Suzy Bemba, une actrice atypique au milieu d’un monde un peu trop uniforme

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Suzy Bemba, une actrice atypique au milieu d’un monde un peu trop uniforme

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(© Hazem / Konbini)

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Par Arthur Cios

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À 24 ans, Suzy est déjà l'une des actrices les plus impressionnantes de sa génération, aux choix ambitieux et audacieux. Portrait d'un nom qui va compter — et pas qu'en France.

Depuis plus de quinze ans, Konbini reçoit des artistes et personnalités mondialement connu·e·s de la pop culture, mais a aussi à cœur de spotter des talents émergents.
En 2025, après deux éditions des Talents of Tomorrow, on repart en quête de la relève. La rédaction de Konbini vous propose une série de portraits sur les étoiles de demain sur qui on a envie de miser cette année. Des personnalités jeunes, francophones et talentueuses qu’on vous invite à suivre et soutenir dès maintenant.

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Suzy Bemba est une anomalie. Un cas rare, au milieu d’un monde un peu trop uniforme — même si cela change et évolue.

Imaginez un peu : on parle d’une actrice qui n’a même pas 25 ans, a démarré à 19 ans sans études d’art dramatique ou de théâtre et en effectuant des études de médecine, loin de Paris, qui a déjà monté les marches de Cannes pour un film en Compétition officielle, qui a déjà joué dans une grosse production internationale aux côtés d’Emma Stone et Mark Ruffalo, qui a déjà été au cœur de la meilleure partie de Loups-Garous de l’Histoire, le tout en continuant ses études. Et ce n’est que le début.

Le nom de Suzy Bemba est à retenir et pas uniquement parce que c’est une actrice sur qui il va falloir compter : parce que son parcours pourrait servir d’exemple, ce qui ne veut pas dire que tout a été facile pour autant, contrairement à ce qu’elle peut raconter : 

“J’ai eu de la chance. Ma mère a contacté une agente quand j’étais au lycée et que je passais des concours et celle-ci venait de créer son agence et cherchait des talents et m’a dit de la recontacter à 18 ans, ce que j’ai fait. On entend souvent dire qu’il faut enchaîner les castings, ça n’a pas été mon cas. Toute ma carrière a été un concours de circonstances où les pièces du puzzle s’emboîtent au bon moment. Toujours assez simple et joyeux.”

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Difficilement impressionnable

Ce qui se cache derrière ce concours de circonstances est tout autre. Suzy étudie alors à Vichy et refuse d’arrêter ses études. Elle rate sa première année de médecine “à cause”, dira-t-on, du tournage de Kandisha, son tout premier long-métrage (et sa première expérience professionnelle en réalité), ce qui ne l’empêchera pas de recommencer l’année suivante et de demander à son agente de n’accepter que de très gros projets, histoire de valider sa première année, ce qu’elle fera, avant d’aller vers une école de kiné. Après tous ses multiples projets, on vous le donne en mille : elle est encore en licence de biologie et ce alors qu’elle est une actrice née. C’est-à-dire que la première fois qu’elle a été confrontée à une caméra, elle ne s’en est même pas rendu compte.

“Je ne la vois pas trop, la caméra. C’est assez particulier mais quand je joue, jusqu’au ‘Coupez’, je ne la vois pas. C’est comme entrer dans un vortex : je n’ai plus conscience de la réalité.”

Après cette première expérience, elle tiendra le premier rôle d’une série diffusée sur OCS, L’Opéra. Deux saisons de huit épisodes, de 52 minutes. Autant dire que c’est un sacré gain d’expérience de jeu, qui l’aidera pas mal pour la suite, puisqu’elle enchaînera avec un rôle dans Pauvres créatures de Yórgos Lánthimos, où elle se retrouve à 19/20 ans, pour sa troisième expérience pro, à côtoyer Willem Dafoe, Emma Stone, Mark Ruffalo, et plus encore.

“Le premier jour des répétitions, j’avais deux minutes de retard, tout le monde était déjà là. J’étais stressée, je me demandais ce que je foutais là. Mais ça a duré 30 minutes, parce que Lánthimos nous faisait faire des exercices de clowns pour briser la glace, et ça a marché.”

Elle n’est donc pas facilement impressionnable. Juste après une première expérience hollywoodienne, la jeune actrice française vit ce qui serait le Saint-Graal pour beaucoup : une sélection en Compétition officielle au Festival de Cannes, une montée des marches, pour Le Retour, de Catherine Corsini, ce qu’elle ne vit pas de cette manière.

“C’est particulier parce que ça fait partie de mon métier, mais ce n’est pas mon métier. C’est des crevasses par lesquelles on passe, mais qui ne font pas partie de mon activité première. Quand je suis là-bas, je travaille. C’est du bon temps, c’est différent, c’est luxueux, mais ça reste du travail. Même en soirée à Cannes, je travaille.”

Elle fait tout ça en continuant ses études, bien sûr.

Droite dans ses bottes

Derrière ces choix de parcours pourrait se cacher une stature, un postulat, mais il suffit de discuter quelques secondes pour saisir la sincérité presque déconcertante derrière chacun des propos de l’actrice. Elle dit ce qu’elle pense et pense ce qu’elle dit. Elle est droite dans ses bottes, de bout en bout. 

“J’ai l’impression que mes parents m’ont appris à m’ancrer, à avoir les deux pieds au sol, bien vissés. Même si on tombe, ce n’est pas grave, on a essayé de rester debout.”

Cela se traduit aussi dans des positionnements politiques, comme le fait de fonder une association (l’Association des Acteurices) aux côtés d’autres actrices pour défendre celles-ci, recueillir leurs paroles, les unir dans une industrie qui cherche à les mettre en concurrence et s’organiser. L’ADA symbolise bien le positionnement de Suzy Bemba.

(© Hazem / Konbini)

Sur un autre sujet, celle-ci explique bien volontiers qu’elle passe assez peu de castings en France pour privilégier ceux à l’international. En cause ? Le manque de beaux rôles donnés pour une actrice racisée.

“En termes de représentation, je retrouve toujours les mêmes rôles, je trouve ça très fainéant et très néfaste. En vrai, je n’ai pas arrêté mes études pour au final perpétuer des stéréotypes pour les gens qui les regardent. On a une grande responsabilité, à tous les niveaux, même pour les scénaristes. C’est les premiers à poser des termes, il faut choisir les bons. C’est très important, je prends ça très à cœur. C’est quelque chose qui m’anime, de faire des personnages, de fabriquer des images qui vont rester dans les têtes et de ne pas bousiller les gens, de faire germer de mauvaises graines.”

On vous l’a dit, Suzy Bemba est impressionnante.