang Kyeung-soo avait été arrêté après avoir organisé un rassemblement pour demander un moratoire sur les licenciements durant la crise sanitaire.