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Il y a un mois, des images de vidéosurveillance d’une femme qui se fait frapper par un inconnu à la Villette sont devenues virales. La vidéo de Caroline, qui témoigne d’une situation de harcèlement à Strasbourg, suivrait le même chemin. Mise en ligne le mercredi 22 août, elle a pour l’instant été vue plus de 277 000 fois.
Des chiffres alarmants
Le harcèlement de rue fait partie du quotidien d’une grande partie des femmes en France. En avril dernier, une étude publiée par la fondation Jean-Jaurès révélait que huit Françaises sur dix (81 %) avaient déjà été confrontées à au moins une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue ou les transports en commun.
L’enquête trouvait également que le harcèlement de rue ne se limitait pas à des commentaires déplacés ou à des sifflements, puisque 41 % des femmes interrogées avaient déjà fait l’objet d’un contact sexuel forcé (compris comme “frottage, pelotage, pénétration”) dans un lieu public, notamment dans les transports, où l’incident est plus récurrent que dans la rue.
En 2015, une étude du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes révélait que 100 % des utilisatrices de transports en commun ont été victimes au moins une fois de harcèlement sexiste ou d’agressions sexuelles. Malgré l’omniprésence de ces comportements dans la société française, ils restent la plupart du temps impunis, faute de “preuves” et d’un cadre juridique adapté.
Suite au projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles du gouvernement, une amende d’au moins 90 euros pénalisera désormais “l’outrage sexiste” dans les rues. À présent, les forces de l’ordre pourront donner une contravention à l’agresseur tant qu’il est pris sur le fait.
“Tous les jours, c’est ce que nous vivons”
Si l’efficacité de cette nouvelle loi doit encore être vérifiée, la diffusion de vidéos comme celle de Caroline a permis de maintenir le débat sur les réseaux sociaux. Cependant, la popularité de ces vidéos virales risque parfois de nous éloigner du cœur du sujet : combattre le sexisme au-delà d’Internet.
Sur la Toile, témoignages et vidéos démontrent qu’hommes et femmes ont une expérience radicalement différente de l’espace public. La violence des hommes envers les femmes dans la rue n’est que le faible écho de normes dictées par une société patriarcale qui valorise, notamment, les démonstrations de virilité incessantes.
Le harcèlement de rue ne serait donc pas un problème ponctuel ou une anecdote isolée, mais plutôt l’un des nombreux symptômes de la société sexiste dans laquelle nous vivons. “Tous les jours, c’est ce que nous vivons, des remarques à répétition”, rappelle Caroline dans le texte qui accompagne sa vidéo. Elle liste ensuite des agressions similaires :
“Un jour, un homme dans le tram m’a flanqué une énorme claque sur les fesses parce que je portais un legging. J’ai essayé de riposter, il s’est levé et m’a insulté de pute, de fille de pute. Un jour, je me suis fait frapper violemment à la tête et j’ai pris des coups dans les jambes, car j’ai refusé des avances d’un groupe d’hommes en soirée. Un jour, je me suis fait traiter de pute et j’ai eu le droit à un ‘t’as qu’à pas t’habiller comme ça’ : nous étions en hiver, j’avais un pull et un jean noir et… des talons.”
Un phénomène sociétal banalisé
Sous la publication de Caroline, des commentaires appuient l’idée qu’il s’agit d’un problème sociétal :
“Le pire, c’est que si tu vas montrer ça en poste de police, on va te rire au nez… Il est là le réel problème. On devrait pouvoir faire valoir ces vidéos. Pouvoir retrouver les individus et les mettre dans un programme d’éducation et de respect envers la femme et les autres. La prise de conscience est trop minime. Et ça commence par se faire accueillir et respecter correctement par la justice quand on va devant elle et qu’on dénonce ce genre de comportements. Gros soutien en tout cas de ma part !”
Une autre internaute ajoute : “Moi aussi j’en ai marre, je ne sais plus quoi faire, répondre ? Faire comme si je n’avais pas entendu ? Marcher tout droit sans regarder avec mes écouteurs dans les oreilles qui sont pourtant sans musique ? Sortir ma bombe au poivre ?”
Si certains commentaires laissent croire que le harcèlement de rue est l’apanage des banlieues déprimées, aucune étude n’établit pourtant de “profil type” du harceleur. La scène filmée par Caroline a lieu à l’Esplanade, où se trouve l’université de Strasbourg. “C’est pas un ‘quartier, explique un commentaire, c’est tout simplement à l’Esplanade en face de la fac, donc pas un quartier ‘chaud’ avec plein de racailles !”