Hollywood se dirigeait jeudi vers une grève des acteurs, après l’échec des négociations entre les grands studios américains et le puissant syndicat des acteurs, qui a dénoncé des propositions salariales “insultantes”. “Après plus de quatre semaines de négociations”, le précédent accord a expiré mercredi soir à minuit sans aucun espoir de conciliation, a constaté le syndicat SAG-AFTRA.
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Ses positions sont beaucoup trop éloignées de celles de l’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP), qui regroupe des groupes historiques du cinéma comme Disney, NBCUniversal, Paramount, Warner Bros. Discovery et Sony et des plateformes numériques comme Netflix, Amazon ou Apple.
“Les réponses de l’AMPTP aux propositions les plus importantes du syndicat ont été insultantes et ne respectent pas notre contribution capitale à cette industrie. Les employeurs ont refusé de s’impliquer de manière significative sur certains sujets et, sur d’autres, nous ont complètement ignorés”, a écrit dans un communique publié jeudi ce syndicat, qui représente 160 000 comédiens et autres professionnels du petit et du grand écran. Le bureau du syndicat doit entériner jeudi le début de la grève.
S’ils lançaient ce mouvement, les acteurs rejoindraient alors les scénaristes, qui ont cessé le travail depuis début mai. Ce double mouvement social réunissant les visages et les plumes de l’industrie cinématographique sera une première depuis 1960 à Hollywood. Les deux corps de métier réclament une revalorisation de leur rémunération, en berne à l’ère du streaming. Ils souhaitent également obtenir des garanties concernant l’usage de l’intelligence artificielle, pour empêcher l’IA de générer des scripts ou de cloner leur voix et leur image. L’entrée en grève des acteurs serait un coup dur pour les patrons des studios et plateformes de streaming.
Emmy Awards menacés
Depuis mai, les seules productions qui ont décidé de tourner le font sur la base de scripts déjà terminés au printemps, sans pouvoir les modifier. C’est notamment le cas du prequel du Seigneur des anneaux financé par Amazon, Les Anneaux de pouvoir. Mais, sans comédiens, les tournages ne seraient tout simplement plus possibles. Seuls quelques talk-shows et émissions de téléréalité pourraient se poursuivre.
Les acteurs ont aussi le pouvoir de handicaper sérieusement la promotion des blockbusters de cet été, comme le très attendu Oppenheimer de Christopher Nolan, dont la première à Londres jeudi va être avancée d’une heure pour permettre à son casting d’assurer les interviews avant le début d’une éventuelle grève.
L’absence de comédiens sur les tapis rouges laisserait un grand vide en Californie. Comic-Con, la grand-messe des geeks et amateurs de bande dessinée américains, devrait ainsi se dérouler sans vedettes à partir du 20 juillet à San Diego. Avant la grève, Disney a expliqué que le lancement de son nouveau film, Le Manoir hanté, serait réduit à un “événement privé” pour les fans lors du week-end en cas de mouvement social.
Même la cérémonie des Emmy Awards, équivalent des Oscars pour la télé, prévue le 18 septembre, est menacée. La production envisage déjà de reporter l’événement en novembre, voire en 2024, selon la presse américaine, car nul ne sait combien de temps le mouvement pourrait durer. Les acteurs n’ont pas fait grève depuis 1980. La dernière grève des scénaristes, qui remonte à 2007-2008, avait duré cent jours et coûté deux milliards de dollars au secteur.
Crise existentielle
Une double grève confirmerait la crise existentielle qui frappe actuellement Hollywood. Fin juin, des centaines d’acteurs célèbres, parmi lesquels Meryl Streep, Jennifer Lawrence et Ben Stiller, ont signé une lettre estimant que leur industrie est à un “point d’inflexion sans précédent”.
Depuis une dizaine d’années, l’avènement du streaming a bouleversé les rémunérations “résiduelles” des acteurs et scénaristes, découlant de chaque rediffusion d’un film ou d’une série. Intéressants avec la télévision car calculés en fonction du tarif des publicités, ces émoluments sont bien moindres avec les plateformes de streaming, qui ne communiquent pas leurs chiffres d’audience et paient un forfait, indépendamment du succès.
Sans ces revenus essentiels pour absorber les périodes d’inactivité entre deux productions, les nombreux travailleurs qui n’ont pas le statut d’acteur ou d’auteur star dénoncent une précarisation de leur métier. Le développement rapide de l’intelligence artificielle, qui menace de les remplacer, ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. Disney a par exemple eu recours à l’IA pour produire le générique de sa nouvelle série lancée en juin, Secret Invasion.