Un couple s’étripe en justice avec un brocanteur qui leur a acheté pour rien ce rare masque africain pillé

Un couple s’étripe en justice avec un brocanteur qui leur a acheté pour rien ce rare masque africain pillé

Image :

© Simon Lee/Unsplash

Après son achat pour 150 euros, le brocanteur avait revendu le masque pour 4,2 millions. Mal informé, le couple réclame une partie de cette somme. Sauf que le Gabon entre en jeu.

C’est une dispute autour d’un masque africain qui se déroulait au tribunal d’Alès, ce mardi. Acheté 150 euros par un brocanteur, puis revendu 4,2 millions d’euros aux enchères, un rarissime masque sculpté gabonais était au cœur des débats. Mais une troisième partie s’est invitée, l’État du Gabon, qui entend bien récupérer ce trésor pillé. Absent à l’audience mardi, le couple d’Eure-et-Loir, “propriétaires initiaux” du masque du peuple Fang, a saisi la justice pour en faire annuler la vente à un brocanteur en septembre 2021, a précisé leur avocat Me Frédéric Mansat Jaffré.

À voir aussi sur Konbini

Faute de pouvoir récupérer l’objet, le couple réclame le montant de la valeur du masque à l’issue de sa vente aux enchères à Montpellier en mars 2022. Le couple, un greffier à la retraite de 88 ans et son épouse, mère au foyer de 81 ans, avait fait appel à un brocanteur pour se débarrasser des vieilleries accumulées dans leur résidence secondaire du Gard. Parmi ces objets apparemment sans valeur : un masque en bois sculpté ayant appartenu à un aïeul, ancien gouverneur colonial en Afrique, qu’ils allaient finalement brader 150 euros, en même temps que des lances, un couteau à circoncire, un soufflet et des instruments de musique.

Le brocanteur en avait fixé le prix “en s’appuyant sur des sites Internet dédiés” et sur des avis de commissaires-priseur·se·s “qui ne voulaient pas de l’objet”, a précisé Me Patricia Pijot, son avocate, soulignant que son client “n’est pas un professionnel de l’estimation ni de l’art africain”. Absent lui aussi à l’audience, le commerçant gardois nie toute volonté d’escroquerie et maintient que la vente aux enchères subséquente est donc totalement légale. Pour preuve de son honnêteté, a rappelé son avocate, il avait même proposé de verser au couple la valeur de 300 000 euros estimée par les expert·e·s priseur·se·s de l’hôtel des ventes de Montpellier pour ce “masque rarissime du XIXe siècle, apanage d’une société secrète du peuple Fang au Gabon”.

Ni au couple ni au brocanteur : l’État gabonais demande la restitution du masque

Dans le certificat de la première vente, entre le couple et le brocanteur, il était décrit comme étant un “masque africain, d’environ 54 centimètres, troué, à restaurer, avec du raphia et une boucle d’oreille en tissu rouge”. Le catalogue de la salle de ventes de Montpellier précisait lui que cet objet rare avait été “collecté vers 1917, dans des circonstances inconnues, par le gouverneur colonial français René-Victor Edward Maurice Fournier (1873-1931), probablement lors d’une tournée au Gabon”.

Mais c’est donc une tierce partie qui pourrait finalement récupérer le masque. En introduction du procès mardi matin à Alès, deux avocats représentant le gouvernement de transition du Gabon ont en effet demandé à ce que leur intervention volontaire soit jugée recevable, afin de “parvenir à l’annulation successive des ventes de ce masque, à son rapatriement et à la consignation des fonds”. L’État gabonais réclame également “un sursis à statuer” pour poursuivre en parallèle une procédure pénale lancée au tribunal judiciaire de Montpellier, a précisé la présidente du tribunal Me Olivia Betoe, au nom des autorités de Libreville.

Après qu’une première plainte pour recel a été effectuée en mars 2023 par le collectif Gabon Occitanie, qui souhaitait alerter les autorités gabonaises, l’État gabonais lui-même a déposé une plainte, toujours pour recel, en septembre. C’est dans ce cadre qu’une restitution du masque est revendiquée. Acquis par un collectionneur anonyme, le 26 mars, le masque, quant à lui, est désormais dans la nature : “Nous ne savons rien sur sa localisation”, a regretté Me Betoe. Le délibéré a été fixé au 19 décembre 2024.