Rian Johnson nous a fait tourner en bourrique dans son dernier film avec toujours Daniel Craig en Benoit Blanc. Après son superbe et surprenant À couteaux tirés, qui relançait le genre de films à énigmes et mystère, le réalisateur offre une suite réjouissante encore plus critique sur le monde actuel et surtout celui des influenceurs et autres magnats de la tech.
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Pour continuer dans cet état d’esprit, on vous a sélectionné douze films où l’histoire et la réalisation nous baladent de suspect en suspect, réécrivant la narration à chaque scène pour un tourbillon de fausses pistes et un labyrinthe de pensées. Une parfaite gymnastique de l’esprit très à propos entre les fêtes et un véritable plaisir fluide d’images et de dialogues. C’est parti !
The Last of Sheila, de Herbert Ross (1973)
Sûrement le film le plus proche de ceux de Rian Johnson, avec beaucoup de dérision, de critique sociale et de chausse-trappes. Sheila meurt dans un accident de voiture lors d’une fête à Hollywood. Un an après, son veuf invite sur son yacht six personnalités de Hollywood présentes pendant cette soirée afin de participer à un jeu qui sera le sujet de son prochain film.
Ce long-métrage est alambiqué, très années 1970 et signé Herbert Ross, l’ami du scénariste Neil Simon, qu’on a pu voir ensuite réaliser les très bons The Goodbye Girl ou The Sunshine Boys. Il n’est pas exempt de défauts mais est très réjouissant et un peu différent des adaptations à la Agatha Christie. Ne vous fiez pas à l’horrible nom français : Les Invitations dangereuses.
Gosford Park, de Robert Altman (2001)
Ce grand film d’ensemble est une des dernières très bonnes œuvres du grand Robert Altman. À mi-chemin entre la série Dowton Abbey (dont l’intrigue devait être une suite de ce film) et un jeu de Cluedo géant, Gosford Park s’intéresse au fonctionnement d’une vieille bâtisse aristocrate anglaise dans les années 1930, traitant autant les riches qui se retrouvent pour une partie de chasse que l’armée de domestiques présents pour organiser le quotidien.
Bien sûr, le maître de maison décède et le film part dans un labyrinthe de suppositions, de critique de la société de l’époque et de messes basses quasi “James Ivoryenne”, le tout avec un casting impeccable. Un régal du boss Altman, cinq ans avant sa disparition.
The Thin Man, de W. S. Van Dyke (1934)
Restons dans les années 1930 mais cette fois-ci avec des films d’époque, véritables ancêtres de Glass Onion. En 1933, W. S. Van Dyke commence une série de six films à énigmes incroyables avec Nick et Nora, un couple de détectives amateurs qui va résoudre de nombreux meurtres.
Le premier, The Thin Man (en français : L’Introuvable), est une vraie réussite, écrite par Dashiell Hammett, entre polar à tiroir et scènes cocasses du couple irrésistible composé de William Powell et Myrna Loy. Un ton entre humour et mort à la Glass Onion mais quatre-vingt-dix ans avant. Les suites sont toutes vraiment bien, l’image est toujours magnifique… Une bonne façon de passer l’hiver au chaud. Dans le même genre de films à énigmes à l’ancienne, on vous conseille aussi la belle série de longs-métrages Miss Marple des années 1960 avec Margaret Rutherford, une réussite sur toute la ligne.
Le Nom de la rose, de Jean-Jacques Annaud (1986)
Passons en France maintenant, avec ce film de Jean-Jacques Annaud combinant mystère et philosophie, basé sur les écrits d’Umberto Eco. Mélange de critique du monde féodal et des différents courants religieux au XIVe siècle, le film s’appuie surtout sur l’enquête de Sean Connery et son disciple Christian Slater menée à la suite d’une série de décès suspicieux de moines dans une abbaye reculée dans la montagne au nord de l’Italie.
Tout y est : les fausses pistes, les vrais-faux méchants, la reconstitution historique géniale, le roman d’apprentissage, et même l’inquisition. Un grand classique du genre qui va bien au-delà du film à énigmes. Indispensable.
The Mirror Crack’d, de Guy Hamilton (1980)
Impossible de parler des inspirations de Glass Onion sans évoquer les films à ensemble basés sur les livres d’Agatha Christie, Le Crime de l’Orient-Express, Mort sur le Nil, Meurtres au soleil, leurs multiples adaptations et remakes parfois plus ou moins heureux. Avec Mort sur le Nil de John Guillermin en 1978, on choisit The Mirror Crack’d (en français : Le miroir se brisa).
Déjà parce qu’on retrouve Angela Lansbury en Miss Marple, la meilleure enquêtrice possible comme elle nous l’a prouvé dans Arabesque et qui a aussi son clin d’œil dans Glass Onion, et aussi parce que le film est assez bancal avec ses vieilles stars sur le retour, comme Elizabeth Taylor, Kim Novak, Rock Hudson ou Tony Curtis, vraie critique du Hollywood vieillissant, explorant les craquelures du clinquant.
Fait marrant : le réalisateur Guy Hamilton était alors un spécialiste des James Bond, quatre à son actif. Or, dans une scène face à Liz Taylor, on aperçoit un Pierce Brosnan muet, dans un de ses premiers rôles, des années avant qu’il reprenne le costume de James Bond. Voilà. Regardez ce film, il est moins bien mais c’est mieux.
Cluedo, de Jonathan Lynn (1985)
On revient encore dans un style très Glass Onion, mais cette fois-ci pour le côté comédie, avec ce Cluedo très atypique de Jonathan Lynn. Reprenant le concept même du jeu de plateau que Rian Johnson écorne plusieurs fois dans son film via son personnage Benoit Blanc, Cluedo est porté d’une main de maître par la prestation de Tim Curry en majordome délicieux.
Tous les clichés sont ensuite mis en place pour cette comédie meurtrière qui s’offre le luxe d’avoir trois fins différentes, un dernier pied de nez aux mauvais joueurs et aux tricheurs du jeu de société. Le film est vraiment jouissif comme À couteaux tirés et Glass Onion, et les personnages et les dialogues tirant vers le théâtre sont d’un rythme étourdissant : un vrai beau pari réussi.
Dans le même genre un peu pastiche du film à énigmes, on vous recommande Murder by Death, de Robert Moore (1976), où la crème des (faux) détectives de l’époque se retrouvent à table pour enquêter ensemble. Peter Falk y est superbe. The Private Eyes, de Lang Elliott (1980), où deux (faux) Holmes et Watson investissent un manoir un peu hanté pour enquêter sur la mort de leurs propriétaires, est un super film également. En mode comédie policière, on peut aussi citer The Trouble With Harry, du boss Alfred Hitchcock. Alfred n’est pas toujours dans les énigmes, plutôt dans le suspense et le thriller, mais il fallait absolument qu’il soit cité dans cet article. C’est le boss, voilà c’est tout.
April Fool’s Day, de Fred Walton (1986)
Après la comédie noire et le pastiche, l’autre branche du film à énigmes est la partie plus horrifique. En effet, les séries des Scream et des Saw sont de véritables nids à puzzle, faux suspects et pistes sans fin. Le film de cette catégorie le plus proche de l’univers de Glass Onion reste April Fool’s Day (en français : Week-end de terreur).
Réalisé par Fred Walton en 1986, il met en scène un anniversaire dans une maison isolée sur une île. C’est le 1er avril, et pour son anniversaire, Muffy a préparé quelques blagues pour ses amis invités. Certaines sont juste potaches, d’autres archi-flippantes. Et là, les gens commencent à mourir les uns après les autres, de manière plus ou moins sale. C’est très années 1980, fun et parfois gore, et les énigmes sont marrantes : un très bel ancêtre de Scream plutôt oublié. À revoir.
The List of Adrian Messenger, de John Huston (1963)
Là, on touche au film d’espionnage le plus pur, avec un mystère incroyable : Adrian Messenger remet à son ami Anthony Gethryn, ancien des services secrets britanniques, une mystérieuse liste de noms. Peu après, il meurt dans un accident d’avion très suspect.
Dans ce grand film d’ensemble maîtrisé par le boss John Huston, cette liste voit se croiser des déguisements et des maquillages aussi invraisemblables les uns que les autres, avec surtout George C. Scott et Kirk Douglas mais aussi Tony Curtis, Burt Lancaster, Robert Mitchum, Frank Sinatra… La critique a détesté à sa sortie mais avec du recul, on a sûrement ici le film à énigmes le plus fou jamais inventé. Un ovni à revoir très vite.
Sleuth, de Joseph L. Mankiewicz (1972)
Là, on touche au pur chef-d’œuvre du genre. Dans Sleuth (en français : Le Limier (pourquoi ?)), tout est escamotage, mensonge et énigme. Basé sur la pièce d’Anthony Shaffer, le film entier est une passe d’armes géante entre deux cadors du genre, Laurence Olivier et Michael Caine.
Un riche auteur de romans policiers anglais invite un coiffeur dont il connaît la liaison avec son épouse. L’auteur lui propose de simuler un cambriolage pour toucher l’argent de l’assurance. Le coiffeur accepte mais bien sûr, rien ne va se passer comme prévu. La chasse aux énigmes commence.
Avec Joseph L. Mankiewicz à la réalisation pour son dernier film, on obtient un des longs-métrages les plus fous de l’histoire du cinéma, référencé de nombreuses fois par Rian Johnson dans À couteaux tirés et Glass Onion. Dans le même genre, évitez le remake de 2007 avec toujours Michael Caine, beaucoup moins bon, mais ruez-vous sur Deathtrap, une fausse suite signée Sidney Lumet en 1982, toujours avec Michael Caine et accompagné de Christopher Reeve, tout juste auréolé de son succès en tant que Superman. Le résultat est quasiment au niveau de Sleuth. Une magnifique mise à jour.
Witness for the Prosecution, de Billy Wilder (1957)
Autre type de film policier à tiroir, le film de procès. Aux côtés d’Autopsie d’un meurtre, ce Witness for the Prosecution (en français : Témoin à charge) est sûrement le plus grand labyrinthe filmé de l’Histoire, savamment orchestré par le grand Billy Wilder. On court de rebondissement en rebondissement pour notre plus grand plaisir, avec une Marlene Dietrich indéchiffrable du début à la fin. La quintessence du film à énigmes.
D.O.A, de Annabel Jankel et Rocky Morton (1988)
Il s’agit là d’une autre pépite complètement zappée de l’inconscient collectif (on ne peut pas vous en vouloir, les réalisateurs Annabel Jankel et Rocky Morton sont derrière le désastre du film Super Mario Bros. quelques années plus tard). Pourtant D.O.A. (en français : Mort à l’arrivée) a tout pour plaire. Dennis Quaid joue un homme en sursis, il a vingt-quatre heures pour trouver la vérité sur son empoisonnement. Il est déjà trop tard pour trouver un remède, mais il veut trouver le coupable. Remake d’un film noir de 1950, cette version électrique est vraiment le pur plaisir coupable de vidéoclub fin 1980-début 1990.
L’Heure zéro, de Pascal Thomas (2007)
Les Français ne sont pas en reste dans le genre du film énigmatique à ensemble charmant. Notons les adaptations grivoises d’œuvres d’Agatha Christie par Pascal Thomas, avec le couple André Dussollier/Catherine Frot, dont ce film, L’Heure zéro, très proche d’un À couteaux tirés ou Glass Onion. On y retrouve avec délectation des acteurs et actrices comme Melvil Poupaud, Chiara Mastroianni, François Morel ou encore Laura Smet. Une belle vision française de l’œuvre incommensurable d’Agatha Christie.
Dans les versions françaises, on peut aussi citer les très bons mystères de Gaston Leroux adaptés par Denis Podalydès, Le Mystère de la chambre jaune (2003) et Le Parfum de la dame en noir (2005), très poétiques, éthérés et spectraux.