“Je me dois d’écouter mes limites”, écrit mardi Stromae : on le croyait sorti de “L’enfer”, ce burn-out traduit par une pause scénique de sept ans, mais le chanteur belge annule sa tournée jusqu’à fin mai. “Je dois me résigner au fait que ma santé ne me permet malheureusement pas de continuer à venir à votre rencontre pour l’instant”, indique-t-il dans un communiqué. “Je partage avec vous cette nouvelle avec énormément de regret et une profonde tristesse, mais je me dois d’écouter mes limites.”
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“Entouré de ma famille, je dois prendre le temps de me rétablir pour reprendre, quand je le pourrai, la suite des concerts […]. Prenez bien soin de vous”, conclut l’artiste de 38 ans. Dans le meilleur des cas, on le retrouverait le 1er juin à Bruxelles pour une tournée qui doit se terminer dans la même ville le 9 décembre, après des passages en France et aux Pays-Bas.
Comme un mauvais refrain. Essoré par une tournée mondiale XXL dans la foulée de l’album tubesque Racine carrée (2013), Stromae avait une première fois jeté l’éponge fin 2015, sapé par une dépression aggravée par les effets secondaires d’un antipaludique.
Celui qui compte parmi les artistes francophones les plus écoutés dans le monde était enfin remonté sur scène en 2022 pour présenter Multitude, disque qui lui avait permis de gagner une 6e et une 7e Victoire de la musique (décernées en France) dans sa carrière.
“Invaincu”
“Invaincu”, morceau d’ouverture sur disque et sur scène, semblait attester de son retour en forme et d’une ambition retrouvée. Mais “L’enfer” est de retour. Dire qu’il avait créé l’événement avec ce morceau en le dévoilant dans une séquence mise en scène au journal de 20 heures de TF1 un dimanche soir début 2022. “Du coup, j’ai parfois eu des pensées suicidaires/Et j’en suis peu fier/On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire/Ces pensées qui me font vivre un enfer”, entend-on dans ce morceau aux forts relents autobiographiques.
Il n’a jamais fait mystère des problèmes rencontrés lors de son ascension. “Même si on vend du rêve, ça reste un métier, et comme dans n’importe quel métier, quand on travaille de trop, on arrive à un burn-out”, avait-il concédé en 2018 dans un entretien à France 2.
Dans le journal de 20 heures de TF1, Stromae avait confié que ces dernières années, le travail sur des clips pour d’autres – Billie Eilish, Dua Lipa ou encore Orelsan, entre autres – lui avait “vraiment fait du bien” car “l’attention” n’était alors “plus portée” sur lui. Le retour sous les projecteurs a été plus dur que prévu.
“Partir en cacahuète”
Tout semblait pourtant limpide pour Paul Van Haver – pour l’état civil –, devenu une référence pour les jeunes artistes comme son compatriote Pierre de Maere ou la Française Zaho de Sagazan (tous deux roulent les “r” comme lui et comme Jacques Brel auparavant).
Né en banlieue de Bruxelles d’une mère flamande et d’un père rwandais parti très tôt de la maison et tué pendant le génocide, il découvre le rap ado. Il y fait ses premières armes, puis compose pour des artistes grand public, comme Anggun, avant de se tourner vers l’eurodance des années 1990, dont la Belgique est un des creusets.
En 2010, son premier album sous le nom de Stromae contient le hit “Alors on danse”, évocation des gens qui dansent pour oublier la crise, leur désespoir et la mort. Le titre tourne en boucle dans les discothèques, devient le tube de l’été et est même remixé par Kanye West.
Quelques mois plus tard, le public découvre un artiste singulier, entre Brel, Arno et Kraftwerk, sur la scène des Trans Musicales de Rennes.
“Ma crainte, c’est de ne pas rester normal. Le jour où je me prendrai au sérieux, c’est là que je commencerai à partir en cacahuète”, disait-il au moment du succès des fulgurants “Formidable” ou “Papaoutai”.