Opprimées, impuissantes ou réduites au silence, les femmes du Moyen-Orient ? Le LACMA bat en brèche ces clichés éculés avec une exposition qui souligne en creux les luttes de toutes les femmes du monde, en plein débat sur l’avortement aux États-Unis.
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Le public est accueilli par l’image d’une Iranienne, portant un voile noir et des gants de boxe rouges : photographiée seule au milieu d’une avenue déserte, elle semble prête au combat. Ce cliché de la photojournaliste iranienne Newsha Tavakolian résume l’intention de cette exposition ouverte au musée californien jusqu’au 24 septembre 2023.
“Il y a tellement de gens qui pensent que toutes les femmes du Moyen-Orient sont les mêmes, qu’elles sont toutes oppressées, invisibles, avec des vies horribles”, explique à l’AFP la commissaire Linda Komaroff. “Ce n’est pas vrai. Elles sont comme les autres femmes partout ailleurs. Elles ont une capacité à agir, et elles s’en servent.”
L’avortement en filigrane
Photographies, sculptures, peintures… Avec cette collection de 75 travaux d’une quarantaine de femmes, la curatrice souhaite “changer l’attitude états-unienne envers les femmes des pays islamiques”. En filigrane, l’événement rappelle que les menaces envers les femmes traversent absolument toutes les sociétés et résonne avec l’actuelle remise en cause du droit à l’avortement aux États-Unis.
L’exposition tombe “au bon moment”, selon Mme Komaroff car depuis que la Cour suprême a permis en juin à chaque État d’adopter ses propres lois sur la question, “les choses se dégradent pour les femmes états-uniennes en ce qui concerne le contrôle de leur propre corps.” “Les femmes états-uniennes ont été suffisantes. C’est facile pour elles de regarder un autre pays ou une autre région et dire que ‘nous sommes mieux loties qu’elles’. Mais peut-être pas. Peut-être que nous sommes toutes dans le même bateau.”
Intitulée “Les femmes définissant les femmes dans l’art contemporain du Moyen-Orient et au-delà”, l’exposition met en avant des artistes issues d’une vingtaine de pays différents. Arabie saoudite, Turquie, Liban ou encore Afghanistan : elles abordent des thématiques à la fois intimes et universelles.
Réappropriation des corps
L’exposition propose notamment une réflexion autour de la réappropriation des corps. Une section entière est par exemple consacrée à la représentation du vagin. D’autres travaux surprennent par leur audace. Comme ce buste de femme, doté d’une poitrine recouverte de strass et de paillettes, sur laquelle s’enroule une ceinture à munitions. Une sculpture réalisée par Laila Shawa, adepte du pop art, pour dénoncer l’existence de femmes forcées de s’enrôler comme kamikazes en Palestine.
Mais le plus gros contingent d’œuvres provient de créatrices originaires d’Iran, actuellement secoué par une large vague de contestation, depuis la mort en septembre de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée sous le prétexte qu’elle ne portait pas correctement son voile.
Des clichés en noir et blanc d’Hengameh Golestan montrent des foules de manifestantes tête nue dans les rues de Téhéran en 1979, pour protester contre le port du hijab imposé par la République islamique, qui venait alors d’être créée.
Des portraits de 2008, réalisés par la photographe Shirin Aliabadi, soulignent également l’esprit frondeur de la génération suivante. “Ce sont les grand-mères et les mères des jeunes femmes qui manifestent en Iran aujourd’hui”, observe Mme Komaroff. “Elles ont transmis leur courage et leur ardeur à leurs filles.”