Il a baigné dans la musique étant petit et enregistrait ses propres morceaux dès l’âge de 11 ans. Après trois EP et une signature sur le label Parlophone, Chanceko se fait remarquer cet été sur Twitter, grâce à plusieurs snippets vidéos relayés par les gens qu’il faut. Parmi les titres en vue, le solaire “Malaboy”, clippé il y a peu.
Sa passion précoce et dévorante pour la musique, tous styles confondus, explique sûrement en partie sa capacité à surfer sur les instrumentales et à proposer un rap très chanté et mélodieux. Avec son EP quatre titres Gaura, le jeune artiste explore différentes sonorités et dévoile les premières parcelles d’un riche univers, qui ne demande qu’à être développé. Entretien.
Konbini | Salut Chanceko ! D’où viens-tu et quand es-tu né ?
Je viens du 77. J’ai passé mon enfance à Coulommiers puis j’ai déménagé à Meaux : c’est là où j’ai grandi. Je suis né le 18 octobre 1996.
Tu peux nous expliquer l’origine de ton blase, Chanceko ?
Mon vrai prénom, c’est Chancelin. À Meaux, et même plus largement dans le 77, plusieurs grands rappeurs ont ajouté un -ko à la fin de leur nom : O’Rosko, Arko… Je ne savais pas quel nom d’artiste choisir alors j’ai pris le début de mon prénom, Chance, et ce suffixe -ko.
Est-ce qu’il a un sens, ce suffixe ?
C’est l’héritage que nous ont laissé tous ces rappeurs, mais j’avoue que je ne sais pas trop d’où c’est parti…
Comment es-tu arrivé dans l’incroyable monde de la musique ? J’ai entendu que tu étais plus ou moins tombé dans la marmite étant petit…
Mes parents en ont toujours écouté. Ma mère faisait partie d’une chorale, mon père en mettait à la maison tous les dimanches. J’y ai pris goût naturellement et ça a rythmé ma vie dès le plus jeune âge. Ensuite, mon frère, qui a six ans de plus que moi, a voulu commencer à en faire lui-même. Mon père lui avait payé son premier ordinateur et il a appris à créer des instrus sur lesquelles il rappait ensuite. Je le voyais faire et ça me donnait envie.
Quelle influence avait-il sur toi ?
On a fait pas mal de musique ensemble ! Beaucoup de featurings. Quand j’ai senti que j’étais prêt, vers 11, 12 ans, je me suis mis à créer mes propres morceaux. Mon frère m’a aussi influencé grâce à la musique qu’il écoutait : Disiz, Booba, Corneille, Factor X, Tupac, Chamillionaire, Pharrell…
Tu faisais vraiment du son à toutes les occasions, apparemment.
Oui, j’écrivais des morceaux pour Noël, pour la fête des mères… Parfois j’en faisais en rentrant des cours, sans qu’il y ait de thème particulier. J’écrivais des textes pour affiner mon style, je racontais mes journées en essayant différentes formulations. Parfois, je freestylais sans musique, pour m’exercer.
Avoir écrit beaucoup et sur des sujets variés étant jeune t’a permis de rendre ton écriture plus fluide et plus précise, j’imagine ?
C’est sûr ! En revanche, ce qui me touche le plus aujourd’hui, c’est la mélodie. Comme je me suis exercé sur différents types de morceaux, j’ai l’esprit ouvert. Au collège, je faisais parfois des remixes de Lady Gaga, Lana Del Rey, Kid Cudi, Rick Ross, La Fouine…
Tu essayais de copier leur flow et caler tes propres lyrics ?
Je ne copiais pas leur flow : je reprenais leur prod et j’essayais de rapper ou chanter dessus tout en restant dans mon univers.
Aujourd’hui, tu as la chance de faire de la musique à plein temps. Qu’est-ce que tu faisais avant ?
Après mon bac ES, j’ai passé deux ans en prépa éco et une troisième année en licence d’Administration et échanges internationaux à Créteil. Après ça, j’ai arrêté. Je l’ai fait pour rassurer mes darons et pouvoir leur dire que j’avais un diplôme en poche, si jamais je tombais et que je devais me relever.
Tu arrivais à faire de la musique quand même, durant tes études ?
Non, c’était impossible. La première année, le volume de taf était impressionnant. On avait des colles chaque mercredi, des contrôles sur chaque mot de vocabulaire… À partir de la deuxième année, j’ai commencé à trouver mon rythme : je faisais un peu de musique, mais pas comme je le voulais, ni autant que je voulais.
Tu retiens quelque chose de ces années d’études ?
Je pense qu’on garde quelque chose de n’importe quelle expérience. Ça m’a appris à persévérer, à être assidu, à charbonner… C’est là que j’ai compris que, dans la vie, il fallait être endurant et persévérant, parce que tu pouvais vite t’essouffler.
Qu’est ce qui t’a donné envie de te lancer dans une carrière musicale ? Tu as toujours eu cette envie ?
Le déclic, c’était en mars 2019. Avant, j’avais des petits boulots. Je me suis rendu compte que j’y mettais beaucoup d’énergie et qu’en plus de ne pas me plaire, ça ne me rapportait même pas vraiment d’argent. Il valait mieux faire les choses correctement et essayer de vivre de ce que j’aime. À partir de là, je suis allé au studio plus souvent, je me suis ouvert aux gens. J’ai voulu faire bouger les choses et les choses ont bien bougé. Quand tu veux, tu peux.
Gaura est le premier EP “officiel” depuis ta signature sur le label Parlophone. Considères-tu cette signature comme une victoire absolue ?
C’était une consécration. Depuis petit, je fais de la musique et je savais que ça allait donner quelque chose. Je ne voulais pas non plus me précipiter. Après toutes ces années, la signature a été une libération. Je ne voulais pas me lancer dans l’aventure sans être sûr d’en être capable : c’est beaucoup de responsabilités, on met de l’argent sur toi et il y a des gens qui attendent que tu balances des morceaux. Avant, je ne me sentais pas prêt à gérer tout ça.
Ça t’apporte quoi de nouveau, d’être signé ?
Avant, je faisais tout moi-même : je contactais tout le monde, les gens pour les clips, les pochettes, etc. Je créais mes propres prods, je m’enregistrais et je mixais moi-même. L’argent sortait de ma poche, surtout ! Maintenant, il y a une grosse équipe. Elle me permet de me concentrer davantage sur la musique.
Que t’apporte ce côté “couteau suisse” : ta faculté à écrire, produire et mixer tout seul ?
Ça me donne une vision globale du processus. Je connais les différents métiers, les tâches que doit effectuer chacun, donc j’ai l’œil sur mes résultats. Je peux avoir un point de vue sur ce que tout le monde fait.
Certaines de tes vidéos ont bien fonctionné sur Twitter. Tu te sens à l’aise dans cette époque digitale, où la musique est parfois réduite à un extrait de quelques dizaines de secondes ?
Je me sens grave à l’aise. C’est tant mieux : je peux avoir le plus de retours possible. Je sais que j’ai pris plaisir à faire le morceau et tourner la vidéo du snippet. J’pose ce genre de truc comme une bombe. Je kiffe le son, je le mets sur Twitter et après, j’me barre ! [Rires.] J’laisse les gens reposter et réagir, mais je ne calcule pas mon téléphone. Il y a une montée d’adrénaline que j’aime beaucoup en faisant ça.
Ton équipe te pousse à faire des vidéos, à partager ta musique de manière instantanée ?
Non, c’est une idée perso. D’ailleurs, mon équipe est même parfois contre [rires]. Mais j’aime bien teaser mes morceaux de cette manière. Je sais comment communiquer avec les gens qui m’écoutent, ce que je veux montrer ou pas, où je veux aller.
Ta musique comporte du rap mais lorgne aussi de temps en temps du côté du R’n’B ou des sonorités afro… Quelles sont tes influences ?
C’est paradoxal : ma musique est effectivement très mélodieuse mais je suis un grand fan de Stavo, par exemple. J’adore tout ce que fait 13 Block ! Sinon, ce sont beaucoup des rappeurs américains : Drake, Dinos, Young Nudy, 2Chainz, Don Toliver, Wizkid, 21Savage…
Tu arrives à écouter beaucoup de musique tout en conservant une certaine perméabilité vis-à-vis de ton propre style ?
Totalement. Je puise des choses dans tout ce que j’aime. Je peux écouter un morceau dans lequel Stavo va faire un petit gimmick avec sa voix et me focaliser sur ce truc-là. Je vais prendre cet élément et l’approfondir : le manipuler afin d’en faire autre chose. Personne ne saura, au final, que c’est en écoutant Stavo que j’ai pu développer cette mélodie-là, par exemple.
À quelle fréquence fais-tu de la musique ? Tu as plutôt besoin d’un mood ou c’est très régulier ?
Tout le temps. Parfois, j’ai quand même mes bad moods, les périodes où je n’arrive pas à faire de son. Ça arrive une ou deux fois dans l’année. À part ça, c’est tout le temps. Hier encore, j’en faisais jusqu’à 3 heures du matin.
Tu travailles déjà sur ton premier album ?
Non, pour l’instant je suis plutôt à la recherche du prochain single. J’ai frappé assez fort avec Gaura, donc il faut que la suite soit à la hauteur. J’ai quelques sons sur le côté mais j’ai envie de me casser la tête pour que ce soit bien, des singles vraiment quali.
L’inspiration Travis Scott se ressent dans ta façon d’envoyer des ad-libs et tu dis toi-même dans le morceau “Elvis” que tu veux sa carrière. Qu’admires-tu chez lui ?
C’est un artiste extra-musical : il fait des concerts sur Fortnite, il a des deals avec Jordan, avec Nike, avec la Sony pour la PS5, il fait des pubs pour McDonald’s… Pour moi, c’est un artiste au sens propre du terme. Il fait de la bonne musique, il est créatif, il va au bout de ses idées. On voit qu’il se creuse la tête et qu’il essaie d’avoir son propre univers.
Y a-t-il un morceau dont tu es particulièrement fier aujourd’hui ?
Je suis fier de tous les sons qui sortent. Même ceux qui ne sortent pas d’ailleurs. Si je devais en choisir un, ce serait “Wassup”, sorti en 2017, il représente quelque chose de fort pour moi. C’était mon premier banger, celui qui m’a fait connaître. Je continue à le jouer sur scène et quand je l’aime encore aujourd’hui, alors qu’il date de 2017.
Tu as déjà fait de la scène ?
Oui, à partir de 2017. Pas mal de showcases, de petits concerts…
Quel rapport tu as à la scène ? Tu la préfères au studio ?
C’est différent. Quand je suis au studio, il y a beaucoup de monde : j’aime bien qu’on soit nombreux. Là-bas déjà, je kiffe écouter les sons. Sur scène, avec des centaines, voire des milliers d’inconnus qui donnent leur énergie, c’est encore autre chose. J’adore ça. Je ne suis le genre de personne qui crie, dans la vie de tous les jours je suis calme et posé. Quand je suis sur scène en revanche, je me défoule, je crie, j’ai la voix cassée… J’aime sauter partout, donner de l’énergie. Ça me permet aussi de jauger la réception de mes morceaux.
Y a-t-il des éléments de ta musique sur lesquels tu as envie de travailler ?
J’ai envie de faire appel à des musiciens, comme dans la version symphonique du morceau “Elvis”. C’était intéressant d’inviter des batteurs, un guitariste, une violoniste, un pianiste… J’ai aimé cette musique plus réelle et plus organique : ça fonctionne bien avec ma voix, qui est quand même assez mélodieuse.
Au niveau du texte aussi, je vais essayer de me livrer un peu plus. C’est bien de parler du fait que je m’enjaille, de sapes, etc. mais Chanceko, ce n’est pas uniquement ça. J’ai plusieurs facettes et j’aimerais les montrer.
Tu joues d’un instrument, d’ailleurs ?
Non, j’avais commencé le piano mais j’ai arrêté. Pour une raison bête, en plus. Les cours de solfège avaient lieu le mercredi et le samedi après-midi. J’en ai fait un an mais ça m’a saoulé de ne pas être libre alors j’ai arrêté.
D’après toi, quelles seraient les meilleures conditions pour écouter ta musique ?
La nuit en voiture. Dans une belle AMG avec un bon son ! Pas dans une vieille Twingo avec un son bizarre [rires]. Quand tu rides dans la tchop’ la nuit, sur le périph, siège chauffant, c’est nickel !
Si tu devais convaincre les lecteurs de Konbini de l’écouter, qu’est-ce que tu leur dirais ?
Écoutez Gaura. Dans l’ordre de la tracklist.
Tes futurs projets ?
En 2021, il y aura un gros projet, avec des invités, des clips… Gaura était un EP surprise mais le prochain sera travaillé plus longuement.
Le mot de la fin ?
Allez streamer Gaura. On est ensemble l’équipe, à très bientôt !
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