Des personnages élancés à la texture irrégulière, des têtes de toutes tailles… Le musée des Abattoirs de Toulouse expose des œuvres d’après-guerre d’Alberto Giacometti pour mettre en lumière l’influence du sculpteur suisse sur les mouvements artistiques et intellectuels de son temps. Sous les arcades en briques de la nef du musée, son plus grand espace d’exposition, sont installées les œuvres les plus imposantes et les plus connues : une Grande Femme de près de trois mètres de haut, une Grande Tête de plâtre et un Homme qui marche à taille humaine.
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Cette dernière pièce est “un peu son Guernica“, soutient Émilie Bouvard, directrice scientifique de la Fondation Giacometti, qui a prêté ses œuvres au musée jusqu’au 21 janvier 2024. Tout au long du parcours s’enchaînent des personnages aux longues jambes en bâtons et aux pieds démesurés, dont le caractère souvent androgyne “offre une très belle surface de projection pour le public”, souligne Annabelle Ténèze, directrice du musée qui doit le quitter prochainement pour diriger le Louvre-Lens.
Après une parenthèse surréaliste dans les années 1930, Alberto Giacometti quitte le mouvement d’André Breton pour revenir à un travail plus figuratif. Il s’intéresse à la perception de l’humain et représente ainsi des personnages aperçus dans la rue, plus petits selon la distance à laquelle il les a vus. Son travail inspire Jean-Paul Sartre, qui le considère comme un artiste phare de l’existentialisme. Des dessins de Giacometti sur des pages de la revue Les Temps modernes et d’autres textes d’intellectuel·le·s sont ainsi exposés dans une première salle, avec de petites têtes sculptées dont celle de Simone de Beauvoir.
“On a souvent l’image presque d’Épinal d’un Giacometti seul, isolé, photographié dans son atelier de 24 mètres carrés à Montparnasse […]. Ce travail d’atelier est constant mais il occulte peut-être comment Giacometti est représentatif de son temps”, relève Annabelle Ténèze. “Il plaît aux artistes figuratifs et il plaît aux abstraits”, remarque Émilie Bouvard.
Les écrivains français Jean Genet et Georges Bataille ou le philosophe japonais Isaku Yanaihara sont ainsi cités comme des amis influencés par son travail. On retrouve aussi un arbre décharné à quatre branches, réalisé par Giacometti comme décor pour la pièce En Attendant Godot en 1961, à la demande de Samuel Beckett. L’exposition se termine par des œuvres d’artistes contemporain·e·s autour de la marche et de la déambulation, des thèmes importants pour Giacometti.
“Le temps de Giacometti (1946-1966)”, une exposition à voir jusqu’au 21 janvier 2024, au musée des Abattoirs de Toulouse.