Originaire du Bélarus, Jana Shostak hurle sa colère depuis l’année 2020, en réaction à la réélection contestée de l’homme fort de ce pays, Alexandre Loukachenko, qui dirige cette ancienne république soviétique depuis 1994.
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“C’est un cri de désespoir, de colère, d’impuissance face à ce qui se passe dans notre pays”, a déclaré Jana Shostak à l’AFP cette semaine, juste après avoir crié une nouvelle fois pendant toute une minute lors d’une des manifestations quasi quotidiennes qui se tiennent devant les bureaux de la Commission européenne à Varsovie.
L’artiste y arrive en taxi pour participer au rassemblement. Elle crie avant même de descendre de la voiture, vêtue d’une robe en coton aux couleurs du drapeau blanc-rouge-blanc utilisé par l’opposition bélarusse.
Ses compatriotes et des allié·e·s polonais·es s’y joignent et très vite, des dizaines de personnes clament leurs émotions près des terrasses de cafés bondées, en exhortant l’Union européenne à prendre davantage de mesures contre Alexandre Loukachenko. “Nous en avons assez. Nous voulons de vraies sanctions”, insiste Jana Shostak.
Ses cris sont désormais entendus bien au-delà de Varsovie. Cette forme inhabituelle de protestation est devenue virale sur les réseaux sociaux et, cette semaine, l’acteur polonais Bartosz Bielenia a surpris le Parlement européen en lançant son cri pour le Bélarus après avoir reçu le prix du cinéma européen Lux.
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“Ultime forme de protestation”
L’un des cris de Jana Shostak a connu, en ligne, une popularité particulière. Il date du 24 mai 2021, un jour après l’interception par le régime Loukachenko d’un vol Ryanair reliant deux capitales européennes, pour arrêter un journaliste dissident et sa compagne qui se trouvaient à bord.
Ce cri a suscité une controverse supplémentaire en Pologne en raison du commentaire d’une députée de gauche, Anna Maria Zukowska, critiquant le décolleté de Shostak. “Je pensais que nous vivions au XXIe siècle et que les gens pouvaient choisir le genre et la tenue qu’ils voulaient, s’exprimer comme ils le souhaitent”, a répondu alors l’artiste.
“Le fait qu’il y ait eu une tempête médiatique, non pas à cause de la situation dramatique au Bélarus mais parce que je ne portais pas de soutien-gorge, et que cela vienne de la part d’une femme politique de gauche, m’a vraiment décontenancée”, a-t-elle déclaré. L’activiste a rapidement profité de cet intérêt public pour en faire un élément caractéristique des manifestations, à l’instar du célèbre mouvement ukrainien Femen, connu pour ses manifestations seins nus.
Elle a encouragé les participant·e·s à peindre sur leur poitrine les logos des entreprises qui font leurs affaires au Bélarus, une façon de faire campagne en faveur de sanctions économiques européennes et de convaincre ces entreprises à “cesser de soutenir le régime”.
© Wojtek Radwanski/AFP
“J’aime beaucoup cette combinaison de cris et de nudité… C’est la forme ultime de protestation”, a déclaré Jan Jurczyk, un artiste de 25 ans portant un logo Rolls Royce sur sa poitrine. Jana Shostak, doctorante aux Beaux-Arts de Wroclaw (sud-ouest), a déménagé en Pologne durant l’adolescence.
Elle a déjà fait campagne pour que le mot “réfugié” soit remplacé en polonais par le mot “nouvel arrivant” et pour l’utilisation généralisée de suffixes féminins, y compris pour les noms de professions.
Elle est retournée au Bélarus en août 2020 pour voter à l’élection présidentielle et a participé aux manifestations de masse qui l’ont suivie, accusant M. Loukachenko d’avoir truqué le résultat. “Je vais crier jusqu’à ce que la révolution emporte. Et un jour de plus, juste au cas où”, déclare-t-elle.
Avec AFP.