“Vous peignez une femme nue parce que vous aimez la regarder, vous lui mettez un miroir dans la main puis vous intitulez le tableau Vanité, et ce faisant vous condamnez moralement la femme dont vous avez dépeint la nudité pour votre propre plaisir”, écrivait, en 1972, le critique d’art britannique John Berger dans son ouvrage Voir le voir. De tout temps, de partout, le corps des femmes a été mis à nu, ausculté et représenté par des hommes.
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Réduites à la passivité d’un objet de désir, parfois de crainte, les femmes ont trop souvent été soumises au male gaze des artistes. Avec “The Infinite Woman”, sur l’île de Porquerolles, la Fondation Carmignac déconstruit les féminités traditionnelles dans l’histoire de l’art pour mettre en lumière le potentiel émancipateur et subversif des corps féminins, des mythes originels à aujourd’hui.
Lisa Yuskavage, Pond, 2007. (© David Zwirner)
Une femme, des pirates et une île
La légende des îles d’Hyères raconte que Porquerolles était une femme transformée en île, comme l’île du Levant et l’île de Port Cros qui seraient ses deux sœurs. Inquiet de voir ses filles se baigner au large alors que des bateaux pirates approchaient, leur père aurait supplié que celles-ci soient sauvées, chose exaucée à travers la transformation des trois femmes en étendues de terre.
Inspirée par cette légende, la commissaire de l’exposition britannique Alona Pardo a d’abord exploré les représentations féminines de la collection Carmignac avant d’élargir ses horizons. Ses recherches furent fructueuses : femme sacrée chez Loie Hollowell ou Botticelli, sirène indépendante chez Sofia Mitsola et Kiki Smith, cyborg augmenté chez Lee Bul, femme-araignée chez Frida Orupabo…
Sandro Botticelli, La Vierge à la Grenade, 1445-1510. (© Collection Carmignac)
Féminités puissantes, du classique au contemporain
Réunissant l’art céramique, le dessin, la photographie, la vidéo, le collage ou encore le textile, “The Infinite Woman”, qui réunit quelque 80 œuvres d’art issues d’époques, de courants et d’esthétiques différentes, propose de relire des œuvres classiques aux côtés d’œuvres contemporaines. L’idée ? Libérer les corps féminins des normes de beauté et des injonctions pour ouvrir des perspectives libres et émancipatrices, majoritairement créées par des artistes femmes.
On retrouve ainsi les bad babies sexuelles de Lisa Yuskavage, la beauté grotesque des femmes de John Currin ou les féminités dangereuses et afrofuturistes de Wangechi Mutu, aux côtés des œuvres de Louise Bourgeois, de Judy Chicago, d’ORLAN ou encore de la plasticienne Laure Prouvost. Au-delà de faire dialoguer des œuvres pour mettre en lumière les réappropriations possibles du désir et du pouvoir féminins, l’exposition montre également des représentations fluides de l’identité féminine. C’est un regard artistique nécessaire, à découvrir jusqu’au 3 novembre 2024.
L’exposition “The Infinite Woman” est visible jusqu’au 3 novembre 2024 à la Fondation Carmignac, sur l’île de Porquerolles.
Konbini, partenaire de la Fondation Carmignac.