Nicolas Sarkozy a été condamné mercredi en appel à Paris à trois ans de prison, dont un an ferme à exécuter sous bracelet électronique, pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire des écoutes, une sanction inédite pour un ancien chef de l’État. La cour d’appel de Paris a confirmé la peine prononcée en première instance le 1er mars 2021 contre l’ancien président de la République, 68 ans, qui a écouté la décision assis sur le banc des prévenus, la mâchoire serrée.
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Nicolas Sarkozy est le premier ancien président condamné à de la prison ferme, son ancien mentor Jacques Chirac s’étant vu infliger en 2011 deux ans de prison avec sursis dans le dossier des emplois fictifs de la Ville de Paris. Son avocat historique Thierry Herzog et l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert ont été également reconnus coupables d’avoir noué un “pacte de corruption” avec Nicolas Sarkozy en 2014 et condamnés à la même peine.
La cour d’appel a en outre prononcé une interdiction des droits civiques de trois ans pour M. Sarkozy, ce qui le rend inéligible, ainsi qu’une interdiction d’exercer de trois ans pour Me Herzog. Le 13 décembre, le parquet général avait réclamé trois ans d’emprisonnement avec sursis à l’encontre des trois prévenus, qui ont toujours nié toute corruption.
L’ancien homme fort de la droite a contesté “avec la plus grande force” ces accusations lors du procès en appel, réaffirmant à la barre n’avoir “jamais corrompu qui que ce soit”.
Cette décision était attendue alors que Nicolas Sarkozy sera rejugé en appel à l’automne dans l’affaire Bygmalion et qu’il est sous la menace d’un troisième procès retentissant : le PNF a requis jeudi son renvoi en correctionnelle dans l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
Ce dossier judiciaire, qui met également en cause trois anciens ministres de l’ex-président, est indirectement à l’origine de l’affaire des écoutes.
Ligne Bismuth
Fin 2013, les juges d’instruction chargés de l’enquête sur les soupçons de corruption libyenne avaient décidé de “brancher” les deux lignes de Nicolas Sarkozy. Ils ont alors découvert l’existence d’une troisième ligne, officieuse. Achetée le 11 janvier 2014 sous l’identité de “Paul Bismuth” – une connaissance de lycée de Me Herzog –, elle était dédiée aux échanges entre l’ex-président et son avocat et ami de longue date.
Leurs conversations téléphoniques au langage parfois fleuri, diffusées pour la première fois à l’occasion du deuxième procès en décembre dernier, sont au cœur du dossier. Pour l’accusation, ces écoutes font transparaître un pacte de corruption noué avec Gilbert Azibert, alors avocat général à la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français.
Ce dernier est accusé d’avoir œuvré en coulisses pour peser sur un pourvoi formé par Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bettencourt en échange d’un “coup de pouce” pour un poste honorifique à Monaco.
Depuis l’origine, les avocats des prévenus affirment que ces écoutes sont illégales car elles portent selon eux atteinte au secret des échanges entre un avocat et son client. Des critiques jusque-là écartées par les juges.
Autre axe cardinal de la défense : une enquête parallèle ouverte en 2014 par le parquet national financier. À l’époque, les enquêteurs soupçonnent Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog d’avoir été informés que la ligne Bismuth était écoutée.
Pour trouver la “taupe”, le parquet financier avait examiné les factures détaillées (“fadettes”) de plusieurs avocats sur une durée de quelques heures. L’enquête a finalement été classée sans suite fin 2019 et transmise à la défense en 2020.
Cette affaire dans l’affaire, dite des “fadettes”, a entraîné par ricochet le renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) de l’actuel garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti pour avoir lancé des enquêtes administratives visant trois magistrats financiers avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat.
Le ministre a formé un pourvoi en cassation contre ce renvoi.