Mercredi, le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures suite aux conclusions d’une mission d’inspection diligentée après le féminicide de Mérignac, en Gironde, début mai, pointant une série de défaillances dans le suivi du conjoint violent multirécidiviste et la protection de la victime.
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Ce rapport a fait l’objet mercredi soir d’une réunion à Matignon, présidée par le Premier ministre Jean Castex et à laquelle ont participé le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ainsi que deux ministres déléguées : Élisabeth Moreno, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que Marlène Schiappa, en charge de la Citoyenneté.
Au total, Matignon a annoncé dans un communiqué nocturne “six nouvelles mesures” pour renforcer la protection des victimes, dont certaines existent déjà ou ont déjà été annoncées.
Les auteurs du rapport, Étienne Apaire, ancien conseiller justice de Nicolas Sarkozy à l’Intérieur, et Yves Colmou, ancien conseiller de Manuel Valls, préconisent ainsi “d’examiner la dangerosité” de l’auteur des violences “avant tout aménagement de peine”. Pour cela, ils proposent de “modifier la loi afin que tout aménagement de peine soit précédé d’une expertise”.
Ils recommandent aussi “d’améliorer la protection de la victime préalablement à la libération” du conjoint violent, “de renforcer et sécuriser la communication entre les services compétents” afin qu’ils puissent prendre des “décisions rapides”, et enfin “de mieux piloter localement la protection des victimes”.
Ils suggèrent d’attribuer à la victime un “téléphone grand danger”, et cela “avant la libération de l’auteur des violences” et de l’informer “systématiquement” de l’évolution de la situation de ce dernier.
Le gouvernement a annoncé la mise à disposition de 3 000 de ces téléphones d’ici début 2022, soit une augmentation de “65 % par rapport à aujourd’hui”.
Chahinez, 31 ans, mère de trois enfants, est morte le 5 mai à Mérignac, près de Bordeaux, après avoir été blessée par balles par son mari violent récidiviste, dont elle était séparée, qui l’a ensuite immolée par le feu dans la rue. Ce drame a suscité une vague d’indignations.
Le rapport est accablant et dénonce une longue suite de défaillances de tous les acteurs de ce dossier. Le gouvernement a d’ailleurs demandé mercredi à la mission si certains faits n’étaient pas susceptibles d’être sanctionnés disciplinairement.
Absence de communication
L’auteur présumé, Mounir B., avait été condamné le 23 juin 2020 pour violences conjugales en récidive à 18 mois de prison, dont 9 mois avec sursis et mandat de dépôt à l’audience. Mais depuis sa prison, il téléphonait à son épouse, Chahinez, pour la menacer.
En décembre, il est remis en liberté sous certaines conditions telles qu’interdiction d’entrer en contact avec son épouse ou rendez-vous mensuel chez son conseiller pénitentiaire (service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP))…
À la mi-mars, son épouse porte plainte contre lui au commissariat de Mérignac après une nouvelle agression violente. La plainte, notent les rapporteurs, est dûment traitée, avec application du questionnaire dédié à l’évaluation du danger, fiche d’évaluation personnalisé des victimes (EVVI) et envoi des grilles au parquet. Mais un des fichiers est mal rempli, de sorte que le danger est évalué différemment par la police et la justice.
S’en est suivie une mauvaise, voire une absence de communication entre la police et l’administration pénitentiaire. Alors qu’il est recherché par la police, l’homme se présente deux fois aux convocations de l’administration pénitentiaire sans être inquiété, alors qu’elle le sait recherché.
Les rapporteurs préconisent “une fusion des deux fichiers” de la police et de la justice et une information immédiate de tous les acteurs en cas de survenue d’éléments nouveaux comme une plainte, une main courante, la recherche de l’auteur de faits de violences, etc.
Ils suggèrent aussi la mise en place d’un fichier des auteurs de violences conjugales, comme l’a annoncé, il y a peu le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, mais également “son partage” entre les services. Une proposition reprise par Matignon.
Au niveau local, les auteurs du rapport proposent que le comité de pilotage départemental des “téléphones grand danger” se réunisse deux fois par mois, avec tous les services et en présence d’associations agréées. Ce comité se réunit actuellement, selon les départements, à intervalles plus longs, par exemple tous les six mois en Gironde, pour faire le point sur les attributions en cours et à venir des “téléphones grand danger”.
Mesure également reprise par le gouvernement, qui annonce en outre la création d’une “instance nationale pour associer régulièrement les associations” dédiées, un “renforcement du contrôle et de la détention” d’armes et un comité de suivi des mesures.
Konbini news avec AFP