Alors que le mouvement Black Lives Matter a connu un retentissement mondial et que l’actualité récente a été marquée par le procès de Derek Chauvin, reconnu coupable du meurtre de George Floyd, un nouvel écho à la lutte antiraciste se fait entendre depuis le 9 avril dernier sur nos écrans. Son nom : Them.
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Créée par Little Marvin et produite par Lena Waithe (également de retour dans la saison 3 de Master of None depuis le 23 mai), la série s’inscrit dans la lignée des productions appartenant au black horror, un genre très prisé au cinéma ces dernières années, qui met en avant des personnages Afro-Américains souvent confrontés à une réalité discriminatoire, amplifiée (ou non) par l’utilisation de l’horreur et de ses codes. Le maître en la matière, Jordan Peele, s’est offert une belle renommée (et de beaux succès au box-office) avec Get Out et Us, en apportant modernité, références pop et humour astucieux au propos politique qui déborde de ses œuvres horrifiques. Depuis, le filon continue d’être creusé, que ce soit sur grand écran avec Antebellum ou a sur le petit écran avec Lovecraft Country notamment.
Amazon entre donc à son tour dans la danse avec Them. La série suit les Emory, une famille noire dont le quotidien va virer au cauchemar après qu’elle emmenage au sein d’un quartier résidentiel blanc de Los Angeles dans les années 1950. L’action se passe sur dix journées. Un suivi au jour le jour marqué par la succession d’atrocités que vont subir Lucky (Deborah Ayorinde), Henry (Ashley Thomas) et leurs deux filles. Ces derniers font face à un enchaînement d’actes toujours plus cruels, commis par leur voisinage (les insultes et menaces laissant progressivement la place aux sévices et châtiments corporels). À̀ cela s’ajoute un danger tout aussi pernicieux et imprévisible qui attend chaque membre de la famille Emory : l’omniprésence de véritables fantômes. Des entités perverses, symboles protéiformes de leur mal-être respectif, qui prennent un malin plaisir à tourmenter parents et enfants, les entraînant peu à peu vers une folie de plus en plus concrète.
©AmazonPrimeVideo
Un pitch prometteur, une mise en scène soignée, un casting habité et une reconstitution fidèle des décors et costumes d’époque… Them possède d’indéniables qualités. Au-delà de ces satisfactions, de nombreuses voix se sont en revanche levées sur la Toile pour condamner l’extrême violence exposée sans filtre dans la plupart des épisodes, en particulier le cinquième et le neuvième. Un tel flot de brutalité était-il nécessaire pour que l’on ressente de l’empathie pour les personnages ? C’est la question que beaucoup se posent.
Pour Angelica Jade, critique pour le site Vulture, la réponse est évidemment non. Plus que ça, la journaliste affirme : “Je n’ai aucun mal à considérer [la série] comme l’une des œuvres de pop culture les plus anti-Noirs que j’ai pu voir ces dernières années.” Et de conclure : “Little Marvin et Lena Waithe, comme trop de créateur·rice·s noir·e·s dans l’industrie, ne voient pas l’intérêt à remettre en cause ce statu quo. […] En agissant ainsi, ils et elles utilisent lamentablement la douleur des Noirs pour remplir leurs poches.” Le principal intéressé a justifié à plusieurs reprises ses choix de réalisation et ses intentions derrière la surexposition d’une telle souffrance dans sa série. “Je voulais attraper le spectateur par la gorge et le forcer à affronter l’histoire de la violence contre les corps noirs dans ce pays”, a-t-il notamment expliqué dans une interview du Los Angeles Times.
Cette controverse a en tout cas le mérite de mettre en lumière les limites du black horror. Les prochaines tentatives du genre, aussi bien cinématographiques que sérielles, seront scrutées de très près. Ça tombe bien, un certain Candyman, remake par la réalisatrice Nia DaCosta du film culte de 1992, est attendu en salles cet été.
La première saison de Them est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video.