Pour la première fois à Paris, une vaste rétrospective rend hommage à l’œuvre luminescente d’Anna-Eva Bergman (1909-1987), peintre majeure de l’après-guerre. Intitulée “Voyage vers l’intérieur”, l’exposition, qui s’ouvre jusqu’au 16 juillet au Musée d’art moderne de Paris, a été inaugurée par la reine Sonja de Norvège en présence de Brigitte Macron.
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Composée de plus de 200 œuvres, dont des photographies, dessins et documents d’archives, elle entend “montrer l’ensemble de son œuvre de A à Z”, s’enthousiasme la commissaire Hélène Leroy lors du vernissage. L’ambition du projet ne s’arrête pas là : par l’abondance des documents et des œuvres, le public est plongé dans le processus créatif de l’artiste et le cheminement qui a mené à l’affirmation de son art singulier. Un projet qui a pris vie quatre ans après celui consacré au même endroit à Hans Hartung (1904-1989).
Née à Stockholm le 29 mai 1909 d’un père suédois et d’une mère norvégienne, Anna-Eva Bergman a été reconnue par ses pairs, avant que l’Histoire la fasse sombrer dans l’oubli. Formée à l’école de Vienne, elle découvre le modernisme à Berlin. Et rencontre son futur époux : le peintre allemand Hans Hartung, figure incontournable de l’abstraction. Les deux artistes se marient jeunes, en 1929, puis divorcent huit ans après, avant de se retrouver en 1957, pour ne plus jamais se quitter.
Anna-Eva Bergman, N°45-1971 Crête de montagne, 1971, Musée d’Art Moderne de Paris. (© Adagp, Paris, 2023/Laurent Chapellon – Key Graphic)
“Inclassable”
Si elle expose partout en Europe, son travail reste dans l’ombre de celui de son mari. Pas complètement abstraite, ni figurative, l’œuvre d’Anna-Eva Bergman est “singulière”, un peu “inclassable”, assure Mme Leroy. L’artiste elle-même qualifiera sa peinture de “non figurative”.
Son thème de prédilection ? La nature, des fjords de son pays natal qu’elle arpentera pendant des années aux paysages secs et arides d’Andalousie ou des Baléares – elle a vécu à Minorque – en passant par la mer Méditerranée qu’elle admire à Antibes (où se trouve la Fondation Hartung-Bergman).
Sans oublier les pierres et galets. À chaque fois, le public devine les traits d’une vallée, d’une montagne ou d’une écorche. Se dégagent une émotion et une tranquillité. “Il y a quelque chose de l’ordre de la méditation”, souligne la commissaire. Comme avec cet immense soleil, qui a été prêté par le Parlement de Norvège, ou le tableau Crête de montagne, dans lequel le public a l’impression d’être en immersion.
Anna-Eva Bergman, N°4-1967 Montagne transparente, 1967,<br>Fondation Hartung-Bergman. (© Adagp, Paris, 2023/Photo : Claire Dorn)
Ces tableaux, peints après-guerre, sont ceux de la maturité. Ceux où l’artiste comprend qu’elle a enfin trouvé sa voie, propre. Car avant de peindre ces œuvres traversées de feuilles d’or ou d’argent, elle a été un temps journaliste et illustratrice. Plusieurs de ses caricatures de guerre dénoncent la montée du nazisme, dont elle voit les prémices à Berlin à la fin des années 1920. Une autre, datant de 1935 et intitulée El generalissimo, se moque du “Caudillo”, Francisco Franco.
L’artiste s’intéresse aussi pendant un temps à l’art figuratif, qu’elle délaissera définitivement après la guerre. À la fin des années 1970, le couple s’installe à Antibes dans une villa-atelier, ouverte au public depuis moins d’un an. “Avant même l’existence de la Fondation, on qualifiait les amis artistes et admirateurs du couple de ‘bande à Hartung’. Aujourd’hui, je suis très heureux qu’il y ait une ‘bande à Bergman'”, a loué le directeur de la Fondation Hartung-Bergman, Thomas Schlesser.