“Quelle joie de vous voir” : derrière ce titre accueillant, le festival des Rencontres de la photographie d’Arles réunit les clichés de 26 artistes japonaises dont le travail, peu connu, navigue entre vie quotidienne et expérimentations techniques. Les photographes japonaises, “peut-être plus que les photographes françaises et états-uniennes par exemple, ont eu du mal à se faire une place dans le paysage artistique”, en partie parce que la société japonaise “ne laisse pas forcément beaucoup d’espoir à une femme qui ne veut ni être mère, ni être femme à temps complet et qui peut-être a d’autres passions”, indique à l’AFP une des commissaires de l’exposition, Pauline Vermare.
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Une autre explication tient au fait qu’“au Japon, pendant très longtemps, il n’y a pas eu de musées qui présentaient de la photographie, il n’y avait pas de collectionneurs”, poursuit Pauline Vermare, précisant que les artistes exposées représentent un “grand nombre de générations, de styles et d’approches” sur une période allant des années 1950 à nos jours. “Quelle joie de vous voir” est l’une des nombreuses expositions présentées, depuis le 1er juillet et jusqu’au 29 septembre, par Les Rencontres d’Arles, un des festivals de photographie les plus réputés au monde, qui a pour thème cette année “sous la surface”, une ode à la diversité du monde.
Sans titre, série Tōdai Zenkyōtō, Rassemblement de tous les campus de l’université de Tokyo, 1968-1969. (© Watanabe Hitomi/Aperture)
L’exposition sur les photographes japonaises est le fruit de quatre années de travail, au terme desquelles les clichés ont été sélectionnés autour de trois thèmes : les critiques de la société, le quotidien et enfin les expérimentations autour de la photographie. Dans la ville provençale au riche passé romain, le public pourra donc admirer les tirages ultra-colorés de la quinquagénaire Mika Ninagawa, les images de sa cadette Mari Katayama, qui la montre avec ses prothèses de jambes, ou encore la photo provocatrice de Yurie Nagashima, où une femme enceinte quasiment nue fait un doigt d’honneur, les yeux rivés sur l’objectif.
Buttai [Objet], 1986. (© Yamazawa Eiko/Aperture)
“La connexion invisible entre les personnes”
Parmi les artistes exposées, on trouve également Asako Narahashi et ses paysages aquatiques, ou encore Yuki Tawada. Cette artiste, née en 1978, utilise des restes de clichés brûlés, provenant notamment de “photographies grand public qu’elle a trouvées”, explique Mariko Takeuchi, autre commissaire de l’exposition. Le travail de Yuki Tawada “inclut sa famille” et “fait également référence à une sorte de famille anonyme. Son intérêt est toujours au niveau de l’invisible. La connexion invisible entre les personnes”, précise Mariko Takeuchi.
Cette artiste explore la matérialité des tirages “avec une méthode tout à fait unique”, poursuit la commissaire, attirant ainsi l’attention du public sur des œuvres qui s’apparentent à des céramiques mais sont en fait de petits vases ocre et beiges produits à partir de résidus de photos. L’exposition “est née d’un désir de présenter des photographes qui avaient très peu exposé en dehors du Japon”, a souligné Pauline Vermare, assurant que plusieurs artistes s’étaient rencontrées, parfois pour la première fois, à Arles. “Chacune d’elles a travaillé de manière très indépendante, sans parfois exposer de son vivant”, précise Pauline Vermare.
Pour Lesley A. Martin, la troisième commissaire, cette exposition vient “combler les lacunes dans l’histoire de la photographie japonaise”, dans laquelle habituellement “on voit très peu de femmes”. “Nous voulions vraiment leur rendre leur place”, poursuit-elle, évoquant le travail de celles “qui travaillent contre certaines des idées dominantes, façon dont nous, en Occident, avons appris à connaître la photographie japonaise”. Les Rencontres d’Arles présentent également cette année la première rétrospective mondiale de la portraitiste états-unienne Mary Ellen Mark, ainsi que les œuvres de l’Espagnole Cristina de Middel et de Sophie Calle.
Sans titre, 1997, série Hiroki. (© Nomura Sakiko/Aperture)