Token, le rappeur cracheur de feu du Massachusetts

Token, le rappeur cracheur de feu du Massachusetts

Image :

Token page facebook

Focus sur Token, MC précoce du Massachusetts, qui revient faire du bruit et avec son nouvel album, Between Somewhere. Ne fermez plus les yeux sur lui.

À voir aussi sur Konbini

(© Facebook)

Il a l’air mignon comme ça, avec son grand sourire et sa gueule d’ange, mais donnez-lui un micro et il vous attrapera à la jugulaire comme un pitbull pour ne plus jamais vous lâcher. Rimes tranchantes, flow à couper le souffle et un certain talent pour les rap battles, le gars a tout. Pourtant, rien ne le prédisposait à devenir l’un des rappeurs les plus talentueux de sa génération. Bien au contraire.

Ben Goldberg, de son vrai nom, est né dans une famille sans histoire à Salem, dans le Massachusetts. Pourtant, ses jeunes années n’auront rien de rose. À l’âge de sept ans, Ben est diagnostiqué comme souffrant de troubles d’anxiété et de dépression. Cela couplé à un déficit de l’apprentissage et d’élocution. Il aura ainsi un parcours scolaire plutôt chaotique :

“Quand j’étais jeune, les médecins et les analystes m’ont littéralement dit que je ne pouvais pas m’exprimer comme les gens normaux, que mon cerveau n’avait pas la capacité de traiter le langage et de comprendre les mots longs.”

Il est contraint de s’épanouir dans des classes spécialisées et son cas ne s’arrange pas lorsque, à peine arrivé au collège, il rencontre des problèmes d’obésité et de diabète, comme son père, son grand-père et son arrière-grand-père avant lui. Un énième coup du sort qu’il parviendra néanmoins à surmonter par la force de sa volonté.

Une question se pose alors : comment un si jeune enfant peut trouver une force intérieure suffisante pour triompher de tant de maux ? Pour Token, la réponse est toute trouvée : par la force des mots. Comme pour faire un ultime pied de nez à son destin prétendu fatal.

A star is born

Le rap, le jeune Ben le découvre grâce à sa sœur dès l’âge de six ans avec Eminem, 2Pac ou encore Ludacris. Rapidement, il commence à gratter ses premiers textes en catimini dans sa chambre. Dès lors, il cultive sa hargne, peaufine son flow et affine sa plume. Un talent au micro qu’il entretiendra en participant à des concours de freestyle.

Token a 13 ans quand il est repéré par Jon Glass, producteur de quelques-uns des rappeurs indé les plus actifs des États-Unis. Conscient de son potentiel exceptionnel, ce dernier va le prendre rapidement sous son aile. Entre open mic et rap battles, Token commence à se faire un nom et publie son premier freestyle vidéo à 14 ans. Mais c’est à 17 ans que sa vie d’artiste va basculer.

Enchaînant les “freestyle contests”, sa victoire lors du “No Sucka MC’s Contest” de 2015 va tout changer. Pour une raison pure et simple, son freestyle défonce tout. Paroles agressives, assurance, rapidité, technique : la vidéo va devenir virale et dépasse rapidement le million de vues (et cumule plus de quatre millions aujourd’hui). Son orthophoniste le disait pourtant incapable d’aligner correctement les mots… Que quelqu’un lui retire sa licence, s’il vous plaît.

Après quoi, Token tapera dans l’œil d’un autre natif du Massachusetts, la superstar Mark Wahlberg, qui l’appellera son “nouveau rappeur préféré” sur Twitter. Se produira ensuite un effet boule de neige : à tour de rôle, de multiples médias rap, des artistes et des personnalités se chargeront de l’adouber – D12, Clinton Sparks, Fred Durst (de Limp Bizkit) pour ne citer qu’eux.

Aussi, le rappeur et animateur emblématique Sway Calloway l’invitera à poser un nouveau freestyle sur les ondes de son show matinal Sway in the Morning. Encore une fois, le talent de Token fait mouche et, pendant près de six minutes, il crache ses rimes, toujours avec une aisance déconcertante.

Pour l’anecdote, il avouera plus tard dans une interview qu’il avait prévu de débiter deux cent cinquante mesures au total, soit quasi le double de sa performance. Malgré tout, le célèbre magazine XXL ne le sélectionnera jamais dans sa fameuse liste des XXL Freshman. Une injustice que nous nous étions d’ailleurs empressés de souligner.

Un rappeur “d’exception”

Si Token se démarque surtout par son débit effréné et sa technique à couper le souffle, le prodige de Salem s’est aussi illustré en tant que rappeur “conscient”. Alors que Logic éveillait le monde en 2017 avec son hymne anti-suicide, Token lui, a choisi d’aborder un autre thème tout aussi houleux : le harcèlement scolaire.

Extrait de sa première mixtape Eraser Shavings sortie en 2016, “Exception” relate l’histoire d’Andy, un ancien élève de son lycée tyrannisé par deux de ses camarades. Moqueries et insultes sont son quotidien jusqu’à ce qu’il finisse par commettre l’irréparable. Le jeune homme en détresse ne se suicide pas, mais abat d’une balle ses deux oppresseurs.

Bien plus que de dénoncer un véritable fléau du XXIe siècle, ce morceau pointe également du doigt les spectateurs du phénomène. Ceux qui savent, mais qui n’interviennent pas.

Dans le clip, Token joue justement le rôle de l’observateur passif. Une vidéo poignante que l’artiste qualifiait lui-même comme “la plus importante qu’il n’ait jamais tournée”. De même, il ne se passe pas un concert sans que le rappeur ne joue ce morceau. Sans doute le meilleur moyen qu’il ait trouvé pour faire passer le message et éveiller les consciences.

Mais rassurez-vous, ce n’est pas seulement un rappeur technique capable de temps en temps de proposer un morceau engagé. Non, non, c’est toute une palette d’interprétations qu’il a mise au service de sa musique. De multiples facettes qu’il se plaît à illustrer dans des clips toujours ultra-chiadés, à l’image du dernier en date “Threehouse”.

Et n’oublions pas que Token reste avant tout un MC venu du monde des battles. Ainsi, c’est surtout en live que toute sa fougue vient nous mettre une grande claque.

Vers la consécration ?

Après avoir tourné partout dans le monde et dévoilé de nombreux clips, le voilà de retour avec un nouvel album, Between Somewhere. Comme il fallait s’y attendre, sa technique au micro est toujours sans faille et son flow toujours aussi véloce. Subtilité néanmoins, le MC se veut plus ouvert et introspectif. Après écoute, nul doute que ce projet saura propulser un peu plus Token aux portes de la gloire.

Et comme si faire l’unanimité auprès du public underground ne suffisait pas, il se paye aussi le luxe d’avoir ramené Tech N9ne sur son album, la plus grande réussite indépendante du rap US. Comme on dit, les grands reconnaissent les grands. On entend souvent les rappeurs prononcer une phrase quasi prophétique : “Hip-hop saved my life.” Token en est définitivement une preuve vivante.