Gillian Laub a documenté le quotidien de sa famille pro-Trump et questionne ses privilèges

Gillian Laub a documenté le quotidien de sa famille pro-Trump et questionne ses privilèges

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© Gillian Laub

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le , modifié le

Dans Family Matters, la photographe Gillian Laub questionne le milieu privilégié d’où elle vient.

“La famille, c’est compliqué, précisément parce qu’elle nous moule et nous défie à la fois. La difficulté n’est pas d’abandonner nos propres valeurs ou les personnes que nous aimons. La difficulté est de faire cohabiter les deux”, écrit Gillian Laub à propos de son projet Family MattersPublié aux éditions Aperture, cet ouvrage “analyse les divisions politiques des États-Unis” à travers la splendeur et la décadence d’une famille, celle de la photographe.

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Cette dernière a immortalisé sa famille et ses ami·e·s sur vingt ans pour “explorer la façon dont les grands enjeux de la société se répercutent bien souvent dans nos relations les plus intimes”, détaille la maison d’édition. La famille Laub devient donc le reflet des cinq dernières années trumpistes, et se fait l’écrin d’un théâtre où se joue cette discorde chaotique.

Papa jouant au golf, 2019, Family Matters (Aperture, 2021). (© Gillian Laub)

L’artiste se souvient d’un sentiment ambivalent qu’elle a expérimenté dès sa jeunesse : elle voulait à la fois “les prendre dans ses bras et s’en éloigner”. “Ce livre est une exploration des sentiments contradictoires que j’ai à l’égard d’où je viens – et des personnes que j’aime et que j’estime mais contre lesquelles, récemment, dans une Amérique divisée, je lutte vraiment”, écrit Gillian Laub.

Ne partageant par les valeurs humaines et opinions politiques que ses proches, la photographe états-unienne a dû prendre un certain recul avant de se lancer dans cette série. Deux fractures se sont ainsi faites : en 2016, lors de l’élection de Trump et en 2020, lors de la résurgence du mouvement Black Lives Matter. “J’ai commencé à analyser mes relations familiales et je me suis rendu compte qu’elles reflétaient bien plus ma relation au monde extérieur que je ne pouvais le penser.”

Maman après son yoga, 2020, Family Matters (Aperture, 2021). (© Gillian Laub)

Les 80 photos figurant dans l’ouvrage Family Matters (“La famille compte”) dépeignent une Amérique de privilège. Laub s’attache à représenter les failles et la vulnérabilité de sa famille, qu’elle n’a pas choisie, certes, mais qu’elle ne souhaite pas condamner pour autant.

Ces images relatent des scènes de mariage et de bar-mitzvah chics ; de yoga dans des salons cossus passant en fond un discours de Trump sur un écran de télévision ; de golf où l’on arbore des casquettes “Make America Great Again” ; de Thanksgiving dégueulant de dindes ; et de tendres attentions, comme cet anniversaire fêté derrière une fenêtre, pendant la pandémie.

Gillian Laub use du registre de l’humour et penche vers l’autodérision et la caricature à travers des scènes bling-bling et une retouche opulente – des couleurs généreuses et très saturées, des compositions chargées… En filigrane, ce livre traite du pouvoir des liens sacrés familiaux, de résilience et d’acceptation.

Grand-père aidant grand-mère à sortir, 1999, Family Matters (Aperture, 2021). (© Gillian Laub)

Le jardin de Chappaqua, 2000, Family Matters (Aperture, 2021). (© Gillian Laub)

Papa coupant la dinde, 2004, Family Matters (Aperture, 2021). (© Gillian Laub)

Ma cousine Jamie captivant l’audience, 2003, Family Matters (Aperture, 2021). (© Gillian Laub)

Maman et Papa en compagnie de la wedding planner, 2008, Family Matters (Aperture, 2021). (© Gillian Laub)

Mon anniversaire en quarantaine, 2020, Family Matters (Aperture, 2021). (© Gillian Laub)

Family Matters de Gillian Laub est publié aux éditions Aperture.