“En avant, en arrière… On met tout, les bras, les jambes, le sourire.” Qu’ils soient employeur·se·s ou demandeur·se·s d’emploi, Emmanuel, Abdou, Thaïs, Stéphanie et les autres bougent et transpirent ensemble, pour cet atelier de danse organisé par Pôle emploi afin de “faciliter” les recrutements. L’objectif de cette journée cocasse de job dating – pensée sur le modèle de l’expérience “Du stade vers l’emploi” développée sur les terrains de sport – est de proposer un espace différent de rencontre aux candidat·e·s et aux recruteur·se·s de la sphère culturelle locale.
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Le premier atelier s’est déroulé cette semaine dans une salle de répétition à Bron, dans la banlieue lyonnaise, avec une série d’exercices en musique réunissant une soixantaine de participant·e·s de tout âge et de toute condition physique, pieds nus, en chaussettes ou chaussures de sport. “Normalement, un entretien, c’est : envoi de CV, réception, entretiens en face à face très formel. Là, ce qui est intéressant, c’est l’aspect mise en mouvement, danse, anonymat… Ce qui permet de déstresser”, souligne le chorégraphe Abdou N’Gom, venu chercher le bon profil pour remplacer l’administratrice de sa compagnie.
Ce professionnel de 50 ans n’aurait jamais, de lui-même, pensé à danser avec les candidat·e·s pour un poste de ce type – et à raison. Mais il se dit prêt à “réitérer l’expérience” car il a constaté que “l’approche corporelle permet de détecter des aptitudes” et “apporte une sensibilité différente”, avec, selon lui, un effet miroir entre l’engagement corporel et l’engagement au travail. Le but des organisateur·rice·s était justement de “proposer autre chose que des entretiens de recrutement traditionnels”, avec un prisme fort sur le savoir-être, “très regardé” dans le processus d’embauche, explique Sabine Danquigny, directrice de l’agence régionale Pôle emploi “Scène et image”.“Aujourd’hui, les employeurs nous disent : ‘Finalement, pour moi, les compétences techniques peuvent s’acquérir, ce qui est important c’est la façon dont la personne va se comporter’.” Bon, on n’est pas sûr·e·s que les employeur·se·s se disent vraiment ça, mais soit.
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“Zone de confort”
La règle du jeu est la même que celle des rendez-vous “Du stade vers l’emploi” : les participant·e·s sont identifié·e·s par leur seul prénom pendant l’atelier danse, jusqu’au moment de la rencontre en face à face, dans un box classiquement équipé d’un bureau et de deux chaises. “Pour le candidat, c’est un moyen de valoriser son profil, son talent. Pour l’entreprise, c’est un moyen d’aller repérer des personnes qui pourraient tout à fait intégrer un poste”, explique Sabine Danquigny. Mouais.
Certain·e·s employeur·se·s étaient “un peu frileux” et il a fallu les convaincre, leur démontrer que l’atelier offre des indices d’aptitude type “communication, leadership, prise de décision, réactivité, adaptabilité”, détaille cette ancienne danseuse de 54 ans, en poste depuis la création en 2010 de l’antenne spécialisée sur la culture. La séquence dansée, composée de mouvements très simples, avec des figures guidées et de l’expression libre en groupe, en équipe ou en binôme, a été conçue par la compagnie de Mourad Merzouki, très tournée vers les nouveaux publics et les “non-danseurs”. “L’idée, c’est vraiment d’embarquer chacun des participants, de l’inviter à bouger, à se faire plaisir”, explique le chorégraphe quinquagénaire venu à la danse contemporaine à travers le hip-hop.
Le partenariat de la compagnie avec Pôle emploi permet “de sortir de notre zone de confort et de se réinventer avec des projets autres que de la programmation de danse ou l’accueil des artistes… Et je crois qu’on est dans une société où il faut inventer des rendez-vous un peu inédits”, dit-il. En recherche d’emploi, Kaïs Gherbi, 23 ans, est venu à Bron “sur les conseils de sa conseillère” et dit avoir réussi “à se libérer” pendant l’atelier de danse alors que “dans un entretien, on est toujours un petit peu stressé, avec la boule au ventre face à l’employeur”. “Il y avait une belle énergie dans la salle”, dit celui qui ne compte pas vraiment trouver ici l’emploi de ses rêves en tant qu’assistant de mise en scène, mais se félicite de “faire du réseau”. La journée lui a permis de se présenter à un directeur de casting venu chercher de nouvelles silhouettes pour un projet de téléfilm.