À Londres, il y a le Big Ben, le Buckingham Palace, mais aussi des lieux plus confidentiels comme le musée du néolibéralisme. Cette exposition insolite, aussi géniale que glaçante, condense le pire du capitalisme moderne.
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Conditions de travail désastreuses dans les usines de grands groupes, politiques individualistes, reculs sociaux, invasion publicitaire… Elle donne à voir une belle panoplie de posters, slogans et installations artistiques ultra-créatives et débordantes d’ironie et de cynisme.
@spellingmistakescostlive Amazon diorama at the Museum of Neoliberalism in Lewisham, south east London. I co-curated the museum with Gavin Grindon and it's been open since 2019. Free entry, open Thurs-Sun, just book a free appointment in advance at: museumofneoliberalism.com #neoliberalismo #neoliberalism #museumofneoliberalism #spellingmistakescostlives ♬ Bezos II - Bo Burnham
La genèse d’un projet pas comme les autres
Si seulement 25 minutes suffisent à en faire le tour, c’est parce que ce tout petit musée se situe dans le studio de l’un de ses créateurs, l’artiste britannique Darren Cullen. “Il doit mesurer cinq mètres sur cinq max”, nous explique-t-il au téléphone. L’idée d’un tel projet lui est venue dès 2015.
À l’époque, on parlait du Thatcher Museum and Library, un projet de musée britannique dédié à Margaret Thatcher. “Je me suis dit qu’on devrait faire notre propre musée sur Thatcher, parler du néolibéralisme, du conservatisme, la privatisation”, se rappelle Darren. “J’ai donc acheté tous les noms de domaine sur le musée, pour avoir les adresses URL avant eux.“ Il les détient toujours aujourd’hui.
<a href="https://www.spellingmistakescostlives.com/" target="_blank" rel="noopener">© Darren Cullen</a>
Mais le passage à l’acte a lieu quelques années plus tard, en 2019 : Il rencontre Gavin Grindon, un universitaire, qui le convainc qu’un musée sur l’histoire du néolibéralisme en général serait encore plus percutant qu’un musée dédié uniquement à Thatcher.
“Donc on l’a créé d’abord à Brighton, on avait un petit budget, des bénévoles nous ont aidés à tout installer”, se souvient Darren. L’exposition à Brighton touchant à sa fin, il peut alors ranger toutes ses installations dans un local, ou les stocker chez lui. Il choisit la seconde option, et ouvre les portes de son studio aux visiteur·se·s depuis novembre 2019.
“La construction d’un monde où tout est en vente”. (<a href="https://www.spellingmistakescostlives.com/" target="_blank" rel="noopener">© Darren Cullen</a> )
Une critique poignante et nécessaire
Dans le musée, de nombreuses marques sont détournées pour sensibiliser le public au danger du néolibéralisme : une longue liste des entreprises privatisées depuis le XXe siècle, un diorama des conditions de travail dans les entrepôts d’un célèbre site de vente et livraison à domicile, des posters d’époque…
“Il y en a qui sont tellement délirants qu’on dirait des parodies, alors que ce sont de vrais documents”, s’amuse Darren. “C’est ça, le capitalisme, on n’arrive même plus à en distinguer la satire de la réalité.” Une confusion qui menace la démocratie, surtout quand un tel système est normalisé dans la vie de tous les jours. “Il faut montrer que ce n’est pas un système normal, c’est un ensemble d’idées qui nous sont imposées et qu’il faut combattre.”
Son expérience dans la publicité l’a beaucoup aidé dans le processus de création : “J’ai toujours voulu être un artiste et je me suis dirigé vers la publicité en me disant qu’au moins, ce métier me permettrait de créer des choses. Mais quand j’y suis arrivé, j’ai réalisé à quel point ça reposait sur la manipulation des masses et la perception qu’on a de soi-même. J’ai trouvé que c’était une façon horrible de faire tourner une économie et une société, donc maintenant, j’utilise toutes mes connaissances pour combattre ce secteur-là.”
Il nous confie que son “œuvre préférée” est la “maquette sur l’incendie de la tour Grenfell“ qui a eu lieu à Londres en 2017, un drame causé par la mauvaise qualité du bardage du bâtiment, choisi par la municipalité en partie pour satisfaire les exigences esthétiques du voisinage. Aujourd’hui, l’immeuble dans lequel il réside et expose est menacé par un projet immobilier luxueux. Darren cherche donc un nouveau local où s’installer dans les prochaines années.
<a href="https://www.spellingmistakescostlives.com/" target="_blank" rel="noopener">© Darren Cullen</a>
En parallèle, il participe à de nombreux autres projets activistes. Le mouvement de désobéissance civile Subvertisers International en fait partie : il part retirer des affichages publicitaires partout en Europe pour les remplacer par des messages engagés.
“Quand j’ai compris dans quel monde je vivais pendant mes études, je me suis dit que j’allais forcément faire une grosse crise de la quarantaine”, se remémore Darren. “Du coup, autant la faire maintenant, et mener toutes ces actions aujourd’hui.”
<a href="https://www.spellingmistakescostlives.com/" target="_blank" rel="noopener">© Darren Cullen</a>
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